Boua kamagaté 1/3

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Je marche. Cela fait maintenant une heure que je suis en chemin et je suis arrivée à ma destination. Le coucher de soleil m'apaise. Je suis si détendue. Je n'aurais jamais imaginé un ciel violet et orange. Hier, il était bleu foncé . Quel magnifique ciel ! En prenant une photo, elle reçut une notification : « Je suis désolé, Fanta. » Elle passa directement en mode avion. À cet instant, elle planait. L'horizon lui paraissait si calme. L'eau est si douce aujourd'hui. Je devrais peut-être faire un tour dans ma pirogue. Elle alla chercher son équipement puis commença sa balade.

Quel magnifique endroit ! Une femme qui fait de la pirogue toute seule, sans un homme, était mal vue. Mais ici, il n'y avait personne dans les environs. Il y avait Fanta, sa pirogue, l'environnement et encore Fanta. Libre. Ici, je navigue telle une reine, car je sais que je peux conquérir le monde. Je navigue comme une capitaine, car je suis maîtresse de ma vie. Je navigue pour celles qui ne trouveront jamais la liberté, car je représente la liberté quand je me retrouve sur cette pirogue. L'horizon nous propose un chemin sans fin, rempli d'incertitudes, mais une chose est sûre : je suis libre ! À la maison non plus, je ne le suis pas. Alors, à toutes celles qui ne seront jamais libres, je le suis pour vous. À toutes celles qui ne le sont pas, n'ayez crainte.

Ma mère fut libre et heureuse, malgré ce que l'on disait. Elle fut une grande dame ! Foutue maladie... Si seulement elle était encore présente, mes maux existeraient-ils ? Ma tante, sa sœur de sang, se serait-elle permis de me martyriser, de me traiter comme la dernière des moins que rien ? Tandis qu'en Islam, la tante est au même niveau que la mère. M'a-t-elle un jour considérée comme sa fille, ne serait-ce même que comme sa nièce ? Malheureuse, mais pas douteuse, je suis convaincue que le chemin vers mes songes sont atteignable. Oui, je ne doute pas une seule seconde que je pourrais les atteindre. Mais qu'est-ce que c'est long... Fanta se mit à chanter un chant qu'elle avait l'habitude de chanter sur sa barque :« Diarrabi Tala yoro djein la, allé té sé ka ko segui», « mon amour est parti, elle ne peut plus revenir. » Sa mère caressait chaque instant de sa vie, malgré qu'elle ne fût plus là. Elle ressentait sa présence de toutes les façons possibles, tout lui faisait penser à sa mère et cela lui laissait un goût d'amertume. Elle aurait tant aimé que sa mère soit présente afin qu'elle puisse panser ses maux. La nuit tomba, et Fanta s'endormit sur sa barque au milieu de la lagune.

Elle faisait toujours une sieste de vingt minutes, cela suffisait à Fanta pour se libérer complètement de tous ses maux, le temps d'un instant, c'était comme si elle planait dans son sommeil. La nuit tomba, mais la route était toujours éclairée. À son réveille par précaution, elle alluma sa lampe torche, ce qui lui permettait de voir de façon beaucoup claire. Elle pagaïa jusqu'à la côte. À sa grande surprise, à son arrivée, un monsieur l'attendait. Qui était donc ce monsieur, avec son âge bien avancé ? Ses cheveux gris brillaient tellement qu'elle en fut illuminée, elle était émerveillée par tant de charisme. Son visage dégageait une douceur qu'elle n'avait jamais connue auparavant. Son sourire communicatif venait déposer sur un cœur rempli de maux un mot très fort : la placidité. Cet homme, vêtu de coton blanc, était tout simplement stupéfiant. Il respirait la noblesse. Son visage était beau pour son âge, et il avait une cicatrice qui allait de son front jusqu'à son oreille droite. En l'espace de dix secondes, cette rencontre avec ce vieil homme fut la rencontre de sa vie, mais elle ne le savait pas encore. Fanta, pétrifiée, n'avait toujours pas rangé sa barque et ses outils.

Elle resta bouche bée, littéralement immobile. Ce soir-là, le vent soufflait, et l'odeur du vieil homme caressait les narines de Fanta. Face à face, le vieil homme lui dit donc d'aller ranger sa pirogue. Une fois terminé, elle revint, ses muscles du visage bougeaient, sa bouche, prête à former des mots, ne put placer un mot que le vieil homme c'était déja mis à parler.

Boua — Asalam Aleykoum.

Fanta — Waleykoum Salam. Qui est...

Boua — Fanta, c'est bien ça ton prénom ?

Fanta — Oui, c'est bien ça. Pardonnez-moi, je suis un peu embarrassée, je ne vous connais pas.

Boua (se mit à rire) : — Tu es sûre que tu ne me connais pas ? Moi, c'est Boua, Boua Kamagaté, premier fils héritier de la famille Kamagaté ! La famille Kamagaté était très prestigieuse pour diverses raisons, mais la raison première était leur bonté, qui faisait le tour de l'Afrique subsaharienne. Ce qui était surprenant, c'est que toute la famille avait hérité de cette gentillesse, malgré une richesse qui aurait pu nourrir des familles et des générations pendant plus d'un millénaire. Ils étaient connus pour leur humilité. Dans la famille Kamagaté, il y avait un enfant qui, dès sa naissance, avait retenu l'attention de tout le monde. Le premier enfant ! Il avait une cicatrice qui allait de son front à son oreille. Dès son enfance, on remarqua que le jeune Boua avait des particularités : il avait un sens très affûté et était très observateur. Il remarquait tout, absolument rien ne lui échappait. En grandissant, il commença à conseiller les gens venus d'ailleurs et de son propre pays, qui faisaient même la queue pour demander des conseils à Boua.

Sa famille étant connue, il n'aurait jamais pu garder ses facultés pour lui seul ; tout se propageait de bouche à oreille. De sœur à sœur, de marché à marché, on disait : "Tu sais, je suis allée voir Boua, il m'a conseillé de A à Z, et tout ce qu'il a dit s'est avéré vrai." Pendant un certain temps, les journées de Boua ne furent plus que conseils sur conseils, il n'avait plus de temps pour lui. Un jour, il fit une annonce affligeante : malheureusement, il ne pourrait plus conseiller les gens, ni les aider. Qui a dit que la bonté n'avait pas de limite ? Cette personne avait certes tort ! Boua était épuisé. Il n'était pas payé, il le faisait par bonté. Quand il voyait des femmes ainsi que des hommes désespérés pour telle ou telle raison, il était totalement compatissant et absorbait leurs problèmes.

Alors, il décida d'arrêter, indirectement il se faisait du mal. Sa famille comprit et ne fut pas inquiète des réactions des gens, mais plutôt de l'état de santé de Boua. C'était une grande décision, cela voulait dire qu'il avait été impacté d'une certaine manière, et sa famille s'interrogeait de plus en plus. Lors de l'annonce, les gens furent très surpris, certains déçus, mais tout le monde comprit. Plus les jours passaient, plus la nouvelle se propageait à travers les foyers, les quartiers, les villes, et même les pays. Au marché, on entendait souvent :

— "Tu as entendu la nouvelle ? Boua ne prendra plus personne en consultation."

— "Oui, j'ai entendu. Franchement, les gens ont vraiment abusé de lui, même à des heures tardives. La queue devant leur concessions était longue, et même s'il n'avait pas pu la veille, il revenait le lendemain matin."

— "J'espère qu'il va bien et qu'il ne nous en veut pas." Quand ce genre de discussion arriva aux oreilles de Boua, il fut pris de tristesse. Il ne voulait pas que les gens pensent qu'ils avaient abusé de lui, mais pourtant c'était le cas. Sa bonté était tellement forte qu'il n'avait pas pensé une seule seconde qu'on avait profité de ses dons. quelques temps après avoir entendu tout ce que les gens disaient par l'intermédiaire de son bras droit, Ali Bakayoko, il décida de faire un communiqué pour calmer les gens de manière à ce qu'ils déculpabilisent.

"Lettre aux miens :

J'ai été, je suis, et je serai. Rien n'est fini, en réalité, tout commence lorsque vous décidez que c'est le moment pour vous. Dieu avant tout, remettez-vous en à lui, vous verrez que vous serez beaucoup plus légers. Votre tranquillité et votre paix seront aussi légères que la plume d'un oiseau. N'oubliez jamais de vous faire confiance, ayez confiance en vous, souriez à vos proches, soyez doux avec eux, c'est tout ce qui compte. Je suis un digne héritier, un noble héritier, je remercie Dieu pour tout. Une digne famille restera noble pour toujours. Seuls les indignes et les incultes parlent tout le temps sans réelle conviction. Alors, si demain la honte est mise sur vous, sachez que cela n'a aucune importance si cela vient des indignes. Cela ne doit pas vous atteindre. Je me retire, mais vous en êtes pas la cause. C'est peut-être mieux ainsi. Tous les jours de votre vie doivent être meilleurs que les précédent. Pleurez s'il le faut, mais ne reculez jamais ! Sortez, construisez, ouvrez des commerces, voyagez, mariez-vous, fondez une famille, œuvrez pour ici et pour l'au-delà, mais ne faiblissez point. Ne faiblissez jamais, Merci pour tout, Oui ! Merci pour tout et c'est peut-être mieux ainsi."

Boua Kamagaté, premier fils héritier de la noble famille Kamagaté.


Les maux de FantaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant