ℭ𝔥𝔞𝔭𝔦𝔱𝔯𝔢 2

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Je restai un moment immobile, les bras croisés contre ma poitrine pour calmer le tremblement de mes mains. Le souvenir de la scène m'envahissait encore. Garrick, gisant dans cette mare de sang, avec cette expression figée de peur... Je ne pouvais pas me l'enlever de l'esprit.

Les membre du village étaient toujours là, formant un cercle autour du corps, mais on ne bougeait pas. C'était comme si tout le village retenait son souffle. Et moi, je restais là, les pieds cloués au sol, figée, incapable de bouger. Il fallait que je fasse quelque chose.

Le cri résonnait encore dans ma tête, ce hurlement déchirant qui m'avait sortie du cauchemar. Je n'aurais jamais cru qu'une journée commencerait ainsi, mais tout était si... étrangement calme, trop calme, et pourtant le chaos se préparait sous nos yeux. Il fallait que je trouve des réponses, que je comprenne ce qu'il s'était passé avant que les choses n'empirent.

- Sienna, tu vas bien ?  murmura une voix derrière moi.

Je me retournai brusquement. C'était Maela, le visage fatigué. Elle me fixait avec une inquiétude que je n'avais encore jamais vue sur son visage habituellement si serein.

- Ça va,  mentis-je en la regardant droit dans les yeux. Mais je savais qu'elle ne me croyait pas. Pas un instant. Elle secoua la tête.

- Tu devrais rentrer chez toi, Sienna. Laisse les autres gérer ça. 

Je sentis une vague de colère monter en moi. Comment pouvait-elle me dire de rester à l'écart alors qu'il se passait quelque chose de grave dans notre village ? Je n'étais peut-être pas la plus forte ou la plus expérimentée, mais je ne pouvais pas rester les bras croisés. Pas cette fois.

- Je veux savoir ce qu'il s'est passé, déclarai-je d'une voix plus ferme que je ne l'aurais cru possible.

Maela soupira, mais elle finit par hocher la tête. 

- Tu sais, tout le monde ici aimerait savoir ce qui s'est passé mais parfois il faut laisser les personnes expérimentées le faire.

Je la regarda, ses beaux cheveux roux reflétaient le soleil levant et ses yeux marrons regardaient autour d'elle.

- Tu as perdu ta joie de vivre tiens ! dis-je d'une voix enjouée pour détendre l'atmosphère

Elle me répondit simplement par un "Oui" maussade, sans émotion.

Nous restâmes un moment sans rien dire, simplement à fixer la cabane où le corps de Garrick avait été déposé. Le silence pesait lourdement entre nous, et pourtant, il n'y avait rien à dire de plus. Quelque chose n'allait pas, c'était évident, mais personne ne semblait savoir par où commencer pour démêler ce mystère.

Aedan, toujours en première ligne, supervisait les éclaireurs qui s'étaient dispersés dans le village. Son visage dur était une façade derrière laquelle je savais qu'il cachait une tempête d'émotions. Et pourtant, il restait d'un calme impressionnant, donnant des ordres précis, mais jamais trop autoritaire, comme s'il ne voulait pas que la panique gagne les autres.

Je vis Liora revenir en courant. Elle s'approcha de lui, haletante, ses cheveux en désordre. Je ne pus entendre ce qu'elle lui dit, mais je vis le changement sur le visage d'Aedan. Ses yeux se durcirent encore davantage, et je compris que quelque chose de plus grave encore venait d'arriver.

Je fis un pas en avant, prête à m'approcher pour en savoir plus, mais Maela me saisit le bras doucement.

- Non,  dit-elle fermement. Attendons. 

Je la fusillai du regard, mais elle ne me lâcha pas. Elle avait raison, même si je détestais l'admettre. Mieux valait ne pas précipiter les choses. Peut-être que cela éviterait de répandre des rumeurs inutiles.

Quelques minutes passèrent. Je pouvais voir Aedan, Liora et un groupe de conseillers discuter entre eux, leurs voix basses et précipitées. Ils se tournaient parfois vers la cabane où le corps de Garrick reposait maintenant, après avoir été porté minutieusement par les guerriers du clan.

Liora marchait d'un pas rapide, ses pieds effleurant à peine le sol. Aedan avait ordonné que quelqu'un aille chercher Maylis mais personne ne s'y était dirigé, c'est mal vu de réveiller un chef de clan dans notre code. Le silence du village pesait sur ses épaules tandis qu'elle se dirigeait vers la cabane de Maylis. Tout semblait étrange. Elle jeta un coup d'œil autour d'elle, s'attendant presque à ce que quelqu'un surgisse des ombres, mais rien. Rien que le calme oppressant des lieux.

La cabane de Maylis se trouvait à l'écart, nichée sous les branches d'un grand arbre, presque invisible pour quiconque ne savait pas où chercher. Le toit de chaume paraissait plus sombre que d'habitude sous la lumière grise du matin. Liora inspira profondément avant de s'approcher.

- Maylis ? appela-t-elle d'une voix hésitante.

Aucune réponse.

Elle s'arrêta un instant, fronçant les sourcils. Peut-être que Maylis dormait encore, ou bien qu'elle réfléchissait dans le silence de sa tente. Après tout, avec tout ce qui venait de se passer, elle aurait besoin de concentration.

Liora écarta les pans de la porte en peau, le souffle court. La cabane était plongée dans une semi-obscurité, mais il faisait assez jour pour qu'elle puisse distinguer les contours des meubles, les étagères remplies de plantes médicinales, et enfin... la silhouette de Maylis.

Elle était allongée sur sa couche, immobile.

- Maylis ? Liora avança d'un pas, la gorge soudainement serrée. Elle aurait dû se lever au son de sa voix, mais elle ne bougea pas. Liora sentit son cœur battre plus vite. Quelque chose n'allait pas.

Elle s'approcha davantage, son estomac se retournant à mesure que le silence devenait plus lourd. Sa main trembla en atteignant l'épaule de Maylis. Elle la secoua doucement, mais toujours aucune réaction.

Et puis... elle la vit. Le sang. Juste là, sous son cou, formant une tache sombre qui s'était répandue sur les couvertures. Le visage de Maylis, pâle et figé, fixait un point invisible, ses yeux grands ouverts, vides.

Liora recula d'un pas, sa respiration s'accélérant brusquement. Ses jambes se dérobèrent sous elle, la peur l'engloutissant entièrement. Elle porta une main à sa bouche, incapable de retenir un cri étouffé.

 Non... non... 

Le sol semblait basculer sous ses pieds. Elle chancela, incapable de détacher son regard du corps inerte. C'était impossible. Ça ne pouvait pas être vrai.

Maylis... était morte.

Liora recula lentement, ses mains tremblant si fort qu'elle eut du mal à repousser le pan de la porte. Elle sortit de la cabane en courant, le souffle court, le cœur affolé. En se précipitant vers la place centrale, elle n'arrivait plus à respirer correctement.

La cheffe du Clan des Cendres était morte.

Les serments du sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant