Chapitre 16 : Elisha | Apprentissage

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Le premier entrainement avec mes Gardiens avait été très difficile, mais je ne savais pas qu'au bout de deux semaines j'en serai à rêver de revenir à ce premier jour. Depuis ma rencontre avec les Anges je revenais chaque matin, plus déterminée que jamais à progresser. Je me levais à l'aube pour rejoindre la salle de combat, prenant soin de ne plus jamais déjeuner avant. Une petite précaution essentielle pour ne pas revivre l'expérience désagréable de vomir mes tripes après une séance éprouvante.

Depuis ma rencontre avec les Gardiens mon corps avait changé. Les fourmillements qui me parcouraient la nuque, ces présages inquiétants que je ne contrôlais pas, avaient disparu. Les silhouettes qui m'apparaissaient autrefois, comme des ombres échappées du temps, n'étaient plus qu'un souvenir lointain. J'avais appris, non sans effort, que les heures miroirs facilitaient la communication avec les Anges. Cependant, et Elvira ne manquait pas une occasion de me le rappeler, c'était une technique que seuls les jeunes Gardiens utilisaient, bien avant de savoir parler. Un apprentissage aussi naturel pour eux que de respirer. Or chez moi ça ne l'était pas.

La première leçon que ma tante m'avait enseignée était l'invocation des Anges. Maintenant, je pouvais les appeler à volonté, à condition d'y mettre toute ma détermination. Il suffisait de prononcer la formule « Obsecro te » suivie du nom de l'ange Gardien. Là résidait un nouveau défi : retenir les vingt-quatre noms, tous plus étranges les uns que les autres, et comprendre les aptitudes de chacun.

Les trois premiers jours d'entrainement avaient été laborieux et ma grand-tante n'avait fait que souffler d'exaspération. Incapable d'invoquer les Anges sans utiliser les heures miroirs, nous devions patienter dans un silence des plus malaisant entre chaque ouverture. Le regard rivé à l'immense horloge de la salle, j'observai avec anxiété la trotteuse se rapprocher de l'heure fatidique, mes ongles laissant de petits croissants dans la chair de mes paumes. Je devais alors concentrer mon esprit sur le nom d'un des Gardiens et prononcer la formule d'invocation. A peine le nom de l'Ange était sorti de ma bouche qu'une chaleur intense fleurissait en moi, qui partait de mon ventre et s'étendait jusqu'au bout de mes doigts. Mes yeux se nimbaient alors d'un voile de couleur, identique aux yeux du Gardien invoqué, signe que j'avais réussi.

Le lien entre un membre de la famille Gardien et son ange se forgeait plus aisément si l'héritier possédait déjà une affinité naturelle avec l'un d'eux. C'était pour cela que Haiaiel, avec ses yeux rouges et sa force brute, m'était apparu si souvent. Je m'étais spontanément liée à cet ange dès mon plus jeune âge. D'autant plus que, comme tous les membres de ma famille, j'étais née sur une heure miroir : 23h23, celle d'Haiaiel.

Invoquer un ange me donnait accès à son pouvoir pour une vingtaine de minutes, avant que sa présence ne s'efface doucement. Pour l'instant, je ne pouvais en appeler qu'un à la fois, mais Elvira m'avait assuré que cela viendrait avec le temps. Mon père, Levère, en invoquait jusqu'à six simultanément, et chaque fois qu'Elvira mentionnait cet exploit, je percevais une fierté à peine voilée dans sa voix.

Au fil des jours et des entraînements, ma grand-tante semblait s'adoucir. Elle restait exigeante, mais je voyais dans son regard quelque chose de nouveau, un éclat de satisfaction. Il me semblait même que ma présence avait ramené un souffle de vie au palais des Gardiens. Les draps blancs avaient été retirés des meubles, les parquets cirés et les rideaux dépoussiérés. Les jardins, envahis de mauvaises herbes, reprenaient vie sous les soins de nouveaux jardiniers, et les fontaines avaient retrouvé leur chant mélodieux. Même la façade glacée du palais semblait plus accueillante, comme si le cœur des Gardiens s'était remis à battre. Les passants aussi sembler le remarquer. Ils étaient plus nombreux qu'à l'accoutumée à s'arrêter devant les lourdes grilles, intrigués par ce renouveau. Quelque chose était en train de se passer ici, et tout le monde le sentait.

Les gardiens des heures miroirsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant