Pour mon équipe adorée. Celle qui a inventée cette histoire.
« Allez debout ! Me souffle la fille, dépêche toi, ils arrivent. »
Je me lève en tendant l'oreille. La fille a raison, les bruits de ferraille se rapprochent à grande vitesse. Je secoue le petit et une fois qu'il aura émergé de ses cauchemars, nous partirons.
Nous courrons. Durant deux minutes peut-être. Cela peut aussi correspondre à deux heures. Voir deux jours. Le temps n'est pas définie. Lorsque les crissements ne semblent plus qu'être un
bourdonnement, nous nous allongeons sur le sol lisse et froid. Nous tentons de dormir.Voici notre quotidien depuis que nous nous sommes réveillés pour la première fois dans ce couloir noir. Impossible de savoir à quoi ressemble les autres. Je sais seulement que nous sommes quatre. Il y a une fille, je l'ai deviné au son de sa voix fluette. Ensuite, il y a deux garçons, que je différencie car l'un est plus petit que l'autre. Je l'ai appris quand nous courrons. Les respirations du grand se ressentent plus et sont, plus hautes. Le petit doit m'arriver en dessous des épaules. Tandis que quand le grand parle, je me sens presque obligée de lever la tête.
Je suis une fille, même si ici, le sexe et même l'âge ne changent rien à notre situation. Nous nous sommes retrouvés ici. Nous avons entendu des bruits de ferraille, pareil au son d'un orchestre
de fourchettes que l'ont feraient crisser contre des milliers d'assiettes, nous avons fuis.Cependant, ce ne sont pas ces bruits qui nous poussent à courir. Ce sont des cris humains, ou du moins ils ont l'air humains. Des cris de terreurs, de douleurs, des pleurs. Peut importe au fond. Nous avons tout de suite su que pour survivre, nous devons courir, le plus loin possible.
Nous n'avons jamais ressenti quelconque autre sentiment que la peur et le sommeil. Je crois que nous avons oublié. Nous ne savons même plus comment nous nous appelons. Je doute que nous puissions un jour le découvrir. Nous nous raccrochons au mince espoir de trouver une sortie, un échappatoire à ce cauchemar.
Le couloir, est infini. Nous ne pouvons savoir à quelle hauteur est le plafond, et les murs se résument à des parois lisses et glaciales, pareils au sol.Nous nous arrêtons, pour dormir. Je vois en rêve la scène qui est si souvent apparue dans mon esprit : un arbre sur une colline verte dorée au soleil. Des fruits rouges parsèment son feuillage.
Je vois le soleil. Une source de lumière. Je ne sais pas d'où vient cette vision, mais elle me pousse à courir.« AAAAAAH ! »
Je sursaute. Le petit hurle. Il doit encore faire l'un de ses cauchemars. Il se réveille régulièrement en beuglant. Je sens malgré la pénombre qu'il est traversé de spasme. Au son, on
aurait l'impression qu'il se bat contre quelque chose. Le grand lui tapote l'épaule. Des mots incompréhensibles sortent de la bouche du petit. Il parle en même temps qu'il tremble. Des sanglots
perlent le long de ses joues. Il ne s'arrête pas pendant de longues minutes. Le grand tente de le calmer, mais rien ne réussit à stopper le flot de pensées.Je panique. Les bruits de ferraille ne sont plus très loin, nous devons partir. Mais il faut que tout le monde vienne. Même le petit. On ne peut pas le laisser là. Le grand l'aide doucement à se
relever. Il veut le porter. Je l'oblige à le reposer. Nous n'irons pas loin comme ça. Si le petit doit partir, ce sera de son plein gré. Je lui parle alors. Je prends des précautions, pour lui expliquer que
nous avons tous peur, mais que nous devons y aller, et ce le plus vite possible. Finalement, il consent à prendre ma main et courir derrière moi, sans briser notre contact. Même s'il me ralentit, ce sera toujours mieux que d'avoir son poids sur les épaules.Plusieurs périodes de sommeil, réveil s'écoulent. Combien, je n'en sais rien. Le petit fait de plus en plus de cauchemars. Il crie plus fort, il se fatigue plus rapidement. Il a tenté à deux reprises
de courir dans l'autre sens. Heureusement, nous avons réussi à l'en empêcher. Mais il semble de plus en plus instable. Ces crises surviennent même lorsque nous sommes éveillés. Nous ne tiendrons pas longtemps. La fille commence à évoquer son départ. Nous le laisserons dans son sommeil agité tandis que nous continuerons dans le couloir sombre.Je ne suis pas contre. C'est le grand qui s'y oppose. Il clame que nous ne pouvons pas laisser notre camarade seul, aux prises des ferrailles. Je suis
d'accord avec lui, mais nous n'avons pas le choix. Il faudra bien que nous puissions nous éloigner du danger. Car à cause du petit nous sommes de plus en plus proches de lui.
Après plusieurs débats chuchotés pendant que le petit dormait, nous avons conclu d'attendre. Si la situation n'évoluait pas voir s'empirait, nous n'aurions pas d'autre choix que de
l'abandonner. Mais si des progrès éventuels se manifestaient, nous pourrions envisager de continuer
notre course à quatre.Énième réveil en sursaut. Les cris du petit sont perçants. C'est la première fois qu'il hurle des mots. Je parviens à en distinguer un extrait, parmi les aboiements :
« Nous sommes finis ! C'est la fin ! Je suis entouré de fous ! Nous sommes condamnés ! Nous allons tous mourir ! Restez ici est inutile ! Autant se suicider sur place ! Autant se tuer mutuellement si vivre se résume à ce cauchemar ! C'est infinie ! Ils arrivent ! Courir est inutile ! Peut importe ce que nous ferrons ! Ils sont à nos trousses ! Ils nous rattraperont toujours ! Nous courrons à notre perte ! »
Ni moi ni la fille ni même le grand ne cherchent à bouger. Nous savons que nous sommes paralysés. J'entends le petit se lever. Ses cris ne s'arrêtent plus. Il hurle qu'ils sont derrière nous, qu'en ce moment même ils sont prêts. Il aboie pendant un long moment. Puis, il crie un dernière fois :
« Ils arrivent ! Vous êtes fous ! Nous sommes condamnés ! », avant de s'enfuir en courant.
Je parviens à me redresser à l'instant où je comprend qu'il se dirige vers les bruits de ferraille. La fille et le grand accompagnent mes hurlements.
« Ne va pas par là ! Tu vas mourir! C'est le mauvais côté ! Tu cours au suicide ! »
Malgré nos éclats de voix, il ne revient pas. Le bruit de ses pas s'enfonce de plus en plus vers ceux qui nous terrifient tant. Nous arrêtons de beugler. Nous savons que ça ne sert plus à rien. Nous ne bougeons pas pour autant. Peut-être avec l'espoir intérieur qu'il rebroussera chemin. Nous le perdons quand sa voix retentit dans le couloir.
Un cri si puissant que nous l'entendons comme s'il était tout près de nous. Un cri de terreur absolue. Un cri de souffrance infinie. Un cri qui force nos jambes à courir toutes seules.
Nous ne leur avons pas ordonné de fuir, elles ont démarré toutes seules. Sans que nous ayons eu besoin d'y penser. Sans que nous ayons pensé une seule fois au sort du petit. Même le grand n'a pas hésité. Le son de sa course retentit aussi puissamment que celui de la fille.
Nous n'avions jamais couru autant. Pourtant, malgré la distance, les cris ne se sont jamais éloignés. Ils restent figés dans nos esprits. Quoi que l'on fasse. Peut-être que le petit avait raison au
final. Nous ne parviendront peut-être jamais à leur échapper.Au bout de ce qui semble être une éternité, nous nous accordons une pause. Je tente de m'endormir sur le sol glacé. Je n'y parviens pas. Je demande à voix haute « Vous dormez ? ».
Le grand et le fille me répondent simultanément. Aucun de nous trois n'arrivent à se défaire des appels à l'aide du petit. Nous décidons de repartir. Nous ne courrons pas très vite, à cause de la fatigue, mais nous avançons quand même.Notre rythme est bien bas quand la fille s'exclame :
« De la lumière ! De la lumière ! »
Je lève le regard. En effet, elle a raison. Au bout du couloir, on arrive à distinguer une source lumineuse. Elle est très faible, mais bien là. Je sens l'espoir remonter en nous. Nous oublions les cris, la fatigue, la peur. Nous avons trouvé quelque chose.
xxx à suivre xxx

VOUS LISEZ
Courir
Cerita PendekNous nous sommes juste réveillés. Dans ce couloir noir. Dans cet enfer. Je ne saurais pas vous dire depuis combien de temps nous avons commencé à courir. Nous n'avons aucune notion du temps. Nous savons une chose, il faut courir. Courir.