Chapitre 9 - Ellen

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— Tu dois donner ce cours, Wes, on en a déjà parlé.

Mon ex a beau être brillant, il semble plus déterminé encore à me gâcher la vie, même si cela doit lui porter préjudice.

— Sauf que j'en ai plus envie. Tu avais besoin de moi pour le programme des tutorats donc j'ai dit oui, mais je ne veux plus céder à tous tes caprices sans condition.

— Mes caprices ? Mais tu gagnes de l'argent et tu es sur les petits papiers de la fac, en quoi c'est un caprice, tu m'expliques ?

— Je ne veux pas de carrière universitaire Ellen, je ne suis pas comme toi. Et je n'ai pas besoin d'argent. Ce job, je l'ai accepté rien que pour toi, et je me rends compte combien je ne me suis pas écouté. Je n'ai pas de temps pour ça, c'est tout.

Je respire profondément, repoussant au mieux la colère qui enfle dans mon cœur. Comment peut-il prétendre que tout ceci n'a été qu'un désir égoïste que je lui ai imposé ? Pas un étudiant de UCL ne rêve pas de faire partie du programme ! Je n'arrive pas à y croire.

— Wes, tu t'es engagé, au moins pour l'année. Tu es le seul à avoir un domaine d'expertise dans l'économie éditoriale de la poésie numérique. Je ne peux pas supprimer le module comme ça ! Il y a plus d'une vingtaine d'élèves qui se sont inscrits à ton cours pour ce semestre, ils sont intéressés par ce que tu fais. Oublie-moi un peu et pense à eux. Ça ne te ferait pas plaisir de partager ton sujet de recherche avec des étudiants qui l'aiment et qui sont pendus à tes lèvres ?

Pas une once de bienveillance ou d'intérêt ne colore ses iris. Il me scrute froidement, le regard impassible. Assis dans le petit café donnant sur Malet Place, nous laissons le silence nous gagner tandis que les gens s'abandonnent à leurs addictions caféinées. Mon cœur bat la chamade et mes doigts, moites, tapotent mon carnet, guidés par une chorégraphie anxieuse.

Si la direction apprend que j'ai recruté un étudiant qui m'a plantée après seulement un module, je vais avoir de gros ennuis. Pire que cela : ils pourraient décider de revoir mes responsabilités à la baisse. Mon rôle, c'est justement de trouver des personnes compétentes, fiables et investies. Ce n'était déjà pas la meilleure des idées de recruter mon copain, s'ils apprennent que celui-ci s'en va après m'avoir plaquée, je n'ose imaginer ce qu'ils vont penser de moi...

— Mais tu m'as dit que tu le voulais, l'an dernier... Tu m'as dit que c'était ton rêve de pouvoir enseigner sur ce sujet trop méconnu. Je ne te comprends pas... N'abandonne pas une des plus belles opportunités de ta vie simplement à cause de moi, ce serait un trop gros gâchis !

Et je le pense.

Mais Wes continue de me jauger de son terrible regard noir. Pas une once de sympathie, de compréhension ou d'entrain. Je n'arrive pas à croire que j'ai devant moi le garçon avec qui j'ai passé trois ans de ma vie. Que j'ai aimé. Avec qui j'ai envisagé de construire mon avenir. Wes, mon premier vrai grand amour. Ma première relation sérieuse. Ma première relation d'adulte. Wes, qui aujourd'hui me terrifie. Dont je ne peux prévoir aucune réaction et qui chaque fois semble toujours plus résolu à me blesser, m'enfoncer, me détruire.

Comment avons-nous pu en arriver là ?

Qu'ai-je donc fait pour mériter ça ?

Étais-je donc si horrible ? Si méchante ? Si monstrueuse ?

Je ne sais plus si c'est Wes que je dois détester ou bien moi-même. Je ne sais plus qui de nous deux a engendré ce combat, a bâti les fondations de cette haine si grande qu'elle nous terrasse. J'aimerais croire que je suis la victime, que je suis innocente dans cette affaire. Mais je sais que les disputes naissent d'au moins deux partis. Je sais que j'ai ma part de responsabilités à la situation actuelle.

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