ℭ𝔥𝔞𝔭𝔦𝔱𝔯𝔢 1

36 12 28
                                    

Je me réveillai en sursaut, mes mains agrippant les draps comme si ma vie en dépendait. Mon cœur battait si fort que je pouvais l'entendre résonner dans ma tête. Le même cauchemar, encore. Je sentais toujours l'étreinte glaciale autour de mon cou, cette poigne invisible qui me coupait le souffle.

Je portai la main à ma gorge, encore haletante. Rien. Il n'y avait rien. Juste ma peau froide et la cabane familière qui m'entourait. Mais la sensation, elle, persistait. Comme si quelque chose d'obscur planait au-dessus de moi, attendant son heure.

Je m'assis sur le bord de mon lit, mes pieds touchant le sol froid. La morsure du bois contre mes talons me réveilla un peu plus. J'essayai de me concentrer sur l'instant présent, sur la réalité qui m'entourait. Je pris une grande inspiration, sentant l'air frais pénétrer mes poumons, chassant peu à peu la sensation d'étouffement qui m'oppressait encore.

Je jetai un coup d'œil à la petite fenêtre. Les premières lueurs de l'aube perçaient à peine entre les branches épaisses des arbres. Je me levai et attrapai ma cape avant de sortir. J'avais besoin d'air, besoin de bouger pour échapper à cette sensation pesante.

Dehors, l'air mordait légèrement ma peau, réveillant mes sens encore engourdis. Le village était calme, seules quelques silhouettes se déplaçaient entre les cabanes de bois. Je marchai en silence, longeant les habitations, laissant mes pas me guider au hasard.

Le sol, recouvert de mousse et de feuilles mortes, étouffait le bruit de mes bottes. La forêt tout autour était dense, protectrice, ses branches entrelacées formant un dôme naturel au-dessus de nos têtes. Les arbres immenses semblaient veiller sur nous, comme ils l'avaient toujours fait.

Mes pensées dérivaient encore vers mon rêve, vers cette sensation oppressante qui ne me quittait pas. Je n'arrivais pas à me débarrasser de cette angoisse, de cette impression que quelque chose de mauvais rôdait, invisible mais présent.

Alors que je marchais, je remarquai un attroupement près de la place centrale. Quelques villageois se tenaient là, murmurant entre eux, l'air effrayé. Je plissai les yeux, curieuse. D'habitude, à cette heure-ci, tout était encore calme, personne ne se rassemblait ainsi sans raison.

Je m'approchai doucement, essayant de capter quelques bribes de conversation, mais les murmures étaient trop bas, confus. Mon estomac se noua légèrement, une boule d'angoisse commençant à se former dans ma poitrine. Quelque chose n'allait pas.

- Sienna, ne t'approche pas. 

La voix appartenait à Orin, l'un des éclaireurs du clan. Il se tenait non loin, son visage grave, ses yeux évitant les miens. Je fronçai les sourcils. Pourquoi ne devrais-je pas approcher ? Il avait l'air tendu, nerveux même. Ce n'était pas dans ses habitudes.

- Que se passe-t-il ?  demandai-je, une pointe d'inquiétude perçant dans ma voix.

Il hésita, jetant un regard vers le centre de l'attroupement, avant de se tourner à nouveau vers moi. 

- Il y a eu... un incident. Un meurtre,  murmura-t-il finalement.

Un meurtre. Le mot résonna dans ma tête comme un coup de tonnerre. C'était impossible. Ici, dans notre village ? Nous avions toujours eu des tensions avec les autres clans, mais jamais cela n'avait conduit à la violence, et encore moins à un meurtre. C'était impensable.

Je contournai Orin, ignorant son geste pour m'arrêter, et m'avançai vers la foule. Les gens s'écartaient à mon passage, chuchotant entre eux. Plus j'approchais, plus mon cœur battait fort, une peur sourde montant en moi.

Quand je vis ce qui se trouvait au centre, mon souffle se coupa net. Garrick, l'un des plus robustes combattants du clan, gisait là, étendu sur le sol. Du sang avait imbibé la terre autour de lui, formant une mare écarlate. Ses yeux étaient grands ouverts, fixant le vide avec une expression de pure terreur.

Je reculai d'un pas, sentant mes jambes trembler sous moi. Comment cela avait-il pu arriver ? Qui aurait pu faire une chose pareille ? Et surtout, pourquoi ? Mon esprit se mit à tourbillonner de questions sans réponses.

Aedan, le second du clan, était déjà sur place, son visage fermé, dur. Il observait la scène en silence, les bras croisés sur sa poitrine. Lorsqu'il me vit, il fronça légèrement les sourcils mais ne dit rien. Il semblait aussi choqué que moi, mais son masque d'impassibilité ne laissait rien transparaître.

Liora, la diplomate, se tenait à ses côtés, le visage pâle. Elle chuchotait quelque chose à Aedan, mais je n'entendais pas ce qu'elle disait. Tout semblait flou, irréel. Comme dans un cauchemar dont je ne pouvais pas me réveiller.

- Que tout le monde recule,  lança soudain Aedan d'une voix forte, brisant le silence pesant.

Les villageois obéirent immédiatement, se dispersant lentement autour de la place. Mais moi, je restai figée sur place, incapable de détourner le regard du corps sans vie de Garrick.

- Sienna,  murmura Orin à nouveau, sa main se posant doucement sur mon bras. Il faut qu'on découvre ce qui s'est passé. Tu ne devrais pas rester là. 

Je hochai la tête, mais mes pieds refusaient de bouger. Mon esprit était embrouillé, incapable de comprendre la situation. Comment un tel acte avait-il pu se produire ici, dans notre propre village ? C'était comme si tout ce que je croyais solide, tout ce qui nous protégeait, venait de s'effondrer d'un coup.

- Va chercher Maylis, ordonna soudain Aedan à l'un des éclaireurs.  Elle doit voir ça immédiatement. 

L'éclaireur hocha la tête avant de s'éloigner en courant vers la cabane de notre cheffe. Aedan se tourna alors vers nous, son regard sombre et perçant. 

- Personne ne quitte le village tant que nous n'avons pas trouvé le coupable, Dorian et Elara, allez à l'entrée du camp et vérifiez que personne ne sorte . 

Je sentis un frisson me parcourir. Le coupable. Cela signifiait que l'assassin était peut-être encore parmi nous, caché dans l'ombre, observant, attendant. Mon regard balaya la foule. Chaque visage me semblait suspect. Personne ne semblait plus digne de confiance. Et cette idée me glaça.

- Qu'est-ce qui a bien pu se passer ? murmurai-je, plus pour moi-même que pour Orin.

- Je ne sais pas,  répondit-il, la voix tendue.  Mais c'est forcément lié aux tensions avec les autres clans. Ça ne peut être que ça. 

Je secouai la tête, ne sachant plus quoi penser. Les tensions entre les clans avaient toujours existé, mais jamais cela n'avait dégénéré de cette manière. Le Serment du Sang était censé nous protéger de ce genre de violence, maintenir la paix entre nous. Alors pourquoi ? Pourquoi maintenant ? Et pourquoi Garrick ?

Je restai là, immobile, observant la scène en silence. Le corps de Garrick semblait si petit, si fragile à présent, étendu sur la terre froide. Et pourtant, c'était un combattant, un homme fort, toujours prêt à défendre son clan. Comment quelqu'un avait-il pu l'attaquer ainsi, sans qu'il puisse se défendre ?

Les murmures autour de moi devinrent plus forts, chacun lançant ses propres théories, ses propres soupçons. Certains murmuraient déjà des noms, des accusations à demi-voix, mais rien de clair ne se dégageait. Tout semblait encore enveloppé de mystère.

Je pris une profonde inspiration, essayant de calmer le tumulte de mes pensées. Il fallait que je reste concentrée, que je trouve des réponses. Mais une partie de moi, au fond, savait que ce n'était que le début. Que ce meurtre n'était qu'un signe, le premier d'une série de catastrophes à venir.

Je jetai un dernier regard à Garrick, sentant une vague de tristesse m'envahir. Nous venions de perdre l'un des nôtres. Et le pire, c'était que nous n'avions aucune idée de qui ou de quoi était responsable.

Je murmurai :

- Il va le payer, cher, très cher...

Les serments du sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant