𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟐

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Poppy se tenait devant le miroir de sa chambre, observant son reflet dans l'uniforme du lycée. D'un geste lent, elle saisit un pli du tissu entre ses doigts, comme si elle cherchait à s'assurer que tout cela n'était pas un rêve.

"Allez, Poppy, c'est ce que tu voulais, non ?" murmura-t-elle, essayant de retrouver l'excitation qu'elle avait ressentie en ouvrant la lettre d'admission.

Sauf que là, la boule dans son ventre devenait trop grosse. Ce n'était pas juste la peur de l'inconnu, mais surtout la peur de foirer. Ce lycée-là, c'était un autre monde, un monde bien trop loin du sien.

Son regard s'attarda sur une vieille photo encadrée, posée sur la commode. On y voyait sa mère, son père et elle, tout sourire sous un ciel d'été radieux, à une époque où tout semblait encore possible. Cette période, cependant, lui paraissait désormais lointaine, comme une vie d'un autre temps, un passé presque effacé, noyé dans les brumes du souvenir.

Le bruit distinct d'une canette qui s'ouvre brisa le silence. En bas, sa mère devait être vautrée devant la télé, bière à la main comme d'habitude. Ce bruit, autrefois insignifiant, commençait à lui taper sérieusement sur les nerfs.

— T'es prête ? gueula sa mère depuis le salon, la voix rauque et usée par trop de clopes et de bières.

Poppy ne répondit pas tout de suite. Elle ajusta son col, prit une grande inspiration et attrapa son sac. Avant de quitter la chambre, elle se regarda une dernière fois dans le miroir, essayant de prendre un air confiant, mais ça sonnait faux.

En bas, c'était toujours le même tableau : sa mère affalée sur le canapé, les yeux fixés sur l'écran, l'air absent, une clope pendante au coin des lèvres. L'odeur familière de tabac froid et de bière bon marché imprégnait l'air, comme une marque indélébile de la routine qui s'éternisait jour après jour.

— Ils font pas les choses à moitié, dans ce lycée, marmonna sa mère sans vraiment la regarder.
J'ai laissé l'argent pour les bières sur la table. N'oublie pas de passer au supermarché en rentrant, ajouta sa mère, toujours sans décrocher son regard de l'écran.

Pas un « bonne chance », pas un « je suis fière de toi ». Rien. Comme toujours.

La colère monta en elle, menaçant d'exploser, mais elle la ravala. Ce n'était pas le moment de péter un câble. Elle attrapa les billets d'un geste sec, serrant les dents. Elle savait bien que sa mère avait encore trouvé sa cachette d'argent.

Dehors, l'air frais la frappa au visage, et elle respira profondément. Elle devait se calmer.

Le bus n'était qu'à quelques minutes de marche, mais chaque pas lui semblait lourd. Le bus arriva enfin, et sans hésiter, elle monta. C'était l'heure d'affronter ce nouveau chapitre de sa vie.

Le trajet semblait à la fois interminable et trop rapide. À chaque arrêt, la tension montait, mais elle se répétait intérieurement qu'elle avait travaillé dur pour en arriver là. Quand le lycée apparut enfin au bout de la rue, imposant avec ses murs hauts et ses grandes fenêtres, une boule d'angoisse mêlée d'excitation se forma dans son ventre.

En entrant dans le bâtiment, elle fut tout de suite frappée par l'effervescence ambiante.

Les couloirs grouillaient de monde, des élèves de partout, des bruits, des rires. Elle serra son sac contre elle et traversa la cour. Elle était impressionnée, mais ce n'était rien comparé aux foules du resto où elle bossait. Là-bas, c'était tout aussi bondé, mais ici, le décor était bien différent.

Elle se dirigea vers le panneau où étaient affichées les classes.

— Putain... encore avec ces cons... marmonna une voix derrière elle.

Accidentally meeting youOù les histoires vivent. Découvrez maintenant