Transparence

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L'air était lourd et saturé de l'odeur du chlore, typique des après-midi à la piscine du lycée. Iris ajusta nerveusement les bretelles de son maillot, sentant le regard de ses camarades sur elle. Depuis quelques jours, elle se sentait différente, plus sensible, comme si sa peau réagissait à tout – au moindre souffle d'air, au contact de ses vêtements.

Elle descendit lentement les marches menant au bord du bassin, ses pieds glissant légèrement sur les carreaux humides. Ses amies étaient déjà dans l'eau, riant et s'éclaboussant, l'appelant à les rejoindre.

— Allez, Iris ! L'eau est parfaite, dépêche-toi ! lança Zoé, sa meilleure amie, en éclatant de rire.

Un sourire nerveux se dessina sur ses lèvres. Iris prit une grande inspiration. La peur la tiraillait, mais elle ignorait pourquoi. C'était juste de l'eau, après tout. Juste une piscine. Rien de plus. Elle laissait ses angoisses la dominer. « Allez, c'est ridicule », se dit-elle en avançant d'un pas.

La première éclaboussure atteignit sa cheville. Le contact de l'eau fut comme une décharge, et instantanément, elle sentit quelque chose de profondément perturbant. Un étrange frémissement parcourut sa peau. Elle baissa les yeux.

Sa cheville... elle était devenue translucide.

Elle crut d'abord rêver, ses yeux écarquillés fixés sur son propre corps. La chair disparaissait sous la surface de l'eau. Pas complètement, mais suffisamment pour que la panique la submerge. Elle pouvait voir l'os, les muscles, mais comme à travers un voile d'eau. Son pied ressemblait à un appendice gélatineux, ses veines flottant dans une matière diaphane, presque fantomatique.

Iris fit un pas en arrière, trébuchant presque hors de l'eau. Son souffle se bloqua dans sa gorge.

Non. Non, non, non, c'est impossible.

Elle regarda frénétiquement autour d'elle, mais personne n'avait remarqué. Les rires continuaient, les éclaboussures et les cris des autres résonnaient dans la piscine, ignorant la terreur qui montait en elle.

Un autre pas. L'eau atteignit maintenant ses genoux, et la sensation s'intensifia. Sa peau se dissolvait dans l'eau comme du verre fondant sous une flamme. Ses jambes étaient devenues entièrement translucides, prenant une texture étrange, à mi-chemin entre la chair et la méduse. Des filaments, presque imperceptibles, ondulaient autour d'elle, comme des tentacules légers flottant au rythme des vagues.

Elle voulut crier, mais ses lèvres restèrent scellées. Elle recula brusquement, son corps heurtant le bord du bassin. Il fallait qu'elle sorte de l'eau, maintenant, avant que quelqu'un ne s'en rende compte. Avant que tout son corps ne se transforme sous leurs yeux.

Mais avant qu'elle n'ait pu faire un geste, une autre éclaboussure atteignit son bras, et immédiatement, le phénomène reprit. Sa main se dissout sous l'eau, ses doigts se transformant en filaments translucides, vibrants, comme des extensions d'elle-même. Elle sentit une pulsation étrange, quelque chose qu'elle ne contrôlait pas, qui l'attirait vers l'eau, comme si elle en faisait maintenant partie.

Son souffle devint saccadé. Elle jeta un coup d'œil rapide à ses camarades. Personne ne semblait la remarquer encore, mais combien de temps cela allait-il durer ? Combien de temps avant qu'ils ne voient cette... chose qu'elle devenait ?

Iris fit un pas désespéré pour sortir du bassin, mais c'était trop tard. Zoé s'approchait, l'éclaboussant accidentellement en plongeant. Une vague frappa son torse et soudain, tout son corps plongea dans la métamorphose. Ses bras, son ventre, ses jambes, tout devint translucide, son corps se fondant dans l'eau comme une créature marine, ses membres se transformant en tentacules fluides, gélatineux.

Une énergie inconnue pulsa dans ses veines. Elle pouvait sentir l'eau, chaque particule, chaque mouvement. Elle n'était plus seulement dans la piscine. Elle était la piscine.

Ses yeux écarquillés de terreur croisèrent ceux de Zoé, et dans ce bref instant, Iris vit l'incompréhension dans le regard de son amie. Zoé allait parler, mais soudain, un filament s'échappa du bras translucide d'Iris et s'enroula autour de la jambe de Zoé, tiré par une force qu'Iris ne maîtrisait pas.

— Non ! Zoé, non ! tenta-t-elle de hurler, mais sa voix resta bloquée dans sa gorge.

Elle ressentit alors un flot d'énergie, une chaleur envahissante, parcourant le filament et remontant jusqu'à son corps. C'était la vie de Zoé, sa vitalité, qui passait en elle, coulant à travers cette étrange connexion. Iris voulut rompre le lien, mais elle n'arrivait plus à bouger, figée dans cette nouvelle nature effrayante.

Zoé cessa de bouger, son visage devenant soudainement livide. Une terreur sourde monta en Iris. Elle s'extirpa de l'eau aussi vite qu'elle le put, son cœur battant à tout rompre. Mais c'était trop tard. Dès qu'il quittait l'eau, son corps redevint tout de suite normal, comme si rien d'étrange ne s'était produit. Mais la réalité la rattrapa brutalement.

Elle cria, un son déchirant, empli d'effroi.

Zoé ne bougeait plus.

LA PETITE MEDUSE [FANTASTIQUE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant