Chapitre 3

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Sa valise sous le bras, oncle Richard nous considéra longuement ma sœur et moi lorsque nous arrivâmes en bas des escaliers de la terrasse. William, Charles et Eleanor nous avaient accompagnés jusqu'à la voiture tandis que Henry s'occupa de ranger la valise dans le coffre. Lorsque je serrai mon oncle dans mes bras, il marmonna de son ton bourru :

— Prends bien soin de ta sœur.

— Ne serait-ce pas plutôt à elle de prendre soin de moi ? Je te rappelle que je suis la cadette !

Cependant, mon oncle ne semblait pas plaisanter cette fois-ci, comme en témoignaient les pattes d'oies aux coins de ses yeux qui restèrent immobiles. Je trouvai son humeur curieuse, mais j'estimai qu'il était simplement chafouin d'être séparée de ses nièces.

— Ne t'en fais pas Richard, nous t'appellerons, le rassura Rose en lui prenant le bras pour l'accompagner jusqu'à la Bentley où l'attendait Henry. Je m'assurerai que Tori ne m'embarrasse pas trop.

Je préférai m'amuser de l'espièglerie de ma sœur et aller dans son sens.

— Et puis de toute façon, je repasserai certainement à Londres quelques jours d'ici le mois prochain, je doute que la capitale n'arrive à se passer de ma lumineuse présence aussi longtemps. Sans parler de nos très chers Arthur et Katherine Ashford qui doivent déjà se languir de moi.

— Je suis sûr que notre bon vieil Arthur est content d'avoir des vacances de toi plutôt, depuis le temps que tu lui colles aux basques.

— Mensonges, mon frère de cœur ne se lasserait jamais de moi !

Richard secoua la tête – c'était sa façon à lui de rire – et monta dans la voiture. À peine parti, et je sentis aussitôt qu'une tension se relâchait chez les Waverley présents. Mon oncle faisait généralement cet effet à cause de son sérieux, et j'avais hâte de découvrir cette famille au naturel, maintenant qu'un invité intimidant venait disparaître. Néanmoins, plus que de la décontraction, c'était de l'agacement qui se peignit sur le visage parfait d'Eleanor.

— Où est Alice ? Elle va m'entendre celle-ci, à se moquer du monde comme elle le fait.

— Laisse donc, dit Charles dans un soupir. Tu sais bien comment elle est, à quoi cela va servir ?

Perplexe, je m'approchai d'Eleanor en passant mon bras sous le sien pour essayer de la détendre un peu, et son parfum capiteux m'attaqua de nouveau les narines. Charles et William étaient déjà retournés à l'intérieur, seule Rose demeurait à mes côtés.

— Oh par ailleurs je l'ai croisée hier soir et nous avons convenu que je commencerai les leçons avec elle aujourd'hui, vous voulez peut-être que je lui transmette un message ?

Eleanor s'adoucit quelque peu, mais ses traits restèrent tendus.

— Vraiment ? Eh bien, c'est une excellente nouvelle, dit-elle avec une pointe de sarcasme. Je préfère cependant vous avertir en amont : la petite déborde d'imagination. Le psychiatre dit qu'elle vit dans sa tête, donc si vous pouviez essayer de canaliser tout cela, ce ne serait pas de refus. Soit elle reste enfermée dans sa chambre, soit elle est dans sa bulle quand elle nous gratifie de sa présence. Cette enfant nous donne bien du mal.

— Voyons le bon côté des choses, elle fera une parfaite écrivaine si vous lui donnez un crayon et du papier !

— Oh voilà en effet une façon drôlement positive d'envisager la situation. Nous préférerions cependant que vous lui enseigniez les bases de l'éducation ainsi que les manières à adopter pour une jeune fille de son rang plutôt que de l'encourager dans ses bizarreries. En êtes-vous bien capable, très chère ? Je demande cela sans méchanceté aucune, bien évidemment.

Ma sœur et les WaverleyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant