Pierre resta figé un moment, ses yeux fixés sur cette ombre mouvante au-dessus de lui. L’obscurité de la tour semblait s’animer autour de lui, comme si les vieilles pierres avaient pris vie pour le piéger. L’ombre glissait lentement sur le mur, se contorsionnant dans des mouvements inhumains. Le murmure se transforma peu à peu en chuchotements distincts, comme des voix superposées, répétant inlassablement des mots qu’il ne comprenait pas.
Ses jambes se mirent à trembler, mais il ne pouvait détourner le regard. La terreur l’avait cloué sur place, chaque fibre de son être criant à l’alarme. Pourtant, une partie de lui, poussée par la curiosité et l’obsession des réponses, voulait avancer, pénétrer plus profondément dans la tour.
Il recula de quelques pas, ses chaussures raclant doucement contre la pierre froide du sol. Les murmures s'intensifièrent, emplissant l’espace autour de lui. L’air semblait vibrer d’une énergie étrange, lourde, presque palpable. Pierre sentit une pression croissante sur sa poitrine, comme si l’atmosphère elle-même essayait de l'écraser. Il commençait à manquer d’air.
Dans un effort désespéré, il fit volte-face et courut vers la sortie. Ses pas résonnaient dans l’obscurité, chaque écho amplifiant la panique qui montait en lui. Il trébucha sur une pierre, manquant de s’effondrer, mais se rattrapa de justesse avant de se jeter hors de la tour, haletant et paniqué.
Dehors, la lumière du jour semblait avoir changé. Le soleil déclinait, et une ombre sinistre s’étendait à travers la forêt. Le paysage autour de lui était figé dans une lumière grisâtre, comme si le temps avait ralenti. Le vent s'était levé, faisant bruisser les arbres d'une manière sinistre, presque méfiante.
Pierre reprit son souffle, mais son esprit restait agité. Il avait besoin de s'éloigner de cette tour, de cette présence qu'il sentait rôder autour de lui. Alors qu'il reculait lentement, il sentit quelque chose d'anormal dans l'air. Ce n'était pas seulement la peur. C'était comme si le lieu même essayait de le retenir, comme si la forêt elle-même s'était resserrée autour de lui.
Il fit demi-tour et se mit à marcher rapidement, essayant de retrouver le chemin par lequel il était venu. Mais au bout de quelques minutes, il réalisa qu'il s’était perdu. Les arbres semblaient tous identiques, et la faible lueur du jour disparaissait rapidement, laissant place à une brume épaisse qui s’insinuait entre les troncs.
Un craquement de branche résonna à sa gauche. Pierre se figea, écoutant attentivement. Le bruit se répéta, plus proche cette fois. Quelqu'un ou quelque chose le suivait.
— Qui est là ? lança-t-il d’une voix plus tremblante qu’il ne l’aurait voulu.
Pas de réponse. Seulement ce silence oppressant, coupé par des bruits sourds et irréguliers, comme des pas dans les feuilles mortes. Son instinct lui criait de fuir, mais il était paralysé, incapable de prendre une décision. Son souffle était court, sa gorge sèche.
Puis, soudain, une silhouette émergea de la brume, à quelques mètres de lui. C'était la même silhouette qu’il avait vue lors de sa première nuit à Forbach, flottant entre les arbres. Une figure floue, indéfinissable, qui semblait à la fois proche et lointaine. Une ombre sans visage, mais dont la présence était indéniablement malveillante.
Pierre recula, mais ses pieds restaient ancrés au sol. Il voulait crier, courir, mais aucun son ne sortit de sa bouche. L'ombre s'approcha lentement, chaque mouvement semblant déformer l'espace autour d’elle. La brume tourbillonnait autour de la silhouette, comme un voile protecteur, dissimulant sa véritable forme.
— Que… que me voulez-vous ? murmura Pierre, sentant son cœur battre si fort qu'il en avait mal.
Il n'y eut aucune réponse, seulement ce murmure persistant qui l’entourait, comme des voix d’outre-tombe chuchotant des secrets oubliés depuis longtemps. La silhouette s’arrêta à quelques mètres de lui, puis, d'un mouvement fluide, elle s'évanouit dans la brume, comme si elle n'avait jamais été là.
Pierre sentit ses jambes faiblir. Il tomba à genoux, l'esprit en proie à une terreur irrationnelle. Il resta là, à genoux dans la forêt, entouré par la brume qui semblait le cerner comme un piège invisible.
C’est alors qu’il entendit un autre bruit, cette fois derrière lui. Il se retourna brusquement et vit une lumière tremblotante au loin. C'était une lampe torche. Quelqu'un approchait.
— Pierre ! cria une voix.
Il reconnut la voix avant même de voir le visage. C’était Claire, la bibliothécaire. Elle se précipitait vers lui, sa lampe torche éclairant faiblement le chemin à travers la brume.
— Mon Dieu, que faites-vous ici ? Vous êtes complètement fou de venir seul dans cette forêt ! s'exclama-t-elle en l'aidant à se relever.
Pierre, toujours sous le choc, la regarda avec des yeux hagards.
— La… la tour… il y a quelque chose… quelque chose de vivant, balbutia-t-il.
Claire le regarda avec une inquiétude évidente. Elle posa une main ferme sur son épaule.
— Venez, nous devons quitter cet endroit immédiatement. Il est dangereux de rester ici après la tombée de la nuit.
Pierre hocha faiblement la tête et se laissa guider par Claire à travers la forêt. La lumière de sa lampe torche perçait à peine la brume, mais elle était suffisante pour les mener hors de la forêt. Après une marche qui lui parut interminable, ils atteignirent enfin les premières maisons de Forbach.
Claire l’amena jusqu’à chez elle, une petite maison située non loin de la bibliothèque. Une fois à l’intérieur, elle lui prépara une tasse de thé et le fit s’asseoir.
— Maintenant, racontez-moi exactement ce que vous avez vu, dit-elle en le regardant droit dans les yeux.
Pierre, encore sous l’emprise du choc, lui raconta tout : les étranges phénomènes dans son appartement, les murmures dans la tour, l'ombre qui l’avait suivi dans la forêt. Claire écoutait attentivement, sans l’interrompre, ses traits devenant de plus en plus tendus à mesure qu'il avançait dans son récit.
— Je savais que cette tour cachait quelque chose, murmura-t-elle pour elle-même une fois qu’il eut terminé.
— Vous saviez ? s’exclama Pierre. Pourquoi ne m’avez-vous rien dit ?
Claire soupira profondément.
— Je ne savais pas que c’était à ce point… mais j’ai entendu des histoires, moi aussi. Des histoires anciennes que beaucoup de gens ici préfèrent oublier. Ce que vous avez vu… cette ombre, elle est liée à quelque chose de plus sombre, de plus ancien que nous.
Pierre resta silencieux, absorbant ses mots. Sa curiosité l'avait entraîné trop loin, et maintenant, il se retrouvait pris dans un mystère qu’il ne comprenait pas pleinement.
— Et maintenant ? demanda-t-il finalement. Que devons-nous faire ?
Claire le fixa avec une intensité nouvelle.
— Vous devez quitter Forbach, Pierre. Vous êtes trop impliqué maintenant. Si vous restez, cela ne fera qu'empirer. Cette chose… elle ne vous laissera pas tranquille.
Pierre secoua la tête, son esprit embrouillé par l’épuisement et la confusion.
— Non, je ne peux pas partir. Pas sans comprendre ce qui se passe vraiment.
Claire le regarda longuement, puis hocha lentement la tête, comme si elle s’attendait à cette réponse.
— Alors, il n’y a qu’une seule solution, dit-elle d'une voix grave. Nous devons retourner à la tour. Mais cette fois, nous ne serons pas seuls. Nous allons affronter ce qui s'y cache, une fois pour toutes.
Pierre sentit un mélange de terreur et de détermination monter en lui. Il savait que cela allait au-delà de ses simples recherches. Désormais, c’était une question de survie, et peut-être même plus que cela.
La nuit suivante, ils retourneraient à la tour des Schloßberg, mais cette fois, ils seraient préparés à affronter l'ombre.
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la brume du schlossberg
Mystery / ThrillerForbach, une petite ville paisible nichée aux abords de la forêt du Warndt, dissimule un secret sombre et oublié. Lorsque Pierre, un historien curieux, s'installe dans la ville pour étudier la mystérieuse Tour des Schloßberg, il est loin de se doute...