Shaded Ever After

Chapitre 10

'Vereinsamt', tel est le nom de la citadelle où le dernier dragon a péri. Elle se situe en bord de mer, mais bien au-dessus de celle-ci malgré tout. L'on raconte cependant que plusieurs cavernes donnent sur l'océan. C'est dans cette citadelle que se trouve le sanctuaire dédié à la divinité du Temps, mais également celui de la divinité des sentiments.

Ce ne sont que des titres, car les dieux représentent très mal leurs concepts respectifs. C'est parce que Cassia est au courant de trop de vérités qu'elle a été assignée à la recherche de cet homme, le 'Roi de la libération'.

En arrivant à Vereinsamt, elle a malheureusement découvert que les deux divinités ne sont plus de ce monde, et qu'il ne reste aucune trace des habitants de la citadelle. Cette dernière est par ailleurs endommagée.

"Un escadron important s'est déplacé jusqu'ici... Mais personne ne l'aurait remarqué ?"

"Personne ne peut témoigner, gardienne."

Elle doutait sérieusement des capacités de ce royaume à se défendre, mais elle ne pouvait pas s'exprimer sur ce sujet. Elle ne comptait cependant pas ne pas donner de suggestions.

"Et bien... Ordonnez aux mages d'examiner la citadelle entièrement. Il doit bien rester quelques traces de magie quelque part..."

"Soit. Mais que comptez-vous faire ?"

"La divinité du Temps avait des quartiers privés dans le colisée. Je vais simplement aller examiner les lieux."

"Bien. Prenez garde, gardienne."

"Vous de même."

La commandante a presque senti ces quelques mots de Cassia comme une menace, dû au ton employé, mais elle chassa ces pensées bien vite.

Sans délai, la gardienne s'est dirigée en direction de ce colisée, et sans surprise, les 'quartiers' de la divinité du temps se situent non loin de son trône, la place de spectateur offrant la meilleure vue. Il s'agit surtout d'une chambre, ayant subi la luxure de cette déité appréciant trop les vainqueurs. Personne n'oserait s'opposer à un être divin, alors naturellement, nul n'a jamais osé s'en plaindre.

Cassia, en revanche, le savait. Elle était bien heureuse que ce dieu n'était plus, mais elle ne devait rien en dire, auquel cas, elle sera exécutée. Sur le chemin, elle a pu profiter de l'odeur des cadavres et des explosions, mais hormis cela, rien de bien notable.

En arrivant dans les quartiers de la divinité, Cassia croisa un homme relativement âgé qui, malgré tout, reste visiblement dans une forme admirable. Cet homme doit bien avoisiner les deux mètres, et son armure ne fait que rendre sa carrure d'autant plus imposante. Son aura est indiscutable. Le sang sur sa lame massive vaut mille mots.

"Tu n'as pas l'allure d'un voleur, vieil homme."

"Ahh... L'élite de Valorian ! En retard, comme toujours."

"Ce n'est pas exact. Impuissante est le bon terme."

"Quelle humilité..."

"Je ne me considère pas comme membre d'un troupeau d'imbéciles incapables."

La voix de l'homme est rauque, presque caverneuse. Cassia n'a naturellement pas la même voix, mais elle garde un air franc et autoritaire. La carrure de cet individu ne l'intimide nullement, et ce dernier étant parfaitement conscient de cela, se contente de lancer un sourire mauvais.

"Tu es... différente ?"

Il exsude de confiance, tant par son regard que par son ton moqueur. Il ne prend pas la gardienne au sérieux.

"As-tu besoin que je souligne l'évidence ?"

"Ah ! Impertinente, qui plus est ! Et bien manifestement, oui, j'en ai grand besoin ! Vois-tu, être différent, ce n'est pas se plier aux volontés d'une maniaque qui prétend exécuter la volonté d'un tas d'os."

Cassia fronça le sourcil. Factuellement, l'homme a raison. D'un point de vue extérieur, suivre les ordres d'une régente obsédée par une divinité qui vit en ermite n'est pas bon. Est-ce qu'il voit la maîtresse de ce monde comme morte, ou l'est-elle réellement ? Comment et pourquoi un humain séniel aurait le droit d'en juger ?

"La peur te cloue le bec ?"

"Ton audace me laisse sans voix, vieux fou. Ce sont de bien belles accusations, qui manquent cruellement de fondements."

"Une fois envoyée dans l'au-delà, tu n'aurais plus à te soucier de la véracité de mes propos. La vérité te semblera évidente... Et tu regretteras ta pitoyable existence, passée à pourchasser des chimères."

"... Audacieux."

Les menaces ou critiques n'étaient pas suffisantes pour ébranler le sang froid de Cassia, qui soutenait toujours le regard du vieil homme. Lui, souriait de plus belle.

"Ta grande déesse est morte depuis des siècles ! J'envoie simplement ses rejetons la rejoindre... C'est la seule façon de rendre au peuple ignorant sa liberté. Tu sais ce que cela signifie, n'est-ce pas ?"

"J'en déduis que c'est toi..."

"Cyoneus, Roi de la Libération !"

"Un Roi sans terre, sans peuple... n'a aucune valeur."

Cassia dégaina sa lame. Cette rencontre était étrange, mais pas moins décisive. Elle comptait bien se débarrasser du vieil homme, et bien sûr d'obtenir ce qu'elle voulait, quitte à faire chanter la régente. Le vieil homme ne reculait pas, il souriait de plus belle, tant que ça en devenait dérangeant. Ce que Cassia redoutait le plus, c'est-à-dire qu'elle en avait peu peur, allait arriver. Cet homme en sait trop, beaucoup trop. Raison de plus pour l'éliminer. Puis, en lui demandant ce que son petit discours signifiait, il ne faisait aucunement allusion à son identité.

"Ai-je trop critiqué ta chère génitrice ? Ohh, la bonne fille veut venger sa mère ? C'est pathétique!"

"Simplement te voir m'insupporte... mortel. N'y voit rien de personnel."

Elle avançait lentement, mais l'homme reculait, non pas par peur, mais parce qu'il voulait en finir avec sa provocation.

"Foutaises ! Il est dans ta nature de détruire. Ton existence se résume à s'immiscer partout, à faire pourrir de l'intérieur, pour lentement détruire... Tu es un poison capable de tout détruire, et tu aimes cette vie. Tu ne la remplacerais pour rien au monde. Alors, réponds-moi : Pourquoi te faire passer pour une gardienne ? Quand exactement as-tu remplacé 'Cassia' ?"

Il commença à rire, un rire grave, sinistre, qui résonnait dans tout cet interminable couloir. Il fit un pas en avant, ne faisant plus d'effort pour cacher la folie sur son visage.

"Tu n'as jamais oublié qui tu es, mieux encore, tu souhaites revenir en force... Olkoth, Déesse de la Corruption."