Les semaines qui suivirent leur première livraison se déroulèrent comme dans un rêve. L'argent arrivait plus facilement que jamais, et avec lui, un sentiment de puissance que Dante savourait pleinement. Chaque nouveau billet glissé dans leurs poches semblait effacer un peu plus les cicatrices laissées par leur passé misérable. Ils avaient commencé comme de simples coursiers, mais rapidement, les choses évoluèrent. Le cartel leur confiait des tâches plus risquées, des livraisons plus importantes, et Dante, grisé par cette nouvelle vie, se laissait entraîner de plus en plus loin.
Cependant, Soya voyait cette évolution d'un tout autre œil. L'argent ne pouvait plus masquer la réalité qui se dessinait devant eux. Chaque livraison les rapprochait un peu plus du danger, chaque décision les enfonçait davantage dans ce monde sombre dont ils s'étaient promis de ne pas s'attacher. Et surtout, Dante changeait. Soya ne reconnaissait plus son ami, celui qui avait été si réfléchi, si prudent au début.
Un soir, alors qu'ils s'apprêtaient à faire une livraison dans une zone particulièrement dangereuse de la ville, Soya exprima enfin son inquiétude. La pluie tombait drue sur les rues désertes, et la voiture dans laquelle ils étaient devenus si familiers avec le silence lourd du trajet.
« Dante, ça va trop loin », lança Soya brusquement, brisant la tension. « On devait juste faire quelques boulots, gagner un peu d'argent, et se barrer. Tu te souviens de ce qu'on s'est dit ? »
Dante, les mains crispées sur le volant, ne répondit pas immédiatement. Il fixait la route devant eux, ses mâchoires serrées. « Ouais, je m'en souviens », finit-il par dire, mais sa voix trahissait une pointe d'impatience. « Mais tu vois bien ce qu'on a maintenant. On n'est plus obligés de vivre comme avant. On a de l'argent, du pouvoir. Pourquoi tout arrêter maintenant ? »
Soya soupira et tourna la tête vers la vitre, observant les gouttes de pluie qui coulaient sur le verre. « Parce que c'était ça le plan. On devait s'en sortir, pas se perdre là-dedans. »
Dante éclata de rire, un rire amer qui résonna dans la petite voiture. « Se perdre ? Tu crois qu'on est perdus ? Non, frère, on est enfin en train de s'en sortir. Tu veux vraiment retourner à cette vie de merde, à courir après des petits boulots pour des miettes ? »
Soya ferma les yeux un instant, tentant de contenir la colère qui montait en lui. Ce n'était plus seulement une question d'argent ou de pouvoir, c'était une question de survie. Ils jouaient avec le feu, et Soya le sentait. Ils avaient déjà trop attiré l'attention, trop fait parler d'eux dans les cercles du cartel. Les risques grandissaient, et avec eux, la possibilité que tout s'effondre.
« Ce que tu ne comprends pas », murmura Soya, « c'est qu'on ne contrôle plus rien. C'est eux qui décident, pas nous. Un faux pas, et on est morts. » Il marqua une pause, puis ajouta, d'une voix plus posée : « On est déjà trop impliqués, Dante. On doit sortir de là tant qu'on le peut encore. »
Dante ne répondit pas tout de suite. Il serra un peu plus le volant, ses jointures blanchissant sous la pression. Ses yeux fixaient toujours la route, mais son esprit semblait ailleurs, embrouillé par l'argent facile et la montée d'adrénaline constante. Finalement, il tourna la tête vers Soya, son regard durci par une certaine résignation.
« Je ne peux pas arrêter maintenant », déclara-t-il. « C'est trop tard pour moi, et tu le sais. »
Soya sentit une vague de tristesse le submerger. Il comprenait alors que Dante avait déjà pris sa décision, qu'il était déjà trop loin pour être sauvé. Mais Soya, lui, avait encore un choix à faire. Il pourrait partir, laisser Dante se noyer dans ses propres ambitions, ou il pourrait rester et tenter de limiter les dégâts. Cependant, au fond de lui, il savait que Dante ne l'écouterait plus, que son ami n'était plus le même.
La situation ne tarda pas à se détériorer encore davantage. Un jour, après une livraison qui semblait routinière, Dante et Soya furent confrontés à une nouvelle qui fit basculer leur monde. Le cartel venait de subir une lourde perte : une de leurs cargaisons les plus importantes avait été interceptée par la police, et ils étaient maintenant sous haute surveillance. Mais ce n'était pas tout. Des rumeurs circulaient dans le milieu. Quelqu'un les avait dénoncés. Quelqu'un de l'intérieur. Et bien que Dante et Soya n'avaient rien à voir avec cette trahison, ils se retrouvèrent rapidement au centre des soupçons.
Les regards méfiants, les silences lourds lors des réunions avec leurs contacts, tout laissait présager que leur temps était compté. Dante, pourtant, semblait nier la gravité de la situation. Il continuait de fréquenter les bars, de dépenser l'argent sans retenue, comme si tout cela n'avait aucune conséquence.
Soya, quant à lui, sentait l'étau se resserrer autour d'eux. Il essayait de convaincre Dante de se calmer, de rester discret, mais en vain. Un soir, alors qu'ils s'étaient retrouvés dans un bar mal famé, Soya fut confronté à la dure réalité de leur chute.
Un homme, un lieutenant du cartel, les approcha alors qu'ils sirotaient leurs verres. Son visage était dur, marqué par des années de violence, et son regard était glaçant. Il se pencha vers eux, ignorant les rires et la musique qui remplissaient l'espace.
« Vous feriez mieux de surveiller vos arrières », murmura-t-il d'une voix sourde. « Il y a des gens qui posent des questions sur vous. Des gens qui pensent que vous êtes plus impliqués que vous ne le laissez entendre. »
Soya sentit un frisson parcourir son dos. Il échangea un regard avec Dante, mais ce dernier semblait toujours ignorer la gravité de la situation.
« De quoi tu parles ? » lança Dante, visiblement irrité.
Le lieutenant ne répondit pas immédiatement. Il se contenta de sourire, un sourire cruel qui ne laissait présager rien de bon.
« Vous avez intérêt à vous tenir tranquilles. On vous surveille. Une erreur, et vous savez comment ça se termine. »
Puis, sans attendre de réponse, il se leva et s'éloigna, les laissant seuls avec cette menace pesante qui flottait dans l'air.
Soya posa sa tête dans ses mains, submergé par une vague d'anxiété. Tout allait trop vite, et Dante ne semblait pas vouloir voir la réalité en face. Leurs jours étaient comptés, et Soya savait que s'ils continuaient sur cette voie, ils finiraient soit morts, soit en prison. Pourtant, malgré tout, il ne pouvait pas abandonner Dante. Pas encore.
« On doit arrêter », murmura Soya, la voix brisée. Mais cette fois, il n'était pas sûr que son ami l'entende.
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Soya & Dante ( mini histoire 5 chapitres )
AcciónL'histoire de soya et Dante deux jeunes qui veulent s'en sortir dans la vie