Gris Cendre. partie 4

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Je la regarde et j'ai peur. Elle est immense et intense. Je sens sa colère, sa haine, son désespoir, sa peur, son impuissance, sa douleur m'envahir. Elle me fait comprendre son histoire. C'est cet homme le responsable. Je suis à ses pieds et j'ai froid. Je meurs de froid. J'arrive à tourner la tête. Derrière moi quelque chose de froid. Quelque chose sans vie git. Il est déjà là. Mort. Le monstre n'est plus. Je ne comprends pas. Elle s'est déjà venger. Pourquoi n'est-elle pas en paix ? Elle me fixe et j'en tremble. Je suis terrorisé. Son visage est effrayant. 

Elle n'est pas belle. C'est un démon. Son grand corps ne bouge pas et pourtant il semble plonger vers le miens. Je panique. Je veux fuir. Je veux courir et fuir. Je n'arrive pas à bouger. Ses yeux ! Ses yeux me dévorent. Sa bouche se tord et laisse voir des petites dents pointues noires et luisantes. C'est une créature de la nuit. La douce enfant n'est plus. Je lutte. Je hurle. Son visage se rapproche et je suis terrifier. Ses yeux m'hypnotisent. Je lutte pour ne plus la regarder. Je suis prisonnier de sa volonté. Elle rit cruellement. Ses mains m'agrippent la tête et me trainent vers elle. Ses ongles s'enfoncent dans mes cheveux et percent mon crâne. Du sang chaud coule dans ma bouche. Le goût de fer me soulève le cœur. Ses yeux sont immenses. Elle veut me montrer. Elle veut que je vois. Son immense tête se rapproche de la mienne. 

Je ne veux pas. Je suis effrayé. Elle s'en fiche. Ses yeux sont si proches des miens. Trop proche. Ils se touchent presque. Ils se touchent. Ils pénètrent dans les miens. Je tombe dans un gouffre sombre et humide. Je suis étendue sur un tapis à même le sol. Je ne me rappelle plus de rien. J'étais là, heureuse et je me réveille perdue. J'ai mal. Je n'arrive pas à me relever. Je saigne. Je saigne aussi de la tête. Il est dans un coin de la pièce et me regarde. Cruel, sûr de lui, j'ai honte. Il parle et rit mais je ne comprends rien de ses mots. J'ai à peine conscience de mon corps mais il souffre. Il est bleu. Couvert de bleus. J'ai froid malgré le feu dans l'âtre. Je pleurs et il est insensible. Je hurle et il rit. Il se lève et me tourne le dos comme si de rien n'était.

 Rien. Il ne ressent rien. Je bous de l'intérieur. Rien ?! Il est horrible. Il est le Diable incarné. Il se retourne vers moi et me lance des vêtements sales. Je le déteste. Je le hais. Je veux le réduire à rien. Je veux qu'il souffre. Je me lève devant lui. Je veux sa peur. Je m'avance. Je veux qu'il souffre. Mes mains se tendent vers lui et il rit toujours. Je veux ma vengeance. Je sers son cou. Je veux sa vie. Il me repousse mais je suis la plus forte. Mes ongles sont verrouillés dans sa chaire et il saigne. Je veux sa colère. Il me frappe mais je tiens bon. Je veux ses cris. Nous tombons. Je roule sur lui et le plaque au sol. Je veux ses derniers cris. Il faiblit. Je veux son désespoir. Ses yeux se vident. Je veux ses derniers sentiments. Son âme abandonne. J'ai eu sa vie.

Je me relève et tremble. De joie, de terreur, de soulagement et de désespoir. J'ai tué le monstre de la lande. Je me rhabille vite. Je vais revoir mon père. Je cours à travers les ronces et mes pieds saignent. Ma robe se déchire. Se tâche. Je cours encore plus vite. Le vent me pousse dans le dos. J'arrive chez moi. Je tambourine. Je vais revoir mon père. Je fais le tour de la maison. Je cris. Personne ne m'entend. Il n'est pas là. Je vais le chercher dans le village. Il sera heureux de me revoir. Je cours dans la rue principale. J'ai enfin compris mes erreurs et je resterai désormais avec lui. Mon père, mon protecteur. Lui seul a voulu me protéger. J'appelle dans la rue. Les gens sortent. Ils me dévisagent. Je leur souris. Je veux voir mon père. Ils murmurent. Je les reconnais. Ils sont tous là à me dévisager. Ils baissent les yeux et les remontent vers moi. Ils me regardent avec dégout. Ils sont gênés de me voir ainsi. Ils regardent le sang. Ils pâlissent.

 Ils regardent ma robe, mon visage, mes mains. Ils comprennent. Je me sens mal. J'ai honte. Elle se diffuse et leur donne un sentiment de supériorité. Ils me scrutent. Ils me jugent. Ils me maudissent. Pour eux, je suis coupable. Père ! Père ! Où êtes-vous ? Ils s'approchent et me hurle dessus. Ils me poussent comme le vent. Ils grondent comme la mer. Ils me rejettent comme une ordure. Ils veulent que je parte pour ne jamais revenir. Père ! Je pleurs et aucun ne me console. Père ! Je tombe et aucun ne me relève. Ils se massent, s'agglutinent et se collent. Ils forment un mur, comme une falaise. J'en suis sur le bord, prête à tomber. J'ai peur, j'ai froid. Il fait sombre. Père ! J'ai mal. Ils me frappent du pied. Me regardent durement. Ils sont orgueilleux. Je pleurs et me dégage. Père ! Où êtes-vous ? Je cours et ne m'arrête pas. Père ! Je sombre dans le désespoir. Je pleurs et ne regarde pas où je vais. Père !

Le vent me fouette et me pousse dans le néant. Il fouette mon visage. Mes cheveux sont ses instruments. Il joue avec ma robe qui claque à ses grondements. Je cours et il me retient de tombé. Il me montre sa force mais je suis déterminée. Je lutte contre lui, mes jambes sont puissantes. Sa force m'emplis et m'aide à aller de l'avant. Ses cris raisonnent en moi. Ses hurlements se mêlent aux miens. Mes pieds ne semblent plus toucher terre. La honte me brûle le visage et le vent le calme. Il me caresse violemment. Mes yeux sont imbibés d'eaux. Elles coulent sur mes joues et remontent dans mes cheveux. Je cours droit devant moi comme poussée par une main invisible. L'eau coule sur mon cou et trempe mes vêtements. L'eau ruisselle sur mon corps. Le sol se dérobe sous mes pieds. L'eau me frappe et me punie pour ce que j'ai fait. Mais elle comprend. Je tombe. Elle couvre ma peau. L'eau m'entoure et me berce. Je me recroqueville et me laisse porter. Je m'engourdis et j'ai froid. Elle m'englobe et me soutient. L'eau est là pour moi. J'entends le vent de la lande qui m'appelle. L'eau me tiens et m'enfonce. Le vent frappe la mer et celle-ci s'élève pour lutter. Les deux titans me veulent. Je suis déjà leur fille.

Je suis aspiré dans le dos par quelque chose. On me remonte à la surface et je vole au-dessus de la mer puis de la Lande. Je m'élève et vois le village qui s'éloigne petit à petit. Les champs. La tour. Elle attire mon regard. Elle se rapproche. S'amplifie et s'impose. Je me sens projeté contre elle. J'ai peur de l'impact. Elle se rapproche à toute allure de moi. Je ferme les yeux. Je me crispe et attend l'inévitable. J'attends. Rien. Je rouvre les yeux difficilement. Je suis par terre sur un tapis moisi. Je suis dans une ruine. Je regarde mon corps et essai de le bouger. Il me répond dans la douleur. Je bouge et tente de me relever. Mes bras sont faibles et je manque de me cogner le menton sur les dalles. Je regarde autour de moi et Elle n'est plus là. 

J'ai froid mais je ne veux pas rester ici. Je me déplace péniblement. Je dévale tant bien que mal le reste d'escalier. Les liserons aux murs sont mon soutient le plus fiable. Je vois le cheval. Il tremble et ses naseaux fument. Je m'approche et l'appelle. Il hennit et viens à ma rencontre. Je n'ai pas la force de monter dessus. Je marche et il me suit. La progression est lente et douloureuse. Je repense à ce que j'ai fait. Je me dégoute. J'ai tué un homme de sang-froid. Je ne voulais que sa mort et non la justice. Je ne regrettais pas mon acte. Je ne voulais pas leur consentement. Je voulais juste voir mon père. 

Il aurait compris. Il m'aurait félicité. Il m'aurait dit que j'ai bien fait. Qu'Il ne méritait que la mort. Il m'aurait défendu contre ses immondes hypocrites. Ils rêvaient tous en secret de sa mort mais n'osaient l'approcher ! J'ai fait ce que tous voulait et ils m'ont foulé aux pieds ! Ils étaient en colère. Ils avaient honte ! Honte de ne pas l'avoir fait avant moi ! Ma tête me brûle. Ils auraient voulu être à ma place ! J'entends un marteau taper dans mon crâne. Ils mourraient d'envie d'être le héros de notre village. La douleur me broie le cerveau. Leurs regards croisaient mon courage ! Ils ont eu peur de leur propre peur. 

J'incarnais leur propre lâcheté. Ils m'ont jugé pour ne pas être jugé ! Je les maudits tous ! Ils méritent de mourir eux aussi ! Ils verront leur impuissance, leur peur et leur couardise. Ils verront que je vaux mieux que tous ! Ils m'ont jugé coupable, je serai leur bourreau. Ils m'ont maudite, je serai le remède à leur mal. Mes forces reviennent. Je m'élance vers ce village maudit. Je dois le purifier. La nuit est tombée et les lampions sont accrocher aux murs extérieurs. La nuit bleu fait danser les flammes rouges. Le contraste est la solution. Je dois soigner leur froideur par le feu. Je décroche un lampion et le jette par une fenêtre. Elle se fracasse et les flammes se rependent sur le plancher. La fumée monte et les habitants ne se sont pas réveillés. Leur cœur gelé doit fondre vers l'humanité. 

Je m'approche d'une autre maison, d'une autre lanterne. Ils sont monstrueux de froideur. Je dois les réchauffer. Les volets en bois feront l'affaire. Les flammes en prennent vîtes possession. J'entends quelques bruits mais n'y prêtes pas attention. Ils étaient affectueux avec moi quand j'étais petite, c'est par amour que je dois leur rendre la chaleur qu'ils avaient. Autres lanternes, autres fenêtres. On s'agite autour de moi. Les voisins réveillent les endormis qui ne comprennent pas ce qui arrivent. Ma voisine me donnait souvent des tartines le soir quand père travaillait tard. Elles étaient souvent grillées avec de la confiture de mûrs. Un mur de plus qui réchauffe le village de mon enfance. Ils me font pitié de leur lâcheté et leurs cris qui emplissent mes oreilles.

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