Les jours s’écoulèrent depuis l’annonce troublante de l’ex de Leïssa, et bien que la tension soit présente, Junior et Leïssa continuèrent leur routine d’écriture et de partage. Mais quelque chose dans l’air avait changé : chaque mot, chaque geste portait un poids invisible, comme si une ombre s’était glissée entre eux. Pour Junior, cette ombre avait un visage et un nom qu’il ne pouvait ignorer.
Un soir, Junior invita Leïssa à marcher dans le parc, là où ils avaient partagé tant de moments intimes. Le crépuscule étendait sa lueur douce sur les arbres, teintant le ciel de pourpres et d’oranges. Le bruit des feuilles sous leurs pas et le murmure lointain de la rivière créaient une atmosphère apaisante, mais Junior sentait une nervosité dans l’air.
Après quelques instants de silence, il se tourna vers elle, les mains serrées. « Leïssa, il faut qu’on parle. Je ne peux plus faire semblant de ne pas être affecté par… cette situation avec ton ex. »
Leïssa baissa les yeux, consciente de l’effet que cela avait sur lui. « Junior, je comprends. Et je suis désolée que cela te fasse souffrir. Mais il y a des choses dans mon passé que je dois affronter, même si elles sont difficiles. »
« Mais pourquoi maintenant ? » demanda-t-il, incapable de masquer la douleur dans sa voix. « Nous venons tout juste de trouver un équilibre, et maintenant, il refait surface pour tout bouleverser. »
Elle leva les yeux, son regard empli d’une résignation douloureuse. « Parce que je ne peux pas avancer tant que je n’ai pas confronté ce qui s’est passé. Je ne veux pas qu’il y ait des fantômes entre nous, Junior. »
Un silence pesant s’installa entre eux. Junior se tourna, regardant l’horizon où les dernières lueurs du jour s’évanouissaient. « J’ai peur de te perdre, Leïssa. »
Elle posa une main rassurante sur son bras. « Ce n’est pas parce que j’affronte mon passé que tu vas me perdre. Au contraire, je le fais pour que nous puissions bâtir quelque chose de solide. Mais j’ai besoin de ton soutien, de ta confiance. »
Ces mots l’apaisèrent un peu, mais un doute persistait. Comment pouvait-il être certain qu’elle ne se laisserait pas emporter par les souvenirs, qu’elle ne retomberait pas dans une relation qui la rappelait autrefois ? Toutefois, il savait qu’il devait lui laisser cette liberté. « D’accord », murmura-t-il finalement. « Je te fais confiance, Leïssa. Mais promets-moi de me parler si ça devient trop difficile. »
Elle acquiesça, un léger sourire aux lèvres. « Je te le promets. »
Ils restèrent silencieux un moment, le regard perdu dans le crépuscule, jusqu’à ce que Junior propose : « Que dirais-tu de retourner au manoir abandonné ? » Cette idée lui était venue soudainement, comme un instinct. Le manoir avait été le théâtre de leur dernière confrontation émotionnelle ; peut-être pourrait-il devenir le lieu de leur renouveau.
Leïssa hésita un instant, puis hocha la tête. « Allons-y. »
Ils arrivèrent devant le manoir, les volets grinçants et la façade délabrée prenant des airs fantomatiques sous la lumière lunaire. L’atmosphère semblait différente cette fois-ci. Ce lieu, autrefois effrayant et chargé de leurs peurs, était devenu un sanctuaire pour leurs émotions partagées.
Ils pénétrèrent dans l’enceinte silencieuse, les murs craquelés et le parquet grinçant ajoutant une dimension mystérieuse à leur exploration. Junior observa Leïssa, son visage éclairé par les faibles rayons de lune filtrant à travers les fenêtres poussiéreuses. Elle semblait en paix, comme si elle avait fait la paix avec les ombres qui l’avaient autrefois tourmentée.
« Cet endroit est vraiment fascinant, n’est-ce pas ? » murmura-t-elle en effleurant un cadre photo abîmé accroché au mur.
« Oui, et d’une certaine manière, il reflète ce que nous traversons », répondit-il. « Un lieu brisé, mais qui garde encore sa beauté. »
Leïssa lui sourit, touchée par ses mots. « Peut-être que c’est exactement pour ça que nous sommes ici. Pour reconstruire quelque chose de beau à partir des morceaux brisés. »
Ils continuèrent leur exploration en silence, chaque pièce leur offrant un aperçu d’un passé mystérieux. Dans une des chambres, Junior aperçut une vieille machine à écrire, couverte de poussière. Il la désigna du doigt. « Regarde ça, Leïssa. Peut-être qu’on devrait écrire ici, ce soir. »
Les yeux de Leïssa s’illuminèrent. « Oui ! Ce serait parfait. »
Ils s’assirent côte à côte, et bien que la machine soit hors d’usage, chacun ouvrit son cahier et commença à écrire. Les mots semblaient couler plus librement dans cet espace chargé d’histoire. Pour Junior, les souvenirs de sa sœur revenaient par vagues douces et apaisantes, plutôt que comme des assauts douloureux. Il se mit à écrire sur elle, sur les moments heureux, les rires partagés, les secrets échangés.
À côté de lui, Leïssa écrivait également, le visage illuminé d’une sérénité nouvelle. Elle écrivait sur l’amour, mais aussi sur la douleur et la résilience. Par moments, elle levait les yeux pour observer Junior, capturant chaque expression sur son visage comme si elle voulait s’imprégner de sa présence.
Après plusieurs heures, ils échangèrent leurs cahiers, lisant en silence les mots de l’autre. Les écrits de Junior évoquaient une tristesse profonde, mais aussi une acceptation. Quant aux mots de Leïssa, ils vibraient d’une passion et d’une force qu’il n’avait encore jamais vues en elle.
« C’est magnifique », murmura Junior après avoir lu un passage sur les espoirs que Leïssa nourrissait pour l’avenir. « On dirait que tu commences à te libérer de quelque chose. »
Elle hocha la tête, émue. « Grâce à toi, Junior. Ton soutien m’a donné la force d’affronter ce que je pensais insurmontable. »
Ils se rapprochèrent, leurs regards se croisant dans l’obscurité de la pièce. Les émotions refoulées depuis si longtemps remontaient à la surface. Sans un mot, Leïssa posa sa main sur la joue de Junior, et leurs lèvres se rencontrèrent dans un baiser intense et libérateur.
Ils s’embrassèrent, non par passion éphémère, mais avec la profondeur de deux âmes qui se reconnaissent et se soutiennent mutuellement. Ce baiser était une promesse silencieuse, celle de se tenir l’un à côté de l’autre, peu importe les ombres qui les poursuivraient.
Quand ils se détachèrent, Leïssa murmura, les yeux brillants de larmes. « Junior, je ne veux plus fuir mon passé. Et je veux que tu sois là avec moi pour chaque étape de ce chemin. »
« Je le serai », répondit-il, sa voix tremblante mais déterminée. « Je ne te laisserai pas affronter tout cela seule. »
Ils restèrent dans le manoir jusqu’au petit matin, discutant de leurs peurs et de leurs espoirs pour l’avenir. La lumière du jour commençait à percer à travers les vitres, baignant la pièce d’une lueur douce et apaisante. Le manoir n’était plus une simple ruine ; il était devenu un symbole de leur renaissance.
Au moment de quitter le lieu, Leïssa se retourna, observant une dernière fois les murs délabrés qui avaient été témoins de leur connexion. Elle prit la main de Junior et murmura : « Nous avons affronté beaucoup de choses ensemble, et je sais que ce n’est que le début. »
Junior serra sa main, un sourire confiant aux lèvres. « Nous sommes plus forts maintenant, Leïssa. Ensemble, nous pouvons affronter tout ce qui viendra. »
Ils quittèrent le manoir, laissant derrière eux les échos de leurs blessures passées. La lumière de l’aube éclairait leur chemin, un chemin qu’ils étaient prêts à parcourir, main dans la main, vers un futur qu’ils construiraient ensemble.
Les épreuves n’étaient pas terminées, mais ils avaient appris à apprivoiser leurs douleurs. Et tandis qu’ils marchaient vers l’inconnu, ils savaient que, tant qu’ils resteraient unis, rien ne pourrait les séparer.
