𝔇𝔢𝔲𝔵𝔦𝔢𝔪𝔢 𝔲𝔫

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Je ne saurais dire quand est-ce que j'ai réellement perdu conscience et comment exactement j'ai perdu connaissance sans mourir.

Lorsque ma conscience remplace sa sœur, l'inconscience, elle me dit aussitôt que les souvenirs sont trop flous pour que je puisse prétexter pouvoir confirmer ce qu'il s'est passé. Mon corps est meurtri, mes muscles sont raides et endoloris, et je pense avoir eu froid, très froid. Pourtant, en inspirant longuement pour détendre la tension dans ma poitrine, l'air est respirable et tiède, avec une odeur désagréable de désinfectant que je ne connais que trop bien.

L'hôpital. En suis-je même parti ? Je me rappelle m'être effondré après ma dernière scène, les remerciements assourdissants et les projecteurs brûlants. Aurais-je rêvé ? Ça avait l'air si intense, si vrai. Je n'ai que rêvé...

J'ouvre lentement les yeux, c'est au-dessus de mes forces d'aller plus vite, et tombe sur ce plafond blanc que je fréquente autant que ma propre chambre. Et le moniteur du cardioscope qui m'est relié, pour la énième fois, berce mes oreilles comme une chanson apaisante. Il fait nuit, ou presque. La pénombre de la pièce est ce qui me permet de ne pas me plaindre de l'intensité des néons plus haut, éteints sans doute depuis que mon médecin est parti.

Il fait nuit, je suis en sécurité à l'hôpital, surveillé certainement, et je suis en vie. La faucheuse n'a pas réussi à m'avoir.

Mon corps fourmille lorsque j'essaye de bouger, signe que je ne suis pas passé loin de ne plus remplir mes insupportables poumons. Mes doigts sont trop lourds pour le moment, j'appellerai un peu plus tard puisque le choix est restreint. Et c'est peut-être à ce moment que je me rends compte que je ne suis pas dans l'une des chambre du service des soins intensifs. Le matelas est plus ferme, l'oreiller plus dur et j'irais même jusqu'à dire à mémoire de forme, et la couverture est un cheveux plus fine. Soit ils n'avaient plus de places disponibles dans ma section habituelle, ce que je doute, soit il m'est arrivé quelque chose d'autre en chemin.

Et il fait nuit, combien des temps ai-je dormi ? Toute la journée ? Deux jours ? Était-ce si grave ?

Je tourne la tête vers la fenêtre, constatant que la vue est différente, plus fournie en immeubles et lumières en tout genre, les rideaux sont tirés de telle sorte à ce que je ne sois pas tant embêté. Et puis elle est là, dans la petite chaise inconfortable au fond de la pièce. La faucheuse. Elle m'observe, sa faux posée contre le mur blanc, les mains entrelacées sur ses jambes croisées. Sa grande cape m'empêche d'apercevoir le plus subtil détail de sa peau, ses os ou le physique même de cette entité. Et pourtant, j'ai la certitude qu'elle me regarde avec beaucoup de tendresse, comme une vieille amie qui m'attend patiemment dans l'au-delà. Je ne suis pas angoissé par sa présence, bien que je l'ai été dans mon enfance.

«– J'y ai encore échappé, n'est-ce pas ?, je murmure d'une voix si enrouée que je suppose être malade.»

Elle ne fait aucun mouvement, aucun bruit mais elle acquiesce.

«– Bientôt ?»

Bientôt je la rejoindrais, bientôt je serais libéré de mon douloureux système mortel, bientôt signifie encore quelques années ou dans les semaines à venir.

Sauf qu'elle ne répond pas. La faucheuse à toujours répondu à cette question, la dernière fois était un oui. Je m'étais effondré après une répétition particulièrement difficile à laquelle peu faisait des efforts. Au bout du huitième enchaînement, mes jambes ont lâchées par manque d'oxygène et on m'a fait emmener d'urgence à l'hôpital, Sunoo n'ayant pas été présent ce jour-ci à cause de ses cours. J'ai été surveillé pendant trois jours et mis, encore, en garde quant à la capacité de mon corps à supporter une telle charge de travail. Et je suis remonté sur scène pour les trois mois suivant, sur ordre de ma mère. Mes nuits avaient été douloureuses, mouvementées et absolument pas reposantes.

Cœur et RaisonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant