Pierre resta figé sur le seuil de la porte, les yeux rivés sur cette brume épaisse qui se glissait lentement à l'intérieur de son appartement. Elle semblait presque vivante, comme si elle cherchait à envahir son espace. Le silence oppressant s'intensifiait à chaque seconde qui passait. Pierre sentait son cœur battre contre sa poitrine, ses sens en alerte, mais il se forçait à ne pas paniquer.
Il ferma la porte brusquement, espérant stopper la progression du brouillard. Pourtant, l'air à l'intérieur de l'appartement semblait s'être refroidi. Une sensation étrange, presque palpable, flottait dans l'atmosphère. Il ferma les yeux un instant, essayant de calmer son esprit, de rationaliser la situation. Ce n'était qu'un phénomène naturel. Du brouillard, voilà tout. Il devait se ressaisir.
Il se retourna vers son salon, mais un détail attira immédiatement son attention. Son carnet de notes, qu'il avait laissé ouvert sur la table, était désormais fermé. Pierre fronça les sourcils. Il était certain de l'avoir laissé ouvert à une page précise, celle où il notait les détails des disparitions du XIXe siècle.
Il s'approcha lentement de la table, ouvrit à nouveau le carnet et remarqua quelque chose d'encore plus troublant. Sur la page vierge en face de ses notes, une inscription apparut, griffonnée en lettres tremblantes.
*"Ne retourne pas à la tour."*
Pierre sentit un frisson parcourir son échine. Il fixa les mots pendant plusieurs secondes, essayant de comprendre ce qui se passait. Était-ce une plaisanterie ? Quelqu'un était-il entré chez lui pendant qu'il avait le dos tourné ? Mais comment cela aurait-il pu se produire sans qu'il ne l'entende ?
Le grincement de la porte du couloir, suivi des coups étranges... Il se rappelait de tout cela maintenant avec plus de netteté. Cela ne pouvait être une coïncidence.
D'un geste brusque, il referma le carnet et recula, comme s'il craignait que les mots ne prennent vie. Sa respiration s'accéléra. Ses pensées tourbillonnaient, le plongeant dans un état de confusion et d'angoisse. Il avait déménagé à Forbach pour découvrir des mystères, mais il n'était pas préparé à ce genre d'événements.
Il s'assit lourdement sur son canapé, tentant de calmer ses nerfs. Devait-il en parler à quelqu'un ? Aux Muller, peut-être ? Mais que leur dirait-il ? Qu'il avait vu du brouillard entrer chez lui et qu'un message effrayant était apparu dans son carnet ? Ils le prendraient pour un fou.
Pierre finit par décider de ne pas quitter son appartement cette nuit-là. L'idée même de sortir dans cette brume épaisse et oppressante le paralysait. Il passa le reste de la nuit à surveiller la porte d'entrée, incapable de se concentrer sur quoi que ce soit d'autre.
Le lendemain matin, le soleil perça à travers les rideaux, et la brume avait disparu. L'appartement semblait avoir retrouvé son calme habituel. Pierre tenta de se convaincre que tout cela n'était qu'une série de coïncidences étranges, peut-être amplifiées par sa fatigue et son imagination débordante.
En fin de matinée, il décida de s'occuper l'esprit en se rendant au marché. L'air était frais, et les habitants de Forbach allaient et venaient entre les étals, échangeant des conversations tranquilles. L'agitation familière des matins ensoleillés le rassurait, éloignant peu à peu les angoisses de la nuit précédente.
Pierre s'approcha d'un stand de fruits et légumes tenu par une femme d'une quarantaine d'années, au sourire chaleureux. Elle s'appelait Louise, une habituée du marché que Pierre avait déjà croisée quelques fois.
- Alors, monsieur l'historien, vos recherches avancent ? demanda-t-elle en lui tendant un sac de pommes qu'il venait d'acheter.
Pierre sourit, essayant de ne pas laisser transparaître son trouble.
- Oui, doucement mais sûrement. Forbach est une ville pleine de mystères, répondit-il en essayant de paraître détendu.
