Chapitre 2

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 Et voilà. Nous étions quatre mois après l'accident. On m'avait placé chez ma tante. Elle habitait juste à côté de... mon ancienne maison, donc ça semblait être la meilleure option : je n'allais pas être privée de mes amies, en plus de ma famille.

La vérité, c'est que je n'en avais plus rien à faire, de mes amies. J'avais perdu goût à tout, à l'humour, aux discussions... Je m'étais éloignée d'elles. Pas que d'elles, en fait. Je m'étais littéralement désocialisée au possible. C'est à peine si je continuais le lycée.

Je ne supportais plus de continuer à mener une vie plus ou moins normale alors que la leur s'était éteinte. Alors le lycée...

J'étais avachie sur mon lit, sans rien faire. Juste ruminer. Me les remémorer. Tenter de les imaginer en train de rire avec moi.

Soulager cette douleur un instant.

Mais il n'y avait rien à faire, je savais qu'ils n'étaient plus là. Qu'ils ne reviendraient jamais.

C'est le principe de la mort. Tout arrêter.

Parfois je me demandais. Souvent, même. Je me demandais si je n'avais pas envie de les rejoindre. Tout serait tellement plus simple... Je les retrouverais, je n'aurais pas besoin d'accepter qu'ils ne soient plus là.

Je croyais souvent que c'était la meilleure solution. Il n'y avait pratiquement plus rien pour me retenir.

Je baissai les yeux sur l'ours en peluche que je tenais entre mes mains. Je le remis droit, et je le fixai. Ainsi, j'aurais presque pu croire qu'il me regardait tristement.

Je me mordis la lèvre sans arrêter de fixer l'objet.

C'était celui de Thalia.

Et puis, d'un coup, le rempart en moi céda.

J'explosai en sanglots. Je me laissai glisser par terre, et me recroquevillai autour de la peluche. Des objets... c'est tout ce qui me restait d'eux.

Je m'agrippai à l'ours en secouant la tête, les larmes coulant à flots sur mes joues. Je n'arrivais plus à respirer.

Il fallait que je me reprenne. Je tentai de prendre une grande inspiration, en fermant les yeux.

Puis je les rouvris quand une image de l'accident, vue dans un journal me vint.

Je me remis à pleurer.

Tout me ramenait à leur mort.

N'en tenant plus, je me levai, sortis de ma chambre puis de la maison.

Je laissai mes pas me mener dans une direction.

Ou bien mon estomac, puisque j'atterris à la boulangerie.

Je soupirai, regardai la façade un bon moment.

Quand j'avais eu ma première peine de cœur, et que Maman m'avait trouvé en larmes dans ma chambre, elle m'avait attrapé par le bras et conduite ici. Elle nous avait acheté des dizaines de pâtisseries puis on s'était assise sur un banc, et elle m'avait demandé de tout lui raconter.

Selon elle, le sucre faisait fondre la tristesse.

J'avais vraiment des parents en or.

Je rentrai dans la boulangerie. Quand j'arrivais devant le comptoir, je demandais plusieurs trucs.

Je me rendis vite compte que je n'avais pas pris mon argent. Je me mordis la lèvre en m'éloignant du comptoir. Je tentai de me retenir de pleurer.

Après moi, qui repartis bredouille, vint une petite, de l'âge qu'avait Thalia, et sa mère. La femme lui acheta un pain au chocolat. Elle lui tendit et fut récompensée par le merveilleux sourire de la petite.

Je les observais s'éloigner.

Mon cœur partait en morceaux.

Je pris soudain la décision pour laquelle j'hésitais depuis tant de temps.

J'allais le faire. J'allais tout arrêter.

Je sortis en trombe de la boulangerie, puis je m'arrêtai. La peur me faisait trembler, mais j'étais déterminée. Je n'en pouvais plus, de leur absence, il fallait que je les rejoigne. Je me dirigeai alors vers le pont le plus près. On était à Nantes, alors il y en avait un paquet pour rejoindre l'Île-de-Nantes ou juste traverser la Loire.

J'arrivais enfin au pont de Cheviré. Je le gravis, marchant à côté des voitures. Je n'étais plus triste. Une sorte d'impatience s'était emparée de moi. J'allais enfin les revoir ! Ma douleur serait apaisée. Tout irait mieux.

J'arrivai enfin en haut. Je me rapprochai encore plus du bord, et me penchai légèrement.

Parfait. C'était suffisamment haut. L'impact me tuerai facilement.

Je baissai les yeux vers mes mains, tremblantes.

Un sourire se dessina sur mes lèvres. Je m'agrippai à la rambarde, puis, une jambe après l'autre, je me mis debout dessus. Je baissai les yeux vers mes baskets en équilibre. Je n'avais plus qu'à avancer, et enfin, je retrouverai la paix.

J'écartai les bras, oscillante. Derrière moi, aucune voiture ne s'arrêtait. Les conducteurs étaient sans doute trop pressés pour s'occuper d'une gamine suicidaire.

J'entrouvris la bouche, regardai la Loire devant moi.

Bientôt, dans quelques secondes, ce serait le moment.

Je me mis à rire.

Est-ce que Papa et Maman, avec Thalia, me voyaient ? Est-ce qu'ils étaient contents que je viennent les retrouver ? Ou bien étaient-ils en colère contre moi, comme moi ? Parce que je n'étais pas venue avec eux ? Parce que peut être que par ma présence, j'aurais pu changer la donne ?

Je le saurais bientôt maintenant.

Je pris une grande inspiration, la dernière, et je fléchis les genoux.

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