Chapitre 10

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Juan


Le jour se lève à peine, et l'air frais du matin en Colombie porte encore les odeurs de la forêt. Je me tiens accroupi, le fusil bien en main, scrutant chaque mouvement dans les buissons devant moi. La chasse me calme, c'est mon moment. Je n'ai besoin de personne pour me dire quoi faire, personne pour m'interrompre. Juste le silence, le doigt posé sur la détente, prêt à tirer au moindre signe de mouvement.

Derrière moi, le bruit sourd d'une brindille brisée m'agace. Je n'ai pas besoin de me retourner pour savoir qui c'est. José, ce cabrón (ce con) de mari de ma cousine, vient s'asseoir à quelques mètres de moi. Il ne comprend rien à la chasse, il est juste là pour se donner une excuse de ne pas traîner dans le domaine.

Hace bien estar de vuelta en Colombia (ça fait du bien de rentrer en Colombie), dit-il comme si cela m'intéressait.

Je ne réponds pas. Son accent traînant me met déjà sur les nerfs. José n'a jamais eu sa place ici. Il est trop mou, trop faible, et chaque fois que je le vois, je me demande ce que María, ma cousine, a bien pu lui trouver.

— Comment vont María et les enfants ? je lui demande, toujours sans quitter la bête des yeux, mon ton plus froid que je ne l'avais prévu.

Il hausse les épaules.

— Bien, bien. Ils s'adaptent, tu vois.

Sa réponse indifférente me fait grincer des dents. J'ai envie de lui dire que s'il s'en fout autant, il ferait mieux de rentrer et de les laisser à quelqu'un qui se soucie réellement d'eux. Mais je garde mon calme. Pour l'instant.

Alors que je presse la détente, une brise de satisfaction me traverse en entendant le coup sec et en voyant ma cible s'effondrer. Mais avant que je puisse savourer l'instant, Ava surgit de l'arrière, sa démarche ferme et assurée.

— Guzmán Carrillo est là, señor, dit-elle sans préambule.

Guzmán... Je fronce les sourcils. Cet homme écoule la marijuana comme personne, en petites affaires, mais chacune de ses transactions rapporte gros. Un allié solide, mais s'il débarque de si bonne heure, c'est qu'il y a un problème.

— Dis-lui de venir, je lui lance.

Quelques minutes plus tard, Guzmán arrive, une cigarette à la bouche, l'air énervé. Il me regarde, puis José, et on voit que sa présence le dérange.

— Juan, faut qu'on parle, mi amigo, dit-il avec une voix basse, tendue.

Je lève les yeux vers lui, lui lançant un regard qui l'incite à parler. Mais avant qu'il n'ouvre la bouche, il jette encore un coup d'œil à José, et je comprends immédiatement.

— Dégage, lui dis-je d'une voix tranchante.

Sans un mot, José se lève et s'éloigne. À peine est-il hors de vue que Guzmán lâche sa frustration.

— No me gusta este hijo de puta (j'aime pas ce fils de pute).

Je rigole. Guzmán a toujours eu ce don de dire tout haut ce que je pense tout bas. Je me lève et lui donne une accolade.

— Moi non plus, je ne l'aime pas. Mais que veux-tu, le cœur de María a ses raisons que nous ignorons.

On éclate de rire, un rire franc, celui de deux hommes qui partagent les mêmes mépris. Nos regards se croisent, complices, et je lui fais signe de s'asseoir à la table extérieure.

— Allons, raconte-moi ce qui te met de si mauvaise humeur, lui dis-je en allumant une cigarette à mon tour.

C'est toujours comme ça entre nous, des affaires, de l'argent, et parfois une bonne dose de mépris pour le reste du monde.

Muñoz por ÁbregoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant