Chapitre 1

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- Les filles, ça va ?

- Oh mon dieu, je suis tellement contente de vous entendre. Que se passe-t-il ?
- Je ne sais pas exactement. C'est juste la merde, là. Les gens commencent à paniquer dans les rues.
- Où vous êtes là ?
- Chez moi, répondent en chœur les deux filles.

Le jeune garçon tourne la tête et serre les dents.

- Ok...
- Clément, ça va ?
- Ouais, ouais. Écoutez, je vais venir vous chercher d'accord ? Priscillia, tu es la plus loin. Je passe chercher Noëlie en premier. Tu penses pouvoir tenir jusque-là ? Tu es toute seule ?
- Oui, mes parents sont partis en début d'après-midi.
- Ok, alors prenez de qu...

La communication a coupé. Priscillia soupire et laisse tomber son téléphone. Elle jette un œil par la fenêtre : les gens se précipitent à l'extérieur, bourrant leurs affaires dans les voitures et démarrant sans regarder en arrière un seul instant. Ils ont peur, tout comme elle. Elle décide de se reprendre en main et de regrouper dans un sac à dos de la nourriture, de l'eau et quelques médicaments. Alors qu'elle s'affaire à retourner les placards de la cuisine, elle entend un bruit sourd provenant de la cage d'escalier de l'immeuble. Alertée, elle se dirige vers la porte d'entrée, en n'oubliant pas de saisir une petite hachette que son père gardait dans le placard aux côtés de tous ses outils. En regardant à travers l'œil de bœuf, elle aperçoit une forme humanoïde, se relevant lentement, tout en lâchant des grognements effrayants. Les images diffusées en boucle à la télévision ces derniers temps sont en train de se dérouler sous ses yeux. La jeune fille tourne le dos à la porte, se laisse glisser le long de celle-ci, délicatement, afin de ne pas attirer l'attention de cette bestiole. Attendre, elle doit juste attendre. Ils vont venir la chercher. 

Clément sort de la maison dans laquelle il a assisté à l'horreur. En arrivant dans la rue, il constate la panique générale. Des bouchons se créent à la sortie de la ville dû aux gens pressés de trouver refuge ailleurs, des voitures abandonnées, des hurlements de peur, de désespoir ou de douleur... Il enfile sa capuche, saisit fermement sa batte et se faufile dans les rues de cette ville qu'il connaît par cœur. La menace reste incertaine et le meilleur moyen de s'en sortir est de ne pas attirer l'attention sur soi. Au loin, il aperçoit des silhouettes se déplaçant de façon très lente. Les infos ne mentaient pas. Les malades ne sont plus seulement des malades.

Tant bien que mal, après de nombreux détours, il arrive au domicile de Noëlie. Il toque lentement : aucune réponse.

- Noëlie, c'est moi, ça va ? Noëlie ?

Il essaie de clencher la porte, mais celle-ci semble fermée de l'intérieur. Il soupire et décide de contourner la propriété en escaladant la palissade du jardin. En arrivant dans le large carré de verdure, il retrouve sa copine, terrifiée et assise sur une branche en hauteur de l'imposant saule pleureur, un couteau à la main. Cette dernière retombe sur ses pieds et se précipite vers lui.

- Je n'arrive pas à y croire !

Elle lui saute dans les bras en fondant en larmes.

- Hé, calme-toi, tout va bien se passer. Tu n'es plus toute seule maintenant, je suis là. Tu as pris quoi dans ton sac ?
- De la nourriture.
- Bien. Tu te sens d'attaque à marcher ? Il faut qu'on aille chercher Priscillia avant la tombée de la nuit.
- Qu'est-ce qu'on va devenir Clément ? murmure la jeune fille, le regard perdu dans un océan d'angoisse.

Si seulement lui-même savait quoi lui répondre...

