La fille à la jupe orange

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Texte écrit pour le concours de @Luxiana1807

La première fois que je l'ai vue, ce fut par hasard. J'allais quitter ma chambre pour aller travailler, quand je regardai par la fenêtre. Elle était là, assise par terre, dans l'herbe verte, adossée contre un arbre, illuminée par la lumière, lisant un livre dans ce parc. Elle était belle. Vraiment, vraiment belle. Belle comme je n'avais vue une femme aussi belle. Même si elle ne ressemblait pas à une mannequin, elle était belle, avec ses cheveux roux et sa jupe orange.

Je ne sais pas combien de temps je suis resté là, planté devant ma fenêtre, à la regarder. Puis, finalement, elle a fermé son livre, s'est relevée, et je crus même qu'elle jeta un regard dans ma direction.

Impossible, me suis-je dis. Mais bon, rien n'empêche de rêver.

Je l'ai revue. Souvent. Tous les dimanches, la fille à la jupe orange revenait dans le parc. Elle s'adossait contre le même arbre, et lisait. J'ai ainsi remarqué que c'était à chaque fois un livre différent.

Tous les dimanches, elle était là, entre une deux heures et cinq heures de l'après midi. À cinq heures, elle repartait.

Au lieu de réviser, je passais ainsi tous mes après-midi à l'observer.

Je ne sais pas combien de temps j'ai passé mes dimanches à regarder la fille à la jupe orange. Plusieurs dimanches, peut-être deux mois.

Une fois, je suis même allé lire dans le parc pour pouvoir la contempler de plus près.

Ça aurait pu continuer longtemps. Mais un jour, j'ai décidé d'aller lui parler. Je suis descendu vers le parc, mais avant même que je me dirige vers la jeune fille, celle-ci se lève. Et se dirige vers moi. Brusquement, j'ai envie de faire demi-tour. J'ai peur. Peur de lui parler. De dire n'importe quoi.

Mais avant même que j'ai le temps de faire demi-tour, elle est devant moi.

- Salut ! C'est pas trop ennuyant de me regarder lire tous les dimanches ?

- Quoi ? Mais... non... Je n'ai...

- Ne t'inquiètes pas, je ne t'en veux pas. C'est plutôt flatteur (et flippant).

- Ah... Je ne voulais pas t'effrayer... J'avais peur de te parler... Je suis timide, d'habitude... Et puis... Tu étais si belle...

- C'est bon, j'ai compris ! me répondit-elle en souriant.

- Tu lisais quoi comme livre ?

- Ça dépend des jours... la plupart du temps, ce sont des recueils de poèmes, d'auteurs comme Victor Hugo, Rimbaud, Baudelaire...

- Je n'ai jamais lu ces auteurs, lui ai-je avoué, gêné.

- Je te les prêterai, si tu veux. Mais maintenant, je dois partir.

Elle se tourna, et commença à partir. Mais je me rendis compte que je connaissais pas son prénom.

- Attends ! Tu t'appelles comment ?

Elle s'arrêta.

- Je m'appelle Lucine. Et toi ?

- Je m'appelle Paul !

- Et bien, Paul, rendez-vous dimanche prochain !

Et elle s'en alla.

Nous nous sommes revus. Tous les dimanches, toujours dans le parc, jamais les autres jours, jamais à un autre endroit. Toujours durant les mêmes heures. Cela me paraissait étrange, mais en même temps, cela m'arrangerait pour mes études d'ingénieur.

Au fur et à mesure de nos rencontres, je me suis rendu compte de mes sentiments pour Lucie. J'aimais la fille à la jupe orange. Mais je n'avais pas le courage de lui dire.

J'aurais voulu lui envoyer un message contenant un poème, mais je n'avais aucun contact avec elle hormis ces dimanches.

Un jour, j'ai enfin eu le courage d'aller lui avouer mes sentiments.

Elle était assise, en train de lire contre son arbre.

- Lucine ? J'ai quelque chose à te dire...

- Je sais. Tu es tellement prévisible, Paul... Tu m'aimes, c'est ça ?

- Oui... et... et toi ?

- Moi ? Et bien, moi, je t'aime aussi Paul. Depuis que je t'ai vu.

Je n'arrivais pas à le croire. Lucine m'aimait. Moi.

Elle posa son livre par terre, et se leva. Et m'embrassa.

J'ai vécu, ces mois-là, ces dimanches-là, peut être les plus beaux jours de ma vie.

Une fois, j'ai voulu lui demander pourquoi toujours les dimanches dans le parc. Elle m'a répondu qu'elle était obligée de faire ainsi.

J'aurais voulu l'emmener au cinéma, aller se balader en ville, mais elle ne voulait pas.

Cela ne m'importait peu, j'avais 18 ans, j'avais Lucine, je faisais les études de mes rêves.

Si seulement j'avais su que ce bonheur était éphémère.

Un jour, elle m'a donné tous ses beaux recueils. Elle m'a dit :

- Je pars pour un long voyage. Je veux te les donner. Merci, Paul, de m'avoir aimée. Ainsi, j'ai pu reprendre confiance en moi et terminer ce que j'avais commencé.

- Tu pars où ? Pour faire quoi ?

- Je suis désolée, je ne peux pas te répondre. Adieu, Paul, tu auras été le plus grand amour de ma vie.

Je ne l'ai plus jamais revue. J'avais perdu la fille à la jupe orange.

J'ai lu tous les livres qu'elle m'avait donné. Et, au fond du dernier, j'ai trouvé un papier.

"Paul, va voir mes parents à cette adresse. Demande-leur si ils connaissent une Lucine.

Je te le promets, tu auras la réponse à toutes tes questions.

Je t'aime,

Lucine."

Puis il y avait une adresse marquée.

Environ un mois après la disparition de Lucine, j'y suis allé, j'ai sonné.

Un couple ayant la cinquantaine m'a ouvert.

- Qu'est ce que vous voulez ? m'a demandé l'homme.

- Je voudrais savoir si vous connaîtriez une Lucine.

- Ou... Oui. C'est... c'était notre fille unique.

- C'était ?

- Oui... Elle est morte. Cela a fait un an il y a un mois. Elle est morte le dimanche 11 août.

J'avais vu Lucine pour la première fois le 18 août. L'année dernière. Et elle avait disparu le dimanche 10 août.

- Comment est-elle morte ?

- Elle est allée lire dans le parc à deux heures. À cinq heures, des gens l'ont vue partir. On l'a retrouvée noyée dans le lac du parc.

- Je suis désolé d'avoir remué tous ces douloureux souvenirs. Merci. Passez une bonne journée.

Ainsi, Lucine, la fille à la jupe orange, n'existait plus. J'étais amoureux d'un fantôme disparu. 

Juste quelques motsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant