Chapitre 3 : Une Lecture Édifiante

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Jean-Paul se dandinait d'un pied sur l'autre, un peu gêné :
- ben en fait...
Nicky l'interrompit :
- putain c'est pas vrai, je le crois pas! Tu le savais déjà ?
- ben oui, il y a quelques temps, je me suis posé des questions. À priori, elle ne vient pas d'une famille riche et elle est propriétaire d'une maison dans un des quartiers les plus cotés d'Annecy. Ce n'est pas avec un salaire de flic qu'elle pouvait se l'offrir alors j'ai enquêté discrètement et je suis tombé sur son activité littéraire. Je lui en ai parlé et je lui ai promis de ne rien dire. J'ai lu un de ses bouquins, c'est particulier mais c'est plutôt pas mal, elle écrit bien et Judith adore...

Pascal reprit, pensif :
- ça n'explique pas comment la victime a compris qu'il s'agissait de sa compagne dans le bouquin. Kerouac a dit qu'elle modifiait les identités.
- certes elle modifie les identités mais elle conserve les initiales, ce n'est pas très compliqué de comprendre de qui il s'agit quand tu fais partie du commissariat. Par exemple, dans ses derniers bouquins, on suit principalement les aventures de la Commissaire Fanny Cupidon et du Capitaine Paul Romance. Il ne faut pas être sorti de Saint-Cyr pour comprendre d'où lui vient son inspiration...
- QUOI ??? s'exclamèrent Pascal et Florence à l'unisson, elle écrit sur nous ?

Nicky tenta difficilement de réprimer un fou rire.

Jean-Paul ajouta :
- quand elle est arrivée de Bretagne, elle avait décidé de ne plus écrire sur ses collègues pour éviter les ennuis mais dès le premier jour, elle vous a trouvés inspirants, tous les deux... non mais rassurez vous, c'est gentil ce qu'elle écrit sur vous, ce n'est pas toujours très crédible... Quoique... Je peux demander à Judith de vous prêter deux bouquins si vous voulez vous faire une idée... Pour vous documenter dans le cadre de l'enquête bien sûr, bredouilla-t-il en voyant le regard noir de sa patronne.

Pascal ajouta avec un sourire taquin :
- c'est vrai que le trajet en train va être long, autant en profiter pour se documenter.
Florence adressa un regard en biais à Pascal pour lui faire comprendre qu'elle n'était pas dupe du prétexte et que l'enquête avait bon dos.
- bon trêve de plaisanterie, je file à la maison préparer mes bagages, on se retrouve ici dans une heure, Pascal. Nicky, vous voudrez bien nous déposer à la gare ? Comme ça nous laisserons nos véhicules au commissariat.
Nicky acquiesça.

Une heure plus tard, les deux collègues étaient près à partir quand Judith pénétra dans le commissariat avec son habituel sourire bienveillant.
- bonjour, Jean-Paul m'a dit que vous souhaitiez vous familiariser avec les écrits de votre collègue alors je vous ai apporté mes deux livres préférés : "vague de chaleur au commissariat" et "garde à vue torride". Je ne doute pas que vous trouverez cette lecture distrayante... Voire même peut-être inspirante, ajouta-t-elle avec un doux sourire.
Les deux collègues remercièrent Judith, un peu confus, et s'empressèrent de coller chacun un bouquin au fond de leurs sacs respectifs.
Nicky les déposa à la gare et ils embarquèrent pour un trajet de plus de 7h00 avec changement de gare à Paris.

Ils étaient installés face à face dans le train et commencèrent par évoquer l'enquête, ils étaient très inquiets pour Kerouac. Soudain, un message de Jean-Paul arriva sur leurs téléphones, les analyses de Kerouac avaient mis en évidence des traces de GHB, la drogue du viol, qui induisait docilité, haute suggestibilité et perte de mémoire. La dose avait dû être massive pour que des traces persistent encore dans l'organisme au moment des prélèvements. Voilà qui expliquait le black-out de Kerouac mais ça ne la disculpait pas pour autant. La victime l'avait-elle droguée dans l'intention d'abuser d'elle pour se venger ? Kerouac l'avait elle poignardé pour se défendre ? Mais dans ce cas, pourquoi aucun des deux ne présentait de blessures de défense ?

Las de faire des hypothèses déprimantes qui ne trouveraient pas de solution dans l'immédiat, Pascal proposa de se plonger dans la "documentation" remise par Judith afin de passer le temps. Chacun ouvrit donc son livre et entama sa lecture. Compte tenu du genre d'histoires, les deux personnages principaux se retrouvaient rapidement dans des situations très osées, décrites  joliment mais de façon très détaillées. Pascal et Florence jetaient de temps à autre un coup d'œil au-dessus de leur bouquin, pour guetter les réactions de l'autre, subrepticement. Rapidement, Pascal ressentit un léger inconfort, il se sentait de plus en plus à l'étroit dans son jean et ne cessait de changer de position sur son siège. A plusieurs reprises, il surprit une délicate couleur rose envahir les joues de Florence. De son côté, elle se sentait un peu gênée en lisant les pages très explicites, mettant en scène leurs doubles de fiction. L'une d'elle notamment accentua sa confusion car elle lui rappella un rêve érotique qu'il lui était arrivé de faire au sujet de Pascal. Elle commençait à avoir très chaud, assise juste en face du sujet de ce fantasme, en sachant que lui aussi devait se projeter dans leurs doubles de fiction.

Au bout d'un moment, ils arrivèrent à Paris, changèrent de gare et achetèrent des sandwichs en guise de dîner, plutôt frugal. Ils s'installèrent dans le TGV pour Rennes, une nouvelle fois face à face, et commencèrent à avaler leur repas.
Pascal afficha un sourire malicieux :
- alors que pensez vous de la prose de notre chère major ?
- elle aurait pu choisir des noms un peu moins cucul pour nos personnages !
Pascal éclata de rire :
- vous voyez, personnellement, ce n'est pas ce que je retiens en premier de cette lecture.
- j'avoue que je me sens un peu gênée que nous ayons inspiré ça à la Major.
- pourquoi ? Il n'y a pas de raison, ce n'est que de la fiction. C'est assez amusant et bien écrit, certaines scènes sont plutôt inspirantes je trouve, même si je n'ai pas besoin d'inspiration supplémentaire, il suffit que vous apparaissiez... ajouta-t-il, charmeur.

Florence ne savait pas trop comment interpréter ces paroles. Hésitante, elle demanda :
- vous voulez qu'on reparle de la possibilité d'aller droit au fucking point ?

Cassandre et Roche : quand la Fiction Percute La Réalité Où les histoires vivent. Découvrez maintenant