Trois mois. Trois mois ce sont écoulés depuis mon bannissement par le roi de Sedith. A présent, chacun de ses mots se ressassent sans cesse dans mon esprit, comme une bombe prête à exploser. Il a tué Elysia. J'aurai dû le savoir depuis le début. Je marche d'un pas nonchalant en direction du groupe attablé, riant aux éclats. Je les déteste tous. Ma nouvelle vie est truffée d'angoisse et de peur, loin des royaumes. Travailler pour vivre est devenue ma seule obsession pour rester en vie dans ce monde. Je pose délicatement les plats sur la table qui peine à tenir debout, un large sourire sur mes lèvres. N'écoute pas leurs remarques, ou tu seras encore virée. Une main m'arrache l'assiette, laissant des traces de gras sur ma peau.
— Dépêche-toi de nous servir, crache l'un des hommes, la bouche pleine.
Ne t'emporte pas, tu as besoin de cet argent. J'ai erré des semaines entières, cherchant à survivre dans ce monde hostile, traversant des villages, sans trouver la moindre personne acceptant de m'aider.
— Excusez-moi, réponds ai-je accompagné d'un large sourire sur mes lèvres.
Je tourne les talons pour rejoindre le vieux comptoir, espérant que cette soirée se termine rapidement. Je les déteste tous. La boule au ventre me tord les entrailles à chaque soldat qui passe le palier de l'auberge. La peur que le roi ait envoyé des assassins à mes trousses, m'empêche de dormir toutes les nuits. Chaque royaume à eu vent de mes fausses accusations, et je crains que chacun d'eux ne cherche à m'éliminer, m'obligeant à rester constamment sur mes gardes. Arion est la seule chose qu'on m'a accordé d'emmener avec moi, mon seul ami.
— On va bientôt pouvoir dormir, s'exaspère Kira.
Elle replace une mèche de sa chevelure argentée en arrière, ne cherchant pas à cacher son mécontentement sur le comportement de nos clients de ce soir. Nous partageons la même chambre toutes les nuits, sans elle, je serai déjà virée de cette auberge.
— Crois-moi que j'ai qu'une hâte, de rejoindre mon lit.
— Et de ne plus voir leurs sales têtes, ajoute-elle suffisamment fort pour que les quelques clients de passage l'entende.
Elle lâche un long soupire, posant son front contre le bois du comptoir. Je ne lui fais pas confiance, mais je dois avouer, qu'elle est la seule personne m'ayant défendue depuis mon arrivée, mettant notre patron peu aimable en rogne. N'hésitant pas à le remettre en place, le jour où il à tenté de me faire des répugnantes avances. Je l'observe se dandiner au loin en direction de soldats complètement éméchés, ne tenant pas debout. Elle attrape violemment l'oreille du plus maigrichon, la rendant toute rouge, et le traine jusqu'à à la vieille porte d'entrée qui grince au moment où elle le jette dehors. Je n'aimerai pas être à sa place. Notre patron lui hurle dessus, faisant de grands gestes en balayant l'air, qui ne lui font aucun effet. Elle croise ses bras sur sa poitrine, attendant qu'il termine son discourt, avant de s'éloigner sans lui prêter la moindre attention.
— Parle moi encore une fois sur ce ton, et je quitte cette foutue auberge ! Hurle-t-elle à travers les tables, sans la moindre gêne.
Le visage de l'homme arrondi par la douce nourriture, se teint de rouge, il est fou de rage. Kira peut se permettre de s'adresser à lui de la sorte, sans elle, son auberge aurait déjà fermée. Sa longue chevelure argentée attire les regards, et son sourire charmeur, rameute d'autre prêt à payer des nuits dans l'auberge, ne serait-ce que pour attirer son attention. Je m'attarde à nettoyer soigneusement les assiettes, je déteste ce travail.
— Ly, tu pourrais m'aider avec ces derniers ivrognes ?
