Chapitre 2 : Face Au Doute

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La commissaire Cassandre se ressaisit la première.
- bien, comme nous sommes dans le cadre d'une enquête pour homicide et que vous étiez avec la victime peu de temps avant sa mort, on ne peut pas risquer le vice de procédure. Je vous invite à passer en salle d'interrogatoire pour prendre votre déposition dans un cadre plus formel. Pascal, vous venez avec nous.

La Major Kerouac, d'habitude si sûre d'elle, semblait perdue. Florence et Pascal s'installèrent face à elle et l'interrogatoire commença.
- pouvez vous nous expliquer la teneur de vos relations avec la victime ?
- nous nous sommes rencontrés lorsque nous étions affectés dans le même commissariat mais on ne se fréquentait pas vraiment, nous étions juste collègues.
- pourtant, il vous a donné un rendez-vous hier soir dans un bar, c'est curieux pour un simple collègue que vous ne fréquentiez pas.
- il m'a appelée hier après-midi, il souhaitait qu'on se voit pour faire la paix.
Pascal rebondit :
- faire la paix ? Vous étiez donc fâchés ? Pour quel motif ?
La Major Kerouac sembla embarrassée, elle se triturait les mains, elle prit une profonde inspiration et elle se lança :
- quand mon mari est décédé, j'étais dévastée, j'ai vraiment sombré. Pour remonter la pente, j'ai commencé à écrire... À écrire des romans... Des romans un peu particuliers...
Florence fronça les sourcils, intriguée :
- c'est à dire ?
- des romans érotiques, ajouta Kerouac dans un souffle en fixant la table.

Florence et Pascal échangèrent un regard étonné.
Pascal enchaîna :
- en quoi cela pouvait être source de conflit avec la victime ?
- et bien, pour écrire mes livres, je m'inspirais de mes collègues du commissariat. Bien sûr je changeais l'identité des personnages mais je me suis inspirée du lieutenant Le Goff et de sa compagne, la lieutenante Simon, qui avait une liaison avec un autre collègue. J'écris sous un pseudonyme et jamais je n'aurais pensé avoir des lecteurs dans mon environnement professionnel, mais un jour, un de nos collègues est tombé sur un de mes romans et j'ai été démasquée. Quand Le Goff a compris qu'il devait s'agir de sa compagne dans mon livre, il a pété un plomb, ça a fichu la bazar au commissariat et il s'est séparé de sa compagne. J'ai été convoquée par le commissaire divisionnaire qui m'a fortement incitée à demander ma mutation si je voulais éviter une sanction disciplinaire, c'est comme ça que je suis arrivée à Annecy.

Florence reprit :
- maintenant expliquez nous ce qui s'est passé hier soir ?
Après un moment de silence, la Major releva la tête et regarda la Commissaire droit dans les yeux :
- j'aimerais vraiment vous le dire, Commissaire, mais je ne me souviens plus de rien après mon arrivée dans ce bar. Je ne me souviens que de m'être réveillée ce matin, assise sur les marches devant chez moi et adossée à ma porte d'entrée.
Florence et Pascal échangèrent un regard préoccupé, la Major était mal barrée...

À ce moment là, Nicky fit irruption dans la salle d'interrogatoire.
- Commissaire, la PTS a retrouvé ce qu'elle suppose être l'arme du crime. Il s'agit d'un couteau couvert de sang, trouvé dans la poubelle, juste à côté de là où le corps a été retrouvé. Le manche était couvert d'empreintes, elles ont été passées au fichier, c'est revenu négatif.
- bien. Major, nous allons prendre vos empreintes pour les confronter à celles relevées sur l'arme. Avec un peu de chance, ça va vous éloigner de la liste des suspects.
Malheureusement, une fois la comparaison faite, ils durent se rendre à l'évidence, c'étaient bien les empreintes de Kerouac qui étaient sur l'arme du crime.

La Commissaire intervint, la mort dans l'âme :
- Aénor Kerouac, vous êtes placée en garde à vue dans le cadre de l'enquête sur l'homicide de Thomas Le Goff.
Elle continua à lui signifier ses droits avant que la Major soit conduite en cellule.
Florence retourna alors dans l'open space et vit les regards sombres de ses collaborateurs :
- je n'avais pas le choix, avec ses empreintes sur l'arme du crime, c'était inévitable. Je file au palais pour essayer de convaincre le proc de nous laisser l'affaire, au moins dans un premier temps. Pendant ce temps, faites venir un médecin pour effectuer des prélèvements sur Kerouac, je veux comprendre cette histoire de black-out.
- vous pensez qu'elle a vraiment tout oublié ? Interrogea Pascal
- je ne sais pas, elle a l'air sincère, on ne peut rien exclure à ce stade, bon je file, à tout à l'heure.

Quelques heures plus tard, la Commissaire était de retour. Elle se joignit à son équipe à la cuisine pour déjeuner.
- bon Chappaz n'a pas été facile à convaincre, il voulait nous désaisir comme Kerouac est impliquée. J'ai dû lui rappeler tout ce qu'on avait fait pour lui, y compris Kerouac, quand il a été soupçonné dans l'affaire du meurtre de la dentiste. Il exige qu'on fasse le point au minimum deux fois par jour et que Pascal et moi partions dès aujourd'hui en Bretagne pour interroger les anciens collègues de Kerouac et de Le Goff. Il veut qu'on avance au maximum pendant la durée de la garde à vue. Après déjeuner, on va faire nos bagages et on prend le train de 15h29.

Nicky lâcha, songeuse :
- n'empêche, je n'aurais jamais pensé que Kerouac écrivait des bouquins érotiques, c'est dingue, vous ne trouvez pas ?
Florence répondit :
- elle n'a trouvé que ce moyen pour sortir de son chagrin à la mort de son mari, je peux comprendre. Et puis nous faisons un métier stressant, nous avons chacun notre façon de gérer les moments difficiles, à chacun son dérivatif :  Vous c'est le chant, Pascal c'est les balades à moto, elle c'est l'écriture de romans érotiques.

Pascal rebondit :
- et vous Commissaire, c'est quoi votre dérivatif ?
- mystère, Capitaine, vous ne connaissez pas tout de moi vous savez...
- mais je ne demande que ça de connaître tout de vous, répondit il du tac au tac avec un sourire charmeur.
Florence se troubla légèrement et une délicate couleur rose envahit ses joues.

Nicky enchaîna pour dissiper la gêne :
- et toi Jean-Paul ? on ne t'entend pas, ça ne t'a pas surpris le violon d'Ingres de la Major ?
Jean-Paul sembla un peu embarrassé.

Cassandre et Roche : quand la Fiction Percute La Réalité Où les histoires vivent. Découvrez maintenant