Valentina

Chapitre 42

Les jours suivants passent comme un rêve flou, où peut-être un cauchemar, difficile à dire. Chaque matin, je me réveille avec cette sensation d'un poids sur la poitrine, un vide laissé par Nate, comblé par moment de ses appels et textos qui, sont rares au vu du décalage horaire. Puis cette lettre, posée en évidence sur ma table, comme un rappel constant de sa proposition. Le billet non daté, presque une invitation silencieuse à tout quitter, repose juste à côté.

Je passe en revue toutes nos conversations, nos souvenirs, en quête d'une réponse que je n'ai pas. Une partie de moi voudrait tout lâcher, sauter dans le premier avion et le rejoindre, même si cela implique de renoncer à mes habitudes, mon travail, mes repères. Mais une autre part hésite. Est-ce que tout ce qu'on a construit ici peut tenir face à la distance ? Et si, en le suivant, je me perdais moi-même ? 

Alors que j'approche de la fin d'Orgueil et préjugés pour la énième fois, ces questions tournent en boucle. Même Rosa, d'habitude capable de dédramatiser n'importe quelle situation, ne semble pas savoir quoi me conseiller. Assise face à elle, dans un café où nous avons nos habitudes, je finis par avouer :

— J'ai peur, Rosa. Peur de prendre la mauvaise décision et de tout regretter. Mais j'ai peur aussi de le perdre pour de bon si je reste ici.

Je lâche un long soupir, le regard perdu dans mon café, qui est devenu aussi froid que mes certitudes. Rosa m'observe, prête à faire un peu d'humour pour détendre l'atmosphère.

— Tu sais, Tina, on fait tous des choix risqués. Regarde, la fois où tu as décidé d'essayer le lait d'avoine matcha — et où tu as décrété après une gorgée que plus jamais ça, rit-elle.

Je laisse échapper un sourire malgré moi, secouant la tête.

— Oui, sauf que là, Rosa, on parle de Nate, et de ce billet d'avion... pas de boissons improbables.

Elle me fait un clin d'œil.

— Tout choix commence quelque part. Moi, je dis que si un billet non daté de ton "héros de secours" ne te donne pas envie de prendre quelques jours pour réfléchir, je ne sais pas ce qui le fera.

Je ris de nouveau, bien que mon cœur se serre un peu en pensant aux derniers moments avec lui. Son sourire, les petites choses qu'il faisait chez moi, comme d'insister pour m'aider à cuisiner quand, soyons honnêtes, sa seule spécialité est le risotto surgelé... C'est fou ce que toutes ces petites habitudes me manquent déjà.

Je me surprends même à penser que si jamais je devais le rejoindre, il faudrait qu'on commence par une liste d'éléments de survie. Je l'imagine bien réagir, mi-sérieux, mi-amusé, à "Ce qu'il te faut pour vivre heureux avec Tina : numéro un, apprendre que le risotto existe aussi en dehors du rayon surgelé."

Rosa me tire de mes pensées.

— Bon, alors, tu fais quoi finalement ? Partir ? Rester ?

Je hausse les épaules, presque amusée par mes propres hésitations.

— Eh bien... déjà survivre à cette journée, et puis... peut-être voir si l'univers m'envoie un signe. Ou un café gratuit, au moins !

En début d'après-midi, seule chez moi, l'agitation laisse peu à peu place au calme, et je ressens l'épuisement des dernières heures. Je décide de sortir, de prendre un peu l'air pour dénouer ce sentiment lourd qui persiste malgré les mots rassurants de Rosa. J'attrape une veste et je me retrouve, presque machinalement, dans ce parc où j'ai souvent trouvé un semblant de paix, un endroit où mes pensées peuvent se démêler.

Les enfants rient au loin, les feuilles bougent légèrement sous la brise. Je m'assois sur un banc, perdue dans mes pensées. Tout me ramène à Nate. C'est comme si chaque détail de la journée me le rappelait , un couple qui passe main dans la main, un mot murmuré dans le vent. Nate, toujours Nate. Que j'essaie de m'en détourner ou non, il reste là, une présence immuable.