𝐒𝐨𝐮𝐯𝐞𝐧𝐢𝐫 𝐝𝐨𝐮𝐥𝐨𝐮𝐫𝐞𝐮𝐱

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- True ? Peut-on reprendre ?

Je déteste aller chez la psy. J'ai l'impression de perdre mon temps, même si j'apprécie le docteur Leslie McWarren. Elle connaît bien son métier, mais je ne suis pas sûre d'être la cliente qu'elle espérait.

- D'accord, excusez-moi, reprenons.
- Nous parlions de ta mère. Comment définirais-tu votre relation ?
Le docteur McWarren est vraiment sympathique, mais ses questions me dérangent. Au cours de ce mois et demi de séances pénibles, j'ai remarqué quelques détails chez elle : sa manie de croiser les jambes dès qu'elle s'assoit dans son foutu fauteuil rouge, ou encore sa tendance à lisser soigneusement la feuille de son carnet avant d'y inscrire les mots psychiatriques me concernant.
- À vrai dire, notre relation n'était pas vraiment fusionnelle.
- Peux-tu développer, s'il te plaît ?

Son chignon tiré d'aujourd'hui lui donne un air beaucoup trop sévère, ce qui ne lui va pas du tout. Et je déteste quand elle me demande de développer. Ça me ramène à l'époque où nous devions nous justifier pour tout et rien à l'école. C'était l'assistante sociale qui s'occupait de moi qui m'avait forcée à consulter un psy. Vera, je te déteste pour ça.

- Eh bien, elle était seule. Mon géniteur n'a jamais été là pour nous. Elle avait du mal à joindre les deux bouts.
Je marque une pause.
- Continue, True.
- Elle... C'était une femme perturbée. Quand elle n'avait plus de bouteilles de bière à jeter sur les murs, c'était ma tête qu'elle prenait.
- Et comment ressentais-tu tout ça ?

Sérieusement ? C'est quoi cette question, Leslie ? J'avais douze ans et ma mère me frappait. Comment crois-tu que je vivais cela ?

- Mal, répondis-je.
- Et comment était-elle avec ta petite sœur ?

Merde. Elle a réussi à me faire parler de ma mère pour finalement aborder le fameux sujet. Je suis tombée dans le piège, encore une fois...

- Je lui disais d'aller se cacher dans son armoire et de compter jusqu'à mille, le temps que maman se calme.
- Elle ne la frappait pas comme toi ?
- Si. Mais moins souvent.

Je commence à avoir chaud. Je déteste parler d'elle, surtout ici. C'est ironique, étant donné que je suis ici à cause d'elle. Je sens que ma respiration se fait de plus en plus difficile.

- Hum... Madame McWarren ? J'aimerais qu'on s'arrête ici pour aujourd'hui, s'il vous plaît.
- True... dit-elle en posant son crayon et relevant la tête vers moi. Nous avions convenu la semaine dernière que tu ne t'échapperais plus avant la fin de nos séances.
- J'ai des bouffées de chaleur. C'est très désagréable.
- Comme toutes les semaines...

Elle n'a pas tort, mais je suis toujours libre de quitter ce cabinet lugubre à la tapisserie moyenâgeuse si je le souhaite, non ?

- Désolée, mais je vais m'en aller.
Je me lève rapidement du sofa, attrapant mon sac à main furtivement.

- True ! Attends, reviens, s'il te plaît. Parlons d'autre chose, si tu veux.
Je me dirige vers la porte de sortie, pressée de fuir, sentant que je vais exploser.
- Excusez-moi. Parlez-en avec mon assistante sociale, elle trouvera une autre date pour terminer notre rencontre.

Une fois dehors, je file vers ma petite voiture verte, mon havre de paix. Je mets la clim à fond et incline le siège au maximum. Mes larmes commencent à monter. Je savais que c'était une mauvaise idée d'aller la voir aujourd'hui, mais cette conne de Vera, m'y a contrainte. J'attrape mon portable dans la boîte à gants et fais défiler les photos de ma galerie.

Judy... pourquoi m'as-tu abandonnée ?

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