Ly. Mon nouveau nom depuis mon départ de Sedith. Je ne peux pas lui dévoiler mon réel nom, de peur qu'elle me dénonce. Je l'aide à porter le dernier homme puant d'alcool hors de l'auberge. Il est lourd, et Kira marmonne des insultes à son égard, qu'il n'est pas en capacité d'entendre, complètement ivre. Nous le jetons sur le chaussées humide, la pluie ne cessant pas de tomber depuis des jours entiers.
— Tu as de la chance que j'ai besoin de toi, rugit notre patron une fois la porte fermée, je t'aurai jeter de la même manière sur la chaussée !
Le même discourt, tous les jours sans exception. Je m'attarde à remettre la salle en place, ramassant les bouteilles roulant sur le sol. Leur capacité a ingurgiter autant de liquide m'impressionne, je ne tiendrai pas avec plus de deux verres. Mes pensées se tournent vers Adélaïde en récupérant un énième bout de verre sur le planché poussiéreux. Je n'ai plus eu de nouvelle concernant Sedith depuis des mois à présent, l'auberge se trouve bien loin du royaume. Un village perdu loin des routes commerciales, me permettant de m'y cacher, le temps d'élaborer mon plan. Mon plan pour le tuer. La sensation froide de la lame caché sous mon vêtement me rassure, et les couteaux de Kassian me tenant toujours compagnie dans mes bottes. Mon corps se laisse tomber d'épuisement sur l'une des chaises en bois. Un verre se pose sous me yeux, me ramenant à la réalité.
— Cadeau, me dit Kira, attendant ma réaction.
Je jette un coup d'œil au liquide qu'il contient, il n'est pas translucide comme il est habituellement, ce n'est pas de l'eau. Elle me fait un clin d'œil avant d'effectuer un doigt d'honneur à notre patron, toujours fou de rage dans un coin de la salle. Le liquide me brûle la gorge, et j'en devine facilement ce qu'il contient.
— C'est toi qui le paye ce vin ? Rugit l'homme rondelet, claquant la porte menant aux chambres de l'auberge.
— Je peux dénoncer la manière dont tu te le procure ! Hurle-t-elle en retour.
Les quelques clients tentant de tomber dans le sommeil, doivent à présent regretter de s'être arrêté ici. Je lâche un soupire, la tête en arrière, et les yeux clos. J'apprécie ce doux moment de silence, bien trop rare dans cet endroit. Notre paye est bien trop maigre, et Kira vole régulièrement, faisant les poches de certains voyageurs tombés sous son charme. Elle est douée.
Nos lits peu confortables me cisaille le dos. Je passe mon temps à repousser ce moment de la journée, le moment où mon cerveau me ressasse le passé sans me laisser le choix de l'écouter. Kira s'est déjà déshabillée, sombrant dans un profond sommeil. Je l'observe un moment, me demandant ce qu'elle a pu faire pour finir ici, dans cette misérable auberge. Elle ne pose pas de questions, c'est ce qui me plaît chez elle. Ses longs cheveux sont attachés en une tresse, évitant les nœuds du matin. Je tourne en rond dans mon lit, incapable de trouver le repos. Adelio est un prince. Adelio m'a menti. Adelio m'a manipulé. Son visage me revient en flash de temps à autre, me rappelant que son père à assassiné ma douce petite sœur. Adelio devait forcément le savoir depuis le début. Je ne peux pas effacé de ma mémoire tous les visages rivés sur moi ce soir-là. De la honte à la peur se lisaient dans leurs yeux, me pointant du doigt en chuchotant. Ni le souvenir de ma mère, s'écrouler au sol, incapable de faire face aux accusations envers sa fille, ni mon incapacité à la rejoindre pour l'aider. Je me rappelle de la sensation des poignes des gardes lorsqu'ils m'ont emportés loin de cette salle, me jetant dehors, dans la gueule du loup. Il savait que l'héritier de Damhor avait été assassiné par son propre fils. Je me retourne une énième fois sur le fin matelas, je les tuerais tous.
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UN ROYAUME DE LAVE ET D'ETOILES | tome 2
FantasyLa suite d'Un Royaume de Sable et de Pleurs