We agreed

Chapitre 7 - Dean

— Alors comme ça, on se remet à la scène, monsieur Daniels ?

Je reconnaîtrais cette voix entre mille.

— Amelia.

Ce n'est pas une question. Juste un constat.

— Contente de voir que tu ne m'as pas complètement oubliée, rétorque-t-elle avec amertume.

Je me retourne vers elle. Adossée contre le muret qui longe l'arrière du pub, elle s'est installée à l'abris des regards. Un sourire fugace traverse mes lèvres : elle a tout prévu, comme d'habitude. Je m'enfonce un peu plus dans la ruelle, fuyant les étudiants présents au concert et finis par retirer ma capuche pour lui offrir mon expression la plus contrite.

— Ce n'était pas contre toi... Je n'ai pas parlé à grand monde ces derniers mois, si tu veux tout savoir.

Elle hausse son sourcil roux et se détache du rebord pour s'approcher. Ses hanches ondulent dans un mouvement félin, tout en sensualité. Mon cœur manque un battement. Amelia est magnifique, elle le sait et elle en joue extrêmement bien. Arrivée à ma hauteur, elle passe un doigt le long de ma mâchoire et réplique :

— Mais tu n'avais pas à parler, avec moi...

Des frissons me parcourent tandis que les images de nos ébats me reviennent en mémoire. Nous, sur mon lit. Nous, sur le sien. Nous, avant. Sans avoir partagé de véritable relation, Amy et moi avons vécu de grands moments pendant notre licence. Et je me doute que l'avoir plantée du jour au lendemain en ne lui offrant aucune explication n'a pas dû lui faire plaisir...

— J'ai merdé, je suis désolé.

Je ne trouve rien d'autre à dire. Je n'ai hélas que peu d'arguments pour ma défense et aucune envie de rentrer dans les détails de mes déboires familiaux.

Je me sens con.

Elle s'écarte légèrement de moi afin de me jauger. Le temps s'allonge. Les secondes s'égrènent et je sens presque leur poids peser sur mes épaules. Puis, sans rien dire, elle efface la distance qui nous sépare pour poser ses lèvres sur ma joue. Je sursaute mais ne la repousse pas. Moi qui pensais avoir perdu la bataille avant même de m'être engagé au front, je ne peux être qu'agréablement surpris !

— Tes excuses m'ont l'air sincères et... j'avoue être heureuse de te voir refaire surface. J'ai bien envie de profiter de ton retour, minaude-t-elle.

Toute la tension qui m'habitait depuis ma sortie du pub s'évapore sur le trottoir, asséchée par la brise glaciale qui hante les rues de Londres depuis novembre. Ses mots me caressent avec douceur, éveillant un désir que je n'ai pas rassasié depuis longtemps. Sa proposition plus qu'alléchante m'aspire dans un vortex affamé d'impatience : j'aurais bien besoin de me vider l'esprit après ce premier concert qui m'a mis dans un état de nerfs proche de l'apoplexie... Aussi, il ne m'en faut pas plus pour caler une main dans le bas de son dos et réduire le mince espace qui demeure entre nous, scellant nos bouches dans un baiser langoureux.

Amelia émet un petit gémissement approbateur et m'embrasse plus profondément, prenant mon visage en coupe dans ses mains. Soudain, les températures hivernales remontent dans le ciel et se terrent derrière les nuages, offrant à mon corps une trêve bienvenue. Une vague de chaleur m'enveloppe tout entier et j'arrime mes bras autour de sa taille. Avec Amy, tout est simple, instinctif. Pas besoin de paroles débordant de mièvreries ni de promesses intenables.

C'est certainement un des atouts qui m'a le plus manqué depuis que je me suis réfugié dans mon mini-studio, comme un ermite. Lorsque j'ai découvert que Laney m'avait tout pris et que j'allais devoir trahir mon contrat avec la bourse Prescott, j'ai préféré m'isoler, afin d'éviter à mes proches d'être accusés d'une quelconque complicité si je me faisais prendre. Non pas qu'ils risquent la prison, mais j'ai toujours craint que nos professeurs décident de les sanctionner pour m'avoir couvert. Nous parlons tout de même d'une somme s'élevant à plusieurs dizaines de milliers de livres et certains de mes amis perçoivent une bourse d'État. Je ne me serais jamais pardonné de les avoir embarqués dans mes galères de famille.