Les bruits du voisin tombant dans les marches et se relevant à chaque étage ont bercé Priscillia durant toute l'après-midi. Malgré l'angoisse enfouie au fond d'elle, elle essaie de garder les idées claires. Que faire ? Comment se déplacer ? Avec un véhicule ? Et pour aller où ? La situation à l'extérieur lui reste inconnue et impossible de savoir si c'est aussi critique qu'elle ne le pense. L'info-flash mené par les militaires indiquait de rejoindre une grande ville afin d'atteindre un centre de soins d'urgence pour réfugiés. Mais pourquoi aller dans une grande ville alors que c'est là où la concentration humaine est la plus dense, et donc la contagion plus rapide ? Alors qu'elle essaie de garder son calme malgré les nombreuses questions qui se bousculent dans sa tête, des bruits au bas de son immeuble lui font contracter ses muscles.
Elle regarde l'heure ! 19h00. Cela fait bientôt deux heures qu'elle attend ses amis. Viendront-ils réellement la chercher ? Ont-ils réussi à traverser la ville sans y laisser leur vie ? A ces sombres pensées, les larmes lui montent aux yeux. Soudain, un faible bruit émane du salon, comme si quelqu'un s'amusait avec le verre de la fenêtre. Elle se lève pour s'assurer de sa provenance : au bas de l'immeuble, elle aperçoit Clément balançant des petits cailloux pour l'interpeller. Elle ne peut réprimer un sourire pendant qu'elle enfile son sac à dos. Elle saisit sa hachette de main ferme, et jette un dernier coup d'œil à son appartement. Et qu'en est-il du voisin qui se trimballait dans les couloirs ? Cela fait plusieurs minutes qu'elle n'a pas entendu de chute. Peut-être est-il parvenu à sortir ? Elle inspire profondément pour se donner du courage et ouvre la porte. Aucun bruit. Aucun bruit si ce n'est le vent qui s'engouffre dans l'immeuble, sûrement dû à la porte d'entrée restée ouverte. Elle entreprend sa descente, en prenant le soin d'écouter attentivementà chaque nouvel étage et de vérifier qu'aucun appartement n'est resté entrouvert.Arrivée à la dernière portion d'escalier qui la sépare du dehors, elle tombesur un malade, dos à elle. Elle recule et tente de prendre une décision le plusvite possible. C'est sûrement lui qu'elle a entendu tomber durant toutel'après-midi. Elle ne peut plus reculer. Plus rien ne sera comme avantdésormais, elle doit devenir forte. Elle regarde la hachette qui se trouve danssa main et se décide à attaquer. Dans le doute, toujours viser la tête. Elle se faufile discrètement derrière lui, afin de lui fendre le crâne. Malheureusement, dans l'angoisse de la situation, Priscillia trébuche dans les escaliers, tombant ainsi face au malade. Affamé, celui-ci se rue sur elle. Elle a tout juste le temps de reconnaître son voisin du dessus, âgé d'une soixantaine d'années, grincheux, mais qu'elle côtoyait depuis son plus jeune âge, avant de s'écrouler contre les escaliers avec lui. La jeune femme essaie de résister, mais son poids mort pèse et ses maigres bras ne sont pas de taille. Désespérée, elle crie à l'aide afin que ses amis, à seulement quelques mètres de là, viennent la secourir. Alors que le visage de son voisin, plus vraiment voisin, se trouve à seulement quelques centimètres d'elle, elle n'a que le temps d'entendre un craquement d'os et de sentir un énorme poids s'écraser sur elle.

- Ça va ?

Elle dégage le cadavre sur le côté et voit Clément et Noëlie face à elle, l'un avec un couteau rempli de sang, l'autre les yeux noyés d'angoisse.

- Ouais, ça va, dit-elle en acceptant la poignée de main de son ami.

En se relevant, elle constate qu'une douleur aiguë lui pince la cheville.

- Et merde...
- Que se passe-t-il ?
- Je crois que je me suis foulé la cheville en tombant dans les escaliers...

Aucun de ses deux amis ne répond, et elle décide de ne pas s'attarder ici.

- J'ai sûrement fait trop de bruit, on devrait dégager.
- Où ?
- A l'extérieur de la ville.
- Comment ? Se déplacer à pied devient trop dangereux avec le nombre de malades qui augmente. Et tu as une cheville en moins.
- Je crois que j'ai une idée.

Clément s'installe sur le siège conducteur et Priscillia lui tend les clés.

- Où va-t-on du coup ? demande Noëlie.
- On devrait trouver un abri en dehors de la ville pour ce soir. La situation est croissante et je n'ai pas envie de me retrouver enfermée dans une maison entourée de malades en me réveillant.
- On prend quel chemin ? En sortant de chez moi, la route pour sortir de la ville était condamnée à cause d'un nombre incalculable de voiture, informe Clément.
- Le plus simple serait de prendre celle du rond-point. On devrait essayer de s'installer par là-bas et nous serons pile au centre des trois villes alentours, propose Priscillia.

Clément et Noëlie acquiescent et malgré une conduite hésitante, le jeune homme finit par prendre en main le véhicule. Après quelques minutes de trajet, les trois amis sont forcés de s'arrêter : devant eux, un énorme barrage fait de voiture.

- Il faut abandonner la voiture et continuer à pied, intervient Clément.
- Surtout pas ! Cette voiture est notre seul abri pour l'instant. De l'autre côté du barrage, on n'a strictement rien. En plus, on ne sait même pas si ce n'est pas infesté de malades entre toutes ces voitures.
- Priscillia a raison.
- Et quoi ? On reste dans la fosse aux lions toute la nuit ?
- Ce n'est pas comme si on avait le choix...

Après un petit débat, ils décident de revenir sur leurs pas et de se garer devant l'immeuble de Priscillia.

- C'est dégagé. S'il arrive quelque chose pendant la nuit, on ne sera pas pris au piège dans un cul-de-sac. C'est notre meilleure option pour l'instant...

La pénombre se fait de plus en plus impénétrable et les trois amis s'installent à l'arrière du Kangoo, allongés les uns contre les autres, prêts à décamper au moindre danger. A l'extérieur, un bruit lointain de foule comble le silence et résonne à leurs oreilles. Ils n'osent à peine s'imaginer ce qu'il se passe aux frontières de la ville.

- Je ne pensais pas ce matin, en me réveillant, que ça serait la dernière fois que je me lèverai paisiblement, lâche Priscillia.
- Et moi donc...
- Où sont vos familles ?
- Mes parents étaient partis chez ma sœur. Je suis restée seule toute l'après-midi, explique Noëlie.
- Et toi Clément ?
- Il est tard, on devrait se reposer. Demain sera compliqué et on a besoin de force.

Il tourne le dos et les deux filles abandonnent, exténuées.

Zombified Tome 1 - L'aube du lendemainOù les histoires vivent. Découvrez maintenant