Chapitre 12 : Elisha | Retrouvailles glacées

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Bien que la station ait été rebaptisée, c'était toujours le Palais des Glaces qui capturait le regard, bien plus que la Forêt de Romanet en arrière-plan. En posant le pied sur le sol, je ne pus détourner les yeux de ce petit château, fidèle à mes souvenirs, mais étrangement moins éclatant malgré sa façade de marbre blanc. Les morceaux de miroirs —d'où il tirait son nom— incrustés dans la façade, formaient une mosaïque scintillante qui renvoyait la lumière du soleil. Pourtant, aujourd'hui, quelque chose semblait ternir cet éclat, comme si le palais lui-même avait perdu une partie de son âme.

Je restai un moment, figée en bas des marches, derrière une imposante grille de fer forgé qui barrait l'accès de la demeure. L'énorme horloge incrustée sur le fronton de la porte d'entrée, tel le centre d'un soleil, me glaçait le sang et je dus détourner le regard. J'entrepris de contourner le palais par une rue perpendiculaire, cherchant le petit portillon par lequel je sortais autrefois avec ma gouvernante. Je le retrouvai plus loin que je ne l'imaginais, à moitié mangé par les ronces. La cape que j'avais emportée s'avéra providentielle, me protégeant des épines alors que je me frayai un chemin à travers le jardin laissé à l'abandon. Les fontaines qui agrémentaient la cour étaient désormais asséchées, remplies de terre et de feuilles mortes. À chaque pas que je faisais dans les hautes herbes, de petits animaux déguerpissaient, outrés d'être ainsi dérangés.

Je contournai le bâtiment pour rejoindre la grande porte d'entrée qui surplombait une volée de marches, le cœur battant. L'appréhension grandissait en moi alors que je tournai la clé de la sonnette, faisant tinter un carillon à l'intérieur. Le temps s'étira, les secondes devinrent des minutes et je m'apprêtai à essayer de nouveau lorsqu'un bruit de serrure se fit entendre. La porte massive pivota lentement, révélant un visage familier.

Des yeux turquoise, creusés de quelques rides, me fixaient avec méfiance. Malgré les années, je reconnus presque instantanément Oriane, même si son apparence avait beaucoup changé.

« Oui, c'est pour quoi ? demanda-t-elle, en entrouvrant à peine la porte.

— Oriane Rupp ? Les mots m'échappèrent tant cette femme me rappelait mon amie d'enfance, la fille de la gouvernante.

— Oh mon Dieu ! Elisha, c'est bien toi ? s'exclama-t-elle, ses yeux s'écarquillant de surprise. Comme tu as changé !

Avant que je ne puisse réagir, elle sauta à mon cou, pleine d'une familiarité qui me désarçonna. Comment avait-elle pu vieillir de la sorte ? Elle semblait avoir près de quarante ans, alors que nous étions nées la même année.

— Tu... toi aussi, balbutiais-je maladroitement.

— Ah, ça c'est sûr ! dit-elle sans s'offusquer, devinant ma confusion, Le temps devait s'écouler différemment dans ton fuseau, » reprit-elle sur le ton du secret.

Elle me poussa doucement à l'intérieur du palais. Le hall d'entrée était circulaire, les murs ceignant une mosaïque somptueuse au sol. Sous mes pieds étaient représentés les symboles stylisés des vingt-quatre Anges, les Gardiens de ma famille. Deux escaliers de marbre blanc s'élançaient de part et d'autre de l'ouvrage, accentuant encore sa majestuosité.

Je revins à la réalité lorsqu'Oriane me posa une question.

« Tu veux que je prenne tes affaires ? demanda-t-elle avant de remarquer que je n'avais pas de sac.

Je me sentis soudainement bête.

— Oh je n'ai pas de... balbutiais-je sans avoir rien à répondre. Désolé mais revenir ici, c'est particulier... changeais-je de sujet. C'est à la foi familier et si différent, murmurais-je plus pour moi-même qu'autre chose et laissant dériver mon regard vers le plafond peint tel un tableau qui répondait à la mosaïque au sol.

Les gardiens des heures miroirsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant