Chapitre II | Nora

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Je déglutis péniblement en faisant tressauter ma jambe frénétiquement contre le sol en marbre de ma salle de bain.

La journée a été un véritable calvaire et le peu d'heures de sommeil que j'ai dans le sang n'apaisent en rien mes angoisses. J'ai cru que j'allais m'évanouir lorsque mère a énoncé cette phrase qui n'a pas arrêté de tourner en boucle dans ma tête.

"Nous allons parler de ton futur mariage."

Au fond je savais qu'un jour ou l'autre mère me forcerait à me marier à un homme dont je ne connais pas la vie ni le visage, mais j'espérais sincèrement que ce jour n'arrive pas avant un long moment, qu'elle me laisse le temps d'être couronnée officiellement, qu'elle me laisse m'habituer à une nouvelle vie.

Mais j'oublie souvent que ma mère ne fera jamais rien pour mon intérêt, elle fera toujours passer le travail avant moi, avant mes sentiments et mes envies, j'y suis habituée mais ça n'empêche pas mon cœur de se serrer dans ma poitrine.

Je n'écoute pas Sigrid, honnêtement j'ai arrêté d'écouter qui que ce soit depuis des heures, je n'ai rien avalé de la journée et malgré le gargouillement de mon estomac je ne me sens pas capable d'avaler ne serait-ce qu'un morceau de pain au risque de le ressortir quelques minutes après.

Je me regarde sans vraiment me voir, mon reflet n'est qu'une horrible vérité que j'ai de plus en plus de mal à renier, que je n'ose pas voir dans mes yeux, que je n'assume pas.

Petite je me disais que le métier que je voudrais faire plus tard c'est d'être comme ma maman, je voulais avoir son charisme, sa force et son intelligence sans parler de sa beauté, puis quand ma sœur, à peine passé les 10 ans a refusé de monter sur le trône ma vie est parti en fumée, ma mère a fait de moi une poupée modelable, un pantin qu'elle seule contrôle. Je n'ai jamais mis les pieds dans une école, je devais rester au château, loin du danger, elle me réveillait aux aurores pour m'entraîner à être la meilleure version de moi même.

1) Savoir se tenir correctement.

2) Savoir parler et répondre correctement.

3) Garder toujours une attitude détachée peut importe la situation.

4) Ne jamais montrer un signe de faiblesse.

5) Connaître le maximum de livres, poésies, compositions.

6) Être toujours présentable.

7) Ne jamais se ridiculiser en public.

8) Savoir gérer ses angoisses.

9) Apprendre à donner des ordres.

10) Savoir être autonome et solitaire.

Mais je n'avais que 5 ans et le corp d'une petite fille ne peux pas endurer tout ça, puis on a découvert mon TDAH, mon comportement n'était pas comme celui de mon frère ou ma sœur, j'avais énormément de mal à retenir ne serait-ce qu'un prénom, je pouvais m'arrêter de manger en plein repas juste pour aller regarder un avion qui volait au dessus du château, j'étais facilement déconcentrée, j'avais un besoin inexplicable de toujours être en mouvement, il m'arrivait de me balancer de droite à gauche, de me faire des tresses avant de les défaire et recommencer à les faire. Ma mère a rapidement compris que rester avec mon frère et ma soeur ne m'aiderait pas alors nous sommes venu de ce côté du château pour mes cours et mes entraînements, j'avais beaucoup de mal avec le silence, je ne me sentais pas à l'aise dans une pièce aussi vaste avec aucun son, malheureusement je n'ai pu rien dire, je n'ai pas eu le droit de me plaindre, je devais être le robot parfait.

Je me secoue mentalement en me redressant laissant Sigrid me dévêtir, elle prend le temps de me mettre de la crème partout sur le corp pour que ma peau reste parfaite, Mes cheveux blonds sont parfaitement tressés alors qu'une seule mèche traîne sur le côté droit de mon visage, mes paupières sont remplies d'un fard à paupière taupe, un trait de liner qui ne fait qu'accentuer mes yeux de chat, mes lèvres sont remplies d'un rose foncé et d'un crayon d'une teinte encore plus foncé, mes joues sont légèrement rosies grâce au blush et lilighter fait briller mes pommettes et mon nez. Sigrid m'aide à enfiler une longue robe qui s'arrête à mes chevilles, elle est de couleur crème avec une grosse ceinture autour de la taille en or, les manches sont longues et en dentelles tandis que l'air qui passe dans mon dos dénudé me fait frissonner. J'ôte mes créoles pour deux perles et mon collier pour un autre à petites perles. Je ne remarque que maintenant le bandeau crème attaché autour de mon crâne. Je ne perds pas plus de temps en enfilant mes escarpins couleur chair avant de sortir de la salle de bain.

SommerlathOù les histoires vivent. Découvrez maintenant