Chapitre 7: Échapper à la Brume

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               À six heures du matin, Marion ouvrait déjà le pot de lingettes alcoolisées pour nettoyer méthodiquement sa table de travail. Elle travaillait avec une rigueur intense, absorbée dans le processus, pendant que Fabian plaisantait avec Mark et que Felicia, de retour après deux jours d'absence, tapotait fébrilement sur son téléphone caché dans le tiroir de son bureau. Elle avait signalé son mal de tête avant de s'absenter, et la douleur persistante l'avait retrouvée à son retour, comme un rappel insidieux de la lourdeur de ce lieu.

Marion, concentrée sur l'assemblage minutieux des pièces, paraissait coupée du monde. Elsa, pénétrant dans l'atelier d'un air condescendant, ne put s'empêcher de murmurer en riant :
- Ce n'est pas ta boîte, tu sais!
Un rire retentit parmi ses collègues, mais Marion, imperturbable, continuait son travail, achevant déjà sa centième pièce tout en écoutant discrètement un podcast sur l'alimentation anti-inflammatoire. Ce que personne ne savait, c'est qu'elle avait tout calculé : le dernier centime pour son master, ses dates de départ. Elle était déjà à moitié partie. Pour elle, ce travail n'était qu'une étape, un escalier vers une vie plus vaste, plus libre, qu'elle imaginait souvent pendant les moments de répit.

À peine arrivée, son estomac protestait. Hier, Soleil s'était couchée épuisée, avec une simple boîte de thon pour dîner. Elle regarda sa montre : 7h45. Qu'importe. Elle se dirigea vers la terrasse, un lieu qui, pour elle, symbolisait une évasion momentanée. Elle s'alluma une cigarette et savoura un petit pain au chocolat et un expresso intense, comme elle aimait tout dans la vie, d'ailleurs. Ce matin-là, la pluie de novembre s'invitait doucement, et la brume qui se déposait sur la terrasse semblait ouvrir un horizon différent, une vision d'avenir qui contrastaba cruellement avec la grisaille de l'atelier.

La brume autour d'elle créait une sorte de cocon silencieux, comme si, par un instant suspendu, tout le monde extérieur disparaissait. Alors, en ce bref moment de calme, elle réalisa une chose: elle avait passé tant de temps à chercher des réponses dans les gestes d'autrui, dans les signaux autour d'elle, mais jamais en elle-même. Et si la vraie libération, la réponse à sa soif de vie, n'était pas dans le monde qui l'entourait, mais dans la paix qu'elle pourrait enfin trouver en elle? Cette pensée l'apaisa, lui apportant une clarté inattendue. Pour la première fois depuis des années, elle sentait la sérénité naître en elle; elle avait coupé les ponts avec les relations toxiques qui l'étouffaient. Elle était en paix avec elle-même, en paix avec son passé, prête à en finir avec tout ce qui ne l'inspirait plus. Et elle avait à la fin trouvé cette stabilité financière qu'elle avait besoin.

Alors qu'elle écrasait son mégot, une silhouette familière apparut derrière la vitre. Estefania, avec son sourire éclatant et sa longue et brillante chevelure, lui faisait signe. Elles échangèrent un sourire, un regard complice. Ensemble, elles descendirent, échangeant quelques mots d'encouragement, conscientes de la dureté de la journée qui les attendait. Soleil ne pouvait s'empêcher de trouver étrange la manière dont Estefania avait été embauchée. Sans grande expérience ni même une maîtrise suffisante de la langue, elle avait pourtant décroché le poste grâce à l'appui direct de Pierre, le bras droit du recruteur et responsable. Marion, en revanche, avait été engagée à force de persévérance, sans piston ni favoritisme, gravissant les échelons un à un. À Couronne, certaines voies se traçaient sans mérite véritable; d'autres, comme celle de Marion, exigeaient un travail acharné et un dévouement total.

-Oh, pardon! - murmura Blanche en bousculant légèrement la chaise de Soleil. Elles échangèrent un sourire complice et se mirent au travail. Aujourd'hui, elles travaillaient côte à côte, Blanche, horlogère passionnée d'art, avec son style audacieux, ses piercings visibles et son air résolu. À quelques mètres, Marie-Claire et William discutaient avec animation depuis de longues minutes. Leurs caractères opposés créaient une tension magnétique, un jeu d'attraction-répulsion qui donnait au lieu un calme trompeur.

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⏰ Dernière mise à jour : 4 days ago ⏰

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