Voyage

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Gabriel dévalait les couloirs de l'hôpital, son cœur battant à tout rompre dans sa poitrine. L'appel de sa mère résonnait encore dans sa tête, comme un écho irréel. « Gabriel... ton père... c'est un cancer... ». Les mots s'étaient infiltrés en lui, l'avaient transpercé comme un coup de poignard. Il avait quitté son bureau en laissant tout en plan, ses dossiers ouverts, son téléphone tombé sur le sol. Tout ce qui importait maintenant, c'était d'être là. Avec eux.

Il traversa les portes automatiques du service d'oncologie, cherchant frénétiquement des yeux le visage familier de sa mère. Les néons blafards lui donnaient une teinte malade, presque fantomatique. Son souffle était court, ses mains tremblaient, mais il refusait de s'arrêter. Pas avant de les retrouver.

Il finit par apercevoir sa mère, assise sur une chaise métallique dans un coin du couloir, ses mains serrées l'une contre l'autre, ses épaules voûtées sous le poids de l'angoisse. Quand leurs regards se croisèrent, Gabriel sentit une vague de douleur monter en lui, déchirante et silencieuse. Il s'approcha d'elle, incapable de parler, ses jambes vacillantes sous la tension.

« Maman... » murmura-t-il finalement, sa voix rauque, presque éteinte.

Elle leva vers lui des yeux remplis de larmes, comme si sa simple présence pouvait être à la fois un réconfort et une cruelle confirmation de ce qui était en train de se passer. Elle se leva pour se jeter dans ses bras, son corps tremblant contre le sien. Il sentit ses larmes chaudes imbiber sa chemise.

« Gabriel... il... ils ont dit que... que c'est grave, mais... ils peuvent encore essayer quelque chose. »

La voix de sa mère était cassée, chaque mot prononcé comme une lutte. Gabriel ferma les yeux un instant, tentant de contenir la terreur qui l'envahissait. Il devait être fort. Pour elle. Pour son père. Il ne pouvait pas se permettre de craquer maintenant.

« Où est-il ? » demanda-t-il d'une voix plus assurée qu'il ne se sentait.

Elle l'attrapa doucement par la main et le guida jusqu'à une chambre, au bout du couloir. Gabriel se sentait comme dans un rêve, un cauchemar éveillé où tout semblait à la fois flou et douloureusement réel. Le bip régulier des machines et l'odeur âcre de désinfectant l'enveloppaient alors qu'il entrait dans la pièce. Son père était là, allongé, le visage pâle, le corps affaibli. Mais c'était surtout ses yeux qui frappèrent Gabriel : d'habitude si pleins de vie, ils étaient maintenant voilés par une fatigue intense, presque écrasante.

« Papa... » chuchota-t-il, incapable de dire autre chose.

L'homme tourna la tête doucement, un faible sourire apparaissant sur ses lèvres. Malgré la souffrance évidente, il y avait dans ses yeux quelque chose d'indéfinissable, une lueur, comme s'il voulait protéger son fils du pire.

« Gabriel... mon garçon. » Murmura-t-il, sa voix rauque, brisée par la maladie.

Gabriel se rapprocha du lit, sentant une boule se former dans sa gorge, l'empêchant de respirer correctement. Il s'assit sur le bord du matelas, prenant la main maigre et tremblante de son père dans la sienne. C'était comme tenir de la porcelaine, fragile, prête à se briser.

« On va s'en sortir, tu m'entends ? Tu vas t'en sortir, papa. »

Le silence suivit ses mots, une promesse accrochée dans l'air, incertaine, mais nécessaire. Son père hocha lentement la tête, son regard fixant celui de Gabriel avec une intensité silencieuse, une compréhension muette de ce que tous les deux savaient, mais qu'aucun n'osait dire à voix haute.

« Je sais » répondit-il faiblement, comme s'il n'avait jamais douté une seule seconde.

Les yeux de Gabriel se remplirent de larmes malgré lui. Il posa sa tête sur la poitrine de son père, écoutant le faible battement de son cœur. Ce son, aussi léger soit-il, représentait tout pour lui à cet instant. Il voulait croire que ce battement serait encore là demain, et les jours suivants. Qu'ils auraient encore du temps. Que cette maladie ne leur volerait pas leur avenir ensemble.

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