Louise lui lança un regard complice.
- Oh, vous n'imaginez pas à quel point. Mais attention à ne pas trop vous enfoncer dans ces histoires. Certaines choses ici sont mieux laissées tranquilles.
Elle avait dit cela d'un ton léger, presque moqueur, mais Pierre sentait qu'il y avait un fond de vérité dans ses propos. Il acquiesça sans rien dire, et après avoir payé, il se dirigea vers la place Aristide Briand pour prendre un café.
À mesure qu'il s'installait à la terrasse du café, l'esprit de Pierre ne cessait de retourner aux événements de la veille. Ce message dans son carnet... Il devait en savoir plus. Ses recherches sur la Tour des Schloßberg n'étaient pas terminées, et cette inscription mystérieuse semblait directement liée à cet endroit.
En fin de journée, il prit une décision. Il devait retourner à la tour. Peut-être que cette silhouette étrange qu'il avait aperçue dans la brume la nuit dernière avait quelque chose à voir avec ce lieu. Si des disparitions avaient eu lieu dans le passé, il pourrait trouver des indices supplémentaires.
Le lendemain, Pierre se leva tôt et se prépara pour une expédition dans la forêt du Warndt, là où se trouvait la Tour des Schloßberg. Il emporta avec lui son carnet de notes, une lampe torche et une bouteille d'eau. La journée était claire, et la brume de la veille semblait n'être qu'un lointain souvenir.
Il marcha d'un pas rapide à travers la ville et atteignit bientôt l'orée de la forêt. Les arbres étaient hauts, imposants, et la lumière du soleil se frayait difficilement un chemin à travers les branches épaisses. Un silence étrange régnait ici, bien différent de l'agitation de la ville.
Pierre suivit le sentier qui serpentait dans les bois. Il avait fait ce chemin quelques jours auparavant, mais cette fois-ci, tout semblait plus sombre, plus lourd. Les arbres, qui lui paraissaient autrefois paisibles, semblaient presque menaçants à présent.
Après une heure de marche, il aperçut enfin la Tour des Schloßberg, se dressant fièrement au milieu des arbres. La structure de pierre, imposante et vétuste, donnait l'impression d'être hors du temps. Elle semblait observer les environs, silencieuse et vigilante, comme si elle portait en elle tous les secrets de ces lieux.
Pierre s'approcha lentement de la tour. Le sol était jonché de feuilles mortes, et l'air avait pris une odeur d'humidité. Alors qu'il contournait la base de la tour, il remarqua des inscriptions gravées dans la pierre, des symboles anciens qu'il n'avait jamais vus auparavant.
Il s'agenouilla pour examiner de plus près, mais avant qu'il ne puisse noter quoi que ce soit, un son lointain, presque imperceptible, attira son attention. Il se figea.
C'était un murmure, indistinct, porté par le vent. Le son semblait provenir de l'intérieur de la tour, de quelque part au-delà des vieilles pierres.
Sans réfléchir, Pierre se redressa et se dirigea vers l'entrée béante de la tour. À l'intérieur, tout était plongé dans l'obscurité, et l'air y était encore plus froid que dans la forêt.
Il s'avança prudemment, sa lampe torche allumée, éclairant les murs recouverts de mousse. Puis, soudain, le murmure devint plus fort, presque une voix, incompréhensible mais terrifiante. Pierre s'arrêta net, son cœur battant à tout rompre. Il avait la sensation d'être observé, entouré par quelque chose d'invisible, mais présent.
Un souffle glacial passa près de lui, et au même moment, un craquement sonore résonna au-dessus de sa tête. Pierre leva les yeux et, dans un flash de terreur pure, il vit une ombre se mouvoir sur les vieilles pierres.
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la brume du schlossberg
Mystery / ThrillerForbach, une petite ville paisible nichée aux abords de la forêt du Warndt, dissimule un secret sombre et oublié. Lorsque Pierre, un historien curieux, s'installe dans la ville pour étudier la mystérieuse Tour des Schloßberg, il est loin de se doute...