Lucinda. 33

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Depuis son arrivée de Florence, Francesco a demandé à ce que je prenne les petits-déjeuners avec lui. C'est sans doute un semblant de vie de couple, mais  ni lui ni moi, nous y croyons. 

Après nous avoir servi le café, Sylviana s'en va en dandinant ses hanches. C'est bien sur ce que je pensais, Francesco lui plait, et je suis un obstacle pour elle. 

Je mets de côté cette idée pour me concentrer sur les nouveaux arrivants. Un père et son fils se sont présentés ce matin, et Francesco a décidé de les recevoir en ma présence.

Je pensais que Francesco arborait un masque froid et distant pour tenir à l'écart toute personne susceptible de s'approcher de lui. Mais je me rends compte, désormais, qu'il est réellement ainsi, glacial, impitoyable et implacable.

Il n'a pas une once de douceur, même pas envers sa propre famille, en particulier ses frères. Seul son cousin Matteo semble échapper à cette froideur, à qui il accorde parfois un rictus, ce qui, chez Francesco, s'apparente à un sourire. 

Quant à moi, je n'attends aucune preuve de compassion, ou quoi que ce soit de ce genre.

-Quel âge as-tu ?, demande Francesco en terminant sa tasse de café.

- Je viens d'avoir treize ans, répond le jeune garçon en bombant le torse, son regard sérieux.

- Bien,  continue Francesco. Tu sais que dès que l'Initiation commence, il n'y a plus de retour en arrière, même si tu es le fils de notre très cher ami. La place de ton père dans notre organisation ne t'accorde aucun privilège, aucun passe-droit, bien au contraire. Il faut honorer ton père par ton courage, ton intelligence et ton sens de l'analyse. 

Le jeune garçon reste stoïque face à ces paroles, tandis que je commence à comprendre ce qui se passe. L'Initiation, cette épreuve pour entrer dans la Famiglia, n'est destinée qu'aux garçons.

Elle n'existe plus à New York, du moins je le pense. Je n'aurai jamais pensé qu'un jour j'assisterai à cela. Le père du jeune homme se rapproche de son fils.

- Oui, Monsieur Cesareo, il sait tout, j'ai lui tout expliqué, dit-il dans une voix grave.

- J'en suis sûr. As-tu choisi une cible?, demande Francesco comme si une vie n'était pas en jeux.

Malheureusement, l'initiation consiste à faire couler le sang d'un ennemi. Je vois un sourire fière se former sur le visage du père qui reprend la parole.

- Donatello.

- Donatello?, reprend Francesco nullement impressionné par cette nouvelle. Et quelle sera la méthode?

- Arme blanche, le couteau, répond cette fois-ci le jeune garçon, aussi détaché que Francesco. Le vieux, heu...pardon je veux dire Donatello se méfiera moins d'un enfant. Je ferai semblant de vendre des cigarettes. Puis dès que je pourrai, je lui trancherai la gorge, explique-t-il.

Un frisson me parcourt le corps face à tant de violence et si peu de conscience de la valeur d'une vie. 

-Où ?, demande Francesco, toujours  impassible.

-  À la Plazza de Levanzo, là où il a ses habitudes. Il a une maîtresse et ces jours-là, il n'est accompagné que d'un seul garde du corps, répond le jeune garçon, incroyablement dégourdi pour son âge. Mon jeune frère, à peine plus âgé que lui, ne s'intéresse qu'aux jeux vidéo et à ses parties de football.

- Tu ne penses pas qu'il va se méfier d'un adolescent ?, reprend Francesco, le regard perçant.

- Avec les vacances scolaires, je me rends à la Plazza depuis deux mois pour vendre des cigarettes et me faire de l'argent. Il m'en achète de temps en temps, explique le jeune garçon qui a visiblement pensé à tout. 

Vœu sicilien, Le Clan CesareoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant