La semaine qui suivit leur promesse de s’affronter ensemble aux ombres du passé fut un mélange d’espoir et de crainte. Junior et Leïssa s’engagèrent dans un rituel quotidien de rencontres, s’installant dans des lieux où ils avaient partagé des rires et des larmes, chacun poussant l’autre à explorer des souvenirs qu’ils préféraient parfois oublier.
Leur connexion devint une force motrice, mais l’angoisse de Junior grandissait en silence. Alors qu’ils discutaient de leurs blessures, il sentait que ses propres fantômes étaient de plus en plus présents. Les récits de Leïssa, aussi puissants et poignants soient-ils, éveillaient en lui des souvenirs qu’il n’était pas prêt à affronter.
Une nuit, dans un coin isolé du parc où ils s’étaient souvent retrouvés, Leïssa lui parla de son écriture. « J’ai commencé à travailler sur ce roman », confia-t-elle. « Je veux que ce soit un voyage à travers la douleur, mais aussi une quête de rédemption. »
« C’est magnifique », répondit Junior, mais une peur sourde l’envahissait. « Tu penses que c’est vraiment possible de sortir de cet obscurité ? »
Leïssa le regarda intensément. « La lumière existe toujours, même au cœur des ténèbres. Mais il faut parfois se battre pour la trouver. »
Les mots résonnèrent en lui, mais une ombre de doute persistait. Au fil des jours, il remarqua que Leïssa semblait plus impliquée dans son écriture, passant de longues heures à créer, absorbée par son monde imaginaire. Si cela lui apportait une forme d’évasion, Junior se sentait souvent laissé à l’écart, comme un spectateur de sa propre vie.
Un soir, alors qu’ils se retrouvaient dans un café où ils avaient partagé tant de secrets, Junior décida de lui parler de ses craintes. « Leïssa, je… je me sens un peu perdu ces derniers temps. Ta passion pour l’écriture est si forte que j’ai peur que cela nous éloigne. »
Elle leva les yeux, visiblement surprise. « Junior, je ne veux pas que tu te sentes ainsi. L’écriture est ma manière de comprendre ce qui m’entoure. Cela ne change rien entre nous. »
« Mais si ! » s’écria-t-il. « Je ne sais pas comment partager cela avec toi. Parfois, j’ai l’impression que tu es en train de construire quelque chose sans moi. »
Leïssa soupira, la frustration mêlée à la compréhension. « Je n’essaie pas de te laisser de côté. Mais parfois, je dois me plonger dans mon monde pour faire face à mes propres démons. Tout comme toi. »
Junior se laissa tomber contre le dossier de sa chaise, épuisé. « Je ne sais plus comment faire. J’ai l’impression de retomber dans cette spirale. »
« Nous pouvons nous aider, Junior. Faisons-le ensemble », insista-t-elle, prenant sa main dans la sienne. Cette simple étreinte lui apporta un peu de réconfort, mais il sentait toujours ce vide grandissant en lui.
Les jours suivants, ils tentèrent de surmonter cette tension. Mais pour Junior, le poids de son passé devenait de plus en plus difficile à porter. Chaque fois qu’il se réveillait le matin, les souvenirs de Mia revenaient le hanter. Les rires d’antan, les promesses de lendemains meilleurs, tout cela semblait s’évanouir dans la nuit.
Un soir, alors qu’ils erraient près d’un vieux manoir abandonné, Junior aperçut quelque chose qui le fit frissonner. Le bâtiment, autrefois majestueux, était devenu un symbole de la déchéance. C’était un lieu qu’il avait toujours évité, mais ce soir-là, quelque chose l’attirait inexplicablement.
« Que dirais-tu d’explorer cet endroit ? » proposa-t-il, un mélange de curiosité et de défi dans sa voix.
Leïssa hésita, mais finalement, elle acquiesça. « Pourquoi pas ? Cela pourrait être… intéressant. »
En pénétrant dans le manoir, ils furent accueillis par l’odeur de moisi et le silence pesant. Les murs étaient tapissés de souvenirs oubliés, des photos jaunies accrochant des visages souriants qui semblaient les observer. Le lieu respirait une mélancolie palpable, et chaque pas résonnait comme un écho du passé.
À l’intérieur, des couloirs sombres semblaient les engloutir, et Junior sentit une angoisse sourde monter en lui. Leïssa, bien qu’intriguée, ne pouvait s’empêcher de ressentir l’atmosphère étrange qui les entourait.
« On dirait que ce lieu a ses propres secrets », murmura-t-elle.
« Ou peut-être qu’il est simplement hanté par des souvenirs », répondit Junior, sa voix tremblante.
Alors qu’ils exploraient, Junior commença à ressentir une pression croissante dans sa poitrine. Les souvenirs de l’accident, les cris, le désespoir de sa mère, tout cela refit surface avec une intensité dévastatrice. Il se mit à errer dans les pièces, perdant le fil de leur conversation.
Leïssa le suivit, préoccupée par son silence. « Junior, ça va ? »
Il se retourna, le visage blême. « Non, ça ne va pas. Je… je sens que tout cela m’étouffe. »
Leïssa s’approcha, l’inquiétude marquant son visage. « Écoute, on est ensemble. Je suis là pour toi. Parle-moi. »
« Je ne peux pas ! » s’exclama-t-il, la colère et la frustration prenant le pas. « Je suis fatigué de parler de ma douleur, fatigué de vivre avec ce poids. »
Leurs voix résonnaient dans l’obscurité du manoir, et Junior sentit une vague de panique l’envahir. Il se dirigea vers une fenêtre cassée, espérant respirer l’air frais, mais la douleur était déjà trop forte.
« Junior, s’il te plaît ! » implora Leïssa, mais il ne pouvait l’entendre. Il avait besoin d’échapper à ce lieu, à ces souvenirs.
Il s’enfuit à l’extérieur, son cœur battant la chamade. L’air frais de la nuit le frappa de plein fouet, mais cela ne suffisait pas à apaiser sa colère. Leïssa le suivit, l’angoisse gravée sur son visage.
« Attends ! » cria-t-elle, mais il continua à marcher, la distance entre eux se creusant.
Finalement, Junior s’arrêta au bord d’un petit ruisseau, les larmes aux yeux. Il se laissa tomber à genoux, incapable de contrôler les émotions qui le submergeaient. La douleur, la colère, et la culpabilité s’entremêlaient en lui, un tourbillon destructeur.
Leïssa le rejoignit, s’agenouillant à ses côtés. Elle ne prononça pas un mot, mais sa présence était apaisante. « Je suis désolée », murmura-t-il, les larmes coulant sur ses joues. « Je ne voulais pas m’énerver. »
« Tu es humain, Junior », répondit-elle doucement. « La douleur est quelque chose que nous devons affronter, mais je suis là, je t’accepte tel que tu es. »
Sa voix résonna comme un baume apaisant, et il réalisa qu’il n’était pas seul dans cette lutte. Ils étaient deux âmes perdues, cherchant désespérément une lumière au bout du tunnel.
À cet instant, Junior comprit que la descente qu’il redoutait pourrait également les rapprocher. L’obscurité dans laquelle ils se débattaient n’était pas une fin, mais peut-être le début d’un chemin vers la rédemption.
Ensemble, ils pourraient affronter ces ombres, et avec chaque pas, ils renforceraient leur lien, apprenant à naviguer dans la douleur qui les unissait. La nuit était encore sombre, mais une lueur d’espoir commençait à émerger.