jour de fête

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Ce matin, Kiss avait le cœur lourd, une boule d'angoisse nouée dans sa gorge. Elle allait devoir quitter l'appartement pour la semaine, laissant sa mère, toxicomane, seule dans cet espace sombre et encombré de souvenirs brisés. Elle s'efforçait de rester forte, mais la peur, l'inquiétude et un sentiment de défaite l'étreignaient. Depuis qu'elle avait accepté ce travail d'aide-ménagère, elle supportait seule le poids de leur survie, se retrouvant à dix-sept ans à porter ce fardeau comme si elle n'avait pas le choix, car elle n'en avait pas.

Elle rangea quelques vêtements dans une valise usée, tentant de retenir les larmes qui lui brouillaient la vue. Un mélange d'impuissance et de tristesse s'accrochait à elle, étouffant la moindre parcelle d'espoir. Son cœur battait lourdement dans sa poitrine alors qu'elle jetait un dernier regard autour de cette petite chambre où chaque détail semblait la retenir.

En sortant de la pièce, elle aperçut sa mère allongée sur le canapé, son corps amaigri, affalé, presque abandonné. Une cigarette pendait mollement entre ses doigts, une fine volute de fumée flottant au-dessus d'elle comme un nuage gris. À côté, une bouteille de liqueur renversée se balançait sur le bord de la table. Kiss sentit sa gorge se serrer en la voyant ainsi, perdue dans un monde qui n'appartenait qu'à elle, et d'où elle semblait bannir tout contact, toute chaleur humaine. Elle s'approcha lentement, sa voix à peine plus qu'un souffle, comme si le moindre bruit pouvait faire éclater ce moment fragile :

- Maman... comme tu le sais, je dois rester la semaine sur mon lieu de travail, mais le week-end... je reviendrai te voir.

Sa mère ne broncha pas, absorbée par une torpeur opaque, ses yeux baissés vers un point lointain, comme si elle regardait sans voir. Kiss attendit, l'espoir timide d'un signe, d'un regard, d'une parole. Mais sa mère ne fit rien d'autre que de tirer lentement sur sa cigarette, son visage figé dans une expression vide, indifférente. L'odeur âcre du tabac et de l'alcool envahissait l'air, oppressante, se mêlant au parfum des larmes qui menaçaient de couler.

Kiss fit un pas vers la porte, un poids immense sur les épaules. Elle s'arrêta, se tourna une dernière fois, ses mains tremblant légèrement. Elle murmura d'une voix brisée, chaque mot plus difficile à prononcer que le précédent :

- Prends soin de toi, s'il te plaît...

Elle espérait un geste, même infime, un signe que, malgré tout, sa mère l'entendait. Mais rien. Elle n'obtint que le silence, un silence lourd, implacable, un mur entre elles. Ce silence résonna dans son esprit comme un adieu muet, lui déchirant le cœur. Kiss sentit la réalité de sa solitude s'abattre sur elle comme une vague, l'emportant dans un océan de tristesse et de douleur. La silhouette de sa mère se fondait dans la pénombre de l'appartement, et Kiss réalisa que c'était elle, la seule à lutter pour elles deux, la seule à essayer de sauver ce qui restait de leur relation.

Elle ferma les yeux une seconde, retenant un sanglot, puis sortit enfin, chaque pas l'éloignant davantage de cette scène qui l'avait brisée. La porte se referma dans un murmure étouffé, et en quittant l'appartement, elle laissa derrière elle un morceau de son cœur, un fragment d'elle-même, qui se déchirait un peu plus chaque jour.

Après dix minutes de trajet, le cœur encore lourd, Kiss arriva enfin devant la grande demeure. Elle descendit du bus, tentant de dissimuler la nervosité qui l'assaillait en repensant à la scène de ce matin. À peine eut-elle le temps de respirer que Madame Jones, la gouvernante principale, fit irruption devant elle, ses bras croisés, un regard perçant et sévère.

- « Il était temps, mademoiselle, » lança-t-elle, les lèvres pincées. « Cette journée s'annonce chargée, le fils du patron reçoit des invités autour de la piscine. Il va falloir que tout soit impeccable. Pour l'instant, suivez-moi, je vais vous montrer votre chambre. »

Le Fils Du PatronOù les histoires vivent. Découvrez maintenant