Chapitre 4

3 1 0
                                    

Ai-je bien compris? Il me déteste!

Décontenancée, je reste silencieuse, mi-figue mi-raisin.

—Détester... est un bien grand mot, se reprend-il en me jetant un regard pétillant. C'est comme ces hétérocères, voyez-vous ? continua-t-il.

Il lit sur mon visage l'interrogation perpétuelle.

—Des papillons de nuit, dit-il simplement.

—Ah ! dis-je en hochant la tête nerveusement.

Voyant que je ne fais toujours pas le lien, il poursuit son explication.

—Ceux-ci passent leur courte vie à voler aléatoirement autour d'une lampe tant que celle-ci brille. Or, dès qu'ils s'en approchent d'un peu trop près, ils se brûlent. Pourtant, ils n'y peuvent rien, ils continueront de papillonner, fascinés autant qu'ils le sont par cette lumière intrigante et inatteignable. Vous me faites le même effet. Vous êtes comme cette lumière et moi, eh bien... je suis cette créature éphémère.

Ses épaules sursautent tant il se marre de cette seconde comparaison... animalière et intemporelle.

—Vous êtes une singularité. Tout simplement. J'en ai croisé quelques-unes dans ma vie, mais jamais une qui respire, du moins... pas comme vous le faites.

—Qu'est-ce qu'une... singularité, si je puis me permettre ?

—Mais faites, très chère, faites. Après tout, vous vouliez des réponses. Nous sommes donc là, vous et moi, assis sur un banc d'une vieille cathédrale, face à Dieu sait quoi comme témoin.

Je rigole à mon tour. J'aime ses jeux d'esprit. Je le regarde en attendant la réponse à ma question.

—Ah oui ! Qu'est-ce qu'une singularité ? C'est... euh, bien... pour faire simple : dans le monde extraordinaire de la mathématique, une singularité est une valeur dans lequel un objet n'est pas bien défini. C'est le cas des trous noirs qui mènent invariablement vers une singularité.

Je suis perplexe, n'étant pas certaine de comprendre le lien entre moi et les trous noirs.

—Vous êtes tout simplement unique, très chère. Du moins, nous le supposons.

—Je n'ai effectivement jamais croisé quelqu'un comme moi durant les deux derniers siècles.

Il sourcille et me regarde d'un œil curieux.

—Cela dit, les singularités m'intrigueront toujours. C'est la raison de ma présence ici, jeune fille.

Il attend ma réaction et je finis par comprendre son allusion.

—Vous ne manquez pas d'ironie. C'est le moins que l'on puisse dire.

—Blague à part, ce n'est pas tous les jours que l'on croise une personne venant d'un multivers.

—D'un multi-quoi ?

—D'un multivers ou d'un univers parallèle, si vous préférez. Ce n'est qu'une théorie... Mmh ! Il va sans dire.

Un enfant court dans l'allée centrale en riant. Sa mère le suit avec peine pour le rattraper, effarouchant du même coup des pigeons au-dessus de nos têtes. Ceux-ci se mirent à voler vers les magnifiques vitraux traversés par des rayons de lumière. Ça explique les plumes tombées sur les dalles froides. Mmh... pas d'ange dans les environs de toute évidence. Je suis un peu déçue.

 Je suis un peu déçue

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.
La Bucket list d'une immortelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant