On sonne à la porte. Nathan pose sa manette, enjambe une pile de vêtements au sol, et se dirige vers la porte d'entrée.
Il est 22H30, Nathan a proposé à Baptiste de passer à son appartement pour se préparer à la sortie. Nathan ne sait pas trop à quoi s'attendre: Baptiste est quelqu'un de renfermé, solitaire, sérieux. Nathan ne l'a jamais vu avec un ami ou une fille. Il sait pertinemment que ce n'est pas le genre de personnes avec qui il s'entend très bien. Pourtant, Nathan a envie de lui tenir compagnie. Lorsqu'il l'espionne, à la bibliothèque universitaire ou aux réunions de la cocarde, Nathan repense douloureusement à ses années de primaire et de collège. Isolé, moqué, harcelé, il n'avait aussi aucun ami et souffrait énormément de cette solitude. En se voyant enfant dans les yeux de Baptiste, il avait été pris d'un élan de solidarité et l'avait invité.
Mais maintenant, il se retrouvait à devoir passer la soirée avec le gars le plus coincé de la fac.
Super.
Nathan ouvre la porte et tombe sur un Baptiste visiblement très stressé. Il porte une chemise en soie noire et un pantalon à pinces de la même couleur. Sa veste dans un bras, il tient une bouteille dans sa main gauche. Nathan n'avait jamais remarqué le tour de bras de Baptiste, mais pourtant, sa chemise se tend sur ses biceps, et sur ses pectoraux.
"- Salut." Dit-il. "J'ai rapporté une bouteille de Dom Pérignon."
Nathan se sent défaillir à l'annonce de cette nouvelle: du Dom Pérignon? Sérieusement ? Combien a-t'il sur son compte en banque?
"- La vache merci! Entre ne reste pas dehors."
Baptiste fait trois pas dans l'appartement puis s'immobilise sur le pas de la porte: il regarde autour de lui d'un air surpris. Il faut dire que l'appartement de 92 mètre carré en plein Confluence est particulièrement mal rangé. Nathan a l'habitude de recevoir ses amis dans son appartement, sans prendre le temps de le nettoyer pour autant. Des flots de vêtements sales jonchent le sol, la vaisselle s'accumule, des restes d'un bière-pong prennent toute la place sur la table de la cuisine. Le canapé ou était allongé Nathan pendant les deux dernières heures croupit sous un amas de miettes de céréales et de pains. La vérité, c'est que Nathan n'a pas l'énergie de nettoyer son appartement. Il est sans cesse à droite, à gauche, chez l'une et chez l'autre. Quel est l'intérêt de nettoyer un logis dans lequel il ne passe pas la majorité de ses nuits?
"- Désolé pour le bordel, mec. J'ai pas eu le temps de nettoyer.
-T'inquiète, mais n'as tu pas de femme de ménage?
-Une femme de ménage? Ca va pas? Je suis assez grand pour savoir faire ma vaisselle, pas besoin d'une migrante pour venir la faire à ma place"
Baptiste se prend visiblement la remarque en pleine face: non pas par rapport au stéréotype xénophobe, mais dans le message passif agressif qu'essaye de faire passer Nathan: est-il bien en train de dire que Nathan ne sait pas faire la vaisselle?
"- Ce n'est pas une question d'âge ou de capacités, mais de temps et d'économie de temps. Le mien m'est bien trop précieux pour passer cinq minutes à nettoyer des assiettes, surtout si je peux payer quelqu'un pour le faire.
-HAHAHAHA! T'es excellent mon pote, dit Nathan, allez, ouvre ta bouteille au lieu de te vanter tu veux? Tu l'as volé à papa?
-A papa? Non non, je suis allée la chercher aux galeries Lafayette en venant ici."
Nathan tente de rester normal face à cette information, mais il est choqué du statut d'ultra riche évident de Baptiste. Comment as-t'il pu passer à coté?
"- Ah ouais normal en vrai, j'aurais fait pareil, dit-il en avalant une gorgée du délicieux champagne. Bon, en attendant, j'ai été investi d'une grande mission: celle de me bourrer la gueule ce soir."
Baptiste laisse s'échapper un petit rire:
"- Tu es vraiment un ivrogne. Comment arrives tu à suivre en cours si tu es tout le temps saoul?
-Ce n'est que de l'entrainement. J'ai toujours été très fêtard.
- Je vois ça. Ca n'a pas l'air de t'empêcher de gagner en masse musculaire à ce que je vois." dit Baptiste dans un petit sourire timide.
Nathan lâche un petit rire. Il est vrai que malgré son train de vie rythmé par la fête, il trouve toujours le temps pour une petite séance pour gonfler ses biceps. Laura le complimente souvent sur sa carrure, commentant qu'il lui donne un sentiment de sécurité. Nathan trouve ça presque triste, que Laura se sente en sécurité quand il est là, alors qu'elle n'a jamais été autant en danger qu'avec lui: lorsqu'ils sont confinés dans l'appartement de Laura, Nathan est comme une bête sauvage qui pourrait l'attaquer à n'importe quel moment. Il voit ses faiblesses comme on voit le soleil, il a le contrôle sur chacune d'entre elles, sachant comment s'en sortir et se servir d'elle comme d'une marionnette. Elle ne le sait pas encore, mais celui qu'elle considère comme son sanctuaire de sécurité se révèlera être un donjon de torture, dissimulé sous du papier peint rose.
00h00. Baptiste et Nathan se resservent un dernier verre avant de quitter l'appartement pour se diriger vers la boîte de nuit. Ils ont passé la dernière heure à jouer à la console et à boire dans des flûtes en cristal. Nathan est content: cela faisait un moment qu'il n'avait pas passé un si bon début de soirée. Baptiste est posé, il ne parle pas tant que ça, ce qui met à l'aise Nathan, qui se transforme en vrai pipelette. Il lui raconte ses soirées, ses conquêtes, ses exploits à l'école. Il lui parle de ses projets, des plats qu'ils se cuisinent pour entretenir sa ligne, de comment il compte aborder la présidente de La Cocarde. Baptiste reste concentré sur le jeu tout en buvant ses paroles, l'air fasciné par une vie qu'il n'a jamais eu. Dans cet appartement en fouillis, il découvre la personnalité chaleureuse de Nathan: Baptiste n'est pas insensible au confort qu'il ressent depuis que Nathan s'est mis à parler. Il n'est pas dupe: il se doute par les récits de vie de Nathan et par l'état du logis que sa vie n'est pas aussi parfaite qu'il la raconte. Baptiste ne veut pas se l'admettre mais au fond, il le sait: s'il n'avait pas de personnel, il n'arriverait certainement pas à prendre autant soin de son espace voir de lui-même. Il semble percevoir une faille dans les yeux de Baptiste, celui qu'il pensait être complètement idiot se révèle avoir plus de choses à dire que ce qu'il pensait.
00h15. Les deux amis passent la porte de l'immeuble et prenne la direction du Loft.
Nathan passe son bras autour des épaules de Nathan, reconnaissant de cet élan de solidarité qui les a réuni tous les deux ici, ensemble.
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La Cocardante
RomanceBaptiste et Nathan sont deux élèves issus de la bourgeoisie lyonnaise. Etudiants en droit et en commerce, les deux élèves se découvrent une passion en commun: le militantisme d'extrême droite. Formatés depuis leur naissance pour reprendre l'industri...