Tenzin dirigea son arbalète en direction de la sorcière. Le carreau franchit la distance qui les séparait à une vitesse folle. L'arme allait l'atteindre si la femme n'avait pas sorti sa baguette pour le dévier d'un sort. Une lueur rouge jaillit, et le bois éclata en mille morceaux. Elle était coriace, il devait l'admettre. Mais aucune sorcière adepte de magie noire n'avait jamais eu raison de lui. Au contraire, il était l'un des meilleurs chasseurs de l'ombre. Celle-ci était effrayée, et il profita de cet état pour l'attaquer sans merci.
— L'Ordre des Chasseurs Noirs t'a jugée coupable de sorcellerie ! Tu es condamnée à mort !
La peur transparaissait dans ses yeux. Voyant qu'il ne pouvait l'atteindre avec son arbalète, il sortit son sabre à lame bénite. Il se rua sur elle, esquivant ses sortilèges, jusqu'à la rejoindre. D'un mouvement fluide, il lui trancha la gorge. Le sang jaillit de sa carotide, et elle s'effondra au sol, sans vie. Il essuya son visage et se saisit de sa baguette. Elle rejoindrait la collection de l'Ordre : mieux valait garder les armes de ces créatures maudites hors de circulation. Quant à la sorcière, son corps se décomposa en cendres, ne laissant derrière elle que ses vêtements comme preuve de son existence.
Tenzin rassembla ses maigres affaires et quitta les lieux, satisfait. Ce soir, il graverait sur sa peau le nom de la sorcière qu'il venait d'éliminer : Jeanne la Fourbe. Des souvenirs remontèrent en lui. Il l'avait étudiée pendant longtemps, observant chaque geste, chaque mot qu'elle échangeait avec ses consœurs, grâce à des micros dissimulés dans sa résidence. Comme beaucoup de sorcières, elle était riche et possédait plusieurs propriétés à travers Paris. Car avant de traquer une sorcière, il y avait des semaines d'enquête, nécessaires pour confirmer sa culpabilité et identifier ses points faibles.
Il examina la baguette de sa nouvelle victime. Elle était en acier chirurgical, l'une des baguettes les plus puissantes qu'il avait détenues jusqu'à présent. Son Ordre serait satisfait de cette victoire. Il devait maintenant retourner à Shigatse pour faire son rapport et rayer le nom de cette sorcière de la liste des ennemis de l'humanité.
Tenzin devait détruire ces armes ou, au moins, les mettre à l'abri des gens ordinaires, dans une des caches de l'Ordre du Lotus Noir. Il devait entrer en contact avec un ambassadeur qui gérait le territoire français. Pour cela, il devait quitter Paris et se rendre à l'ambassade, située à Aurillac, une région encore sauvage et peu peuplée. Il cacha ses armes dans un ancien repaire et, après avoir acheté un billet de train, prit la direction du Cantal. Il devait y arriver dans quelques heures, car le train s'arrêtait dans plusieurs gares en chemin. Confortablement installé à côté d'une vieille femme, il réalisa soudain qu'il était observé. Ne voulant pas attirer l'attention, il décida de descendre à la prochaine station pour éviter d'être suivi jusqu'au repaire du Lotus Noir.
Il referma son long manteau sur ses muscles saillants et quitta la rame à l'arrêt suivant. Se mêlant à la foule, il espérait semer la sorcière. Mais elle était rusée. Pour la neutraliser sans attirer l'attention, il entra dans un bar et se dirigea vers les toilettes. L'asiatique ne le lâchait pas des yeux. Tenzin sentit que quelque chose n'allait pas. Comment savait-elle qu'il était ici ? Personne, hormis l'Ordre, n'aurait dû être au courant de sa présence. Quelqu'un avait parlé. Mais qui ?
Une fois dans les toilettes, il repéra une fenêtre au-dessus d'un lavabo crasseux. Il y posa son pied et se hissa à travers l'ouverture. Fin et agile, il s'échappa et rejoignit le trottoir opposé. Certain d'avoir échappé à la sorcière, il sortit son téléphone portable. Composer ce numéro était interdit, car les sorcières savaient parfaitement tracer les appels, mais il n'avait pas le choix. Lorsque le téléphone sonna dans le vide, Tenzin sut que l'ambassade du Lotus Noir avait des problèmes. Il savait ce qu'il devait faire. Il lui fallait disparaître, du moins pour un temps. Même si les siens étaient en danger, il devait se mettre en quarantaine.
Il se rappela qu'une planque existait quelque part en Auvergne. Pour s'y rendre, il loua un taxi. Cachant ses tatouages avec une écharpe, il prit la route. La voiture le conduisit dans une région déserte de la haute Auvergne. Il arriva à Montluçon à la nuit tombée et se rendit à un ancien buron. Dès qu'il ouvrit la porte, une odeur d'encens emplit la pièce. L'endroit était modeste, avec un lit, une petite cuisine et une table en merisier. Il remarqua des braises encore chaudes dans la cheminée. Quelqu'un de l'Ordre avait séjourné ici avant lui. Mais une autre odeur attira son attention. Il découvrit un corps sans vie.
Sortant son arme, il balaya la pièce du regard, mais ne trouva aucune présence hostile. Il s'empara d'une pelle et enterra le corps à quelques mètres du buron. Exténué, il remit du bois dans le feu, réchauffant l'endroit. Assis dans un fauteuil inconfortable, il fixait les flammes, réfléchissant à sa situation. Il était traqué, en danger. Devait-il prévenir Shigatse de ce qui se passait en France ? Les planques de l'Ordre semblaient être les cibles d'un réseau de sorcières parfaitement organisé.
Alors qu'il se levait pour aller soulager sa vessie, une main se posa brutalement sur son épaule. Il se retourna vivement, prêt à frapper, mais il reconnut l'individu. C'était un moine de Shigatse.
— Tenzin ! Elles sont là... Elles ont pris l'ambassade pour cible... Il faut prévenir nos frères ! Pars d'ici avant qu'elles ne reviennent.
Tenzin aurait dû détecter sa présence plus tôt. Il se maudit et tenta d'aider son compagnon, blessé à de multiples endroits.
— Viens, il faut te soigner. Tu m'expliqueras ce qui se passe.
Il l'amena à l'intérieur et soigna ses plaies avec des plantes sacrées. Le moine se redressa sur le lit, ses vêtements déchirés et son corps couvert de blessures.
— Elles... Elles m'ont torturé ! Mais je n'ai rien dit. J'ai respecté l'omerta !
Tenzin lui offrit du thé et l'aida à reprendre ses esprits. Le moine, enfin debout, vint se réchauffer près du feu.
— Elles savent des choses, Tenzin. Je n'ai jamais vu des sorcières agir de cette façon. Elles m'ont tendu une embuscade. Fais attention, elles peuvent être n'importe où !
— Sais-tu qui elles étaient ? Des Européennes ?
Il secoua la tête.
— Non, elles étaient asiatiques... Probablement des membres de la Triade chinoise. Elles étaient parfaitement organisées. C'est la première fois qu'un réseau de ce genre se forme sans que nous soyons informés.
Tenzin voulut en savoir plus, mais le moine succomba à ses blessures. Il jura intérieurement, chose rare pour un membre de l'Ordre qui s'efforçait de maîtriser ses émotions. Il enterra son compagnon à côté du premier corps. Sachant que le buron n'était plus sûr, il quitta l'endroit dans la nuit.
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Le dernier chasseur de sorcières
ParanormalTenzin, un moine bouddhiste dévoué, vivait paisiblement avec sa communauté dans les montagnes tibétaines, loin des conflits du monde. Leur temple n'était pas qu'un sanctuaire spirituel : c'était le dernier bastion d'un ancien ordre secret, les Chass...