the heirs of chaos

PRÉLUDE

Dans les rues obscures de Tokyo, là où les néons se fondent dans le brouillard, une silhouette se détache dans la nuit. Elle avance avec une grâce tranchante, un regard de fer masqué sous une apparence calme et impassible. Dans sa main, une orchidée noire, symbole aussi éphémère que fatal. Elle est connue sous un nom qui inspire crainte et respect – héritière inattendue, l’ombre de son père adoptif, et, désormais, la nouvelle tête du clan yakuza. Son ascension, pourtant, est loin d’être saluée par tous. À commencer par celui qu’elle considérait autrefois comme un frère.

Loin de là, au cœur d'une vieille bâtisse dans les collines italiennes, une autre figure observe. Donatello, le fantôme des Castellano, éminence grise de la mafia italienne, tient entre ses doigts une lettre, marquée de ce même symbole d’orchidée noire. Un sourire énigmatique se dessine sur ses lèvres. L'appel à la guerre s'est déjà glissé dans l'ombre de leurs clans respectifs, et lui, pour la première fois depuis longtemps, voit un défi à sa mesure.

Elle n’a rien de la reine docile qu’il avait imaginée, cette nouvelle chef, et il est bien décidé à voir jusqu’où elle ira pour défendre son trône. Entre eux, une alliance de pouvoir et de sang se dessine, prête à éclater ou à se renforcer dans les feux du chaos.
La nuit tombée, Tokyo s’enveloppe de murmures, et dans les ruelles du quartier de Kabukicho, des hommes du clan commencent à disparaître. Chaque absence laisse derrière elle un indice : une fine tige, une orchidée noire, comme une signature silencieuse que tous comprennent sans mot dire. Les sous-fifres s'agitent, chuchotant à propos de leur nouvelle chef, cette femme que certains considèrent comme une étrangère au sein du clan, mais dont la froideur calculée et l'audace les terrifient plus encore.

Pendant ce temps, en Italie, Donatello Castellano reçoit les rapports de ses hommes. Le territoire yakuza semble ébranlé, fissuré de l’intérieur, affaibli par des luttes intestines. Pour lui, l’occasion est parfaite. Il sait que les luttes pour le pouvoir sont souvent les plus destructrices, et dans le sillage de la discorde, il pourra avancer ses pions sur le territoire de l’héritière. Ses contacts lui parlent d'elle comme d'une enragée, d’une « princesse » dépossédée prête à dévorer quiconque se mettra sur sa route, qu’il soit yakuza ou non. Cette détermination, loin de l’effrayer, le pousse à envisager un jeu de manipulation plus subtil.

Tandis que les hommes de Donatello s’infiltrent peu à peu dans les rues de Tokyo, Natsuki continue de renforcer sa position. Chaque défection, chaque défi posé par son frère adoptif n'est qu'une nouvelle occasion pour elle de prouver sa suprématie. Elle se méfie des alliances étrangères, consciente que ce sont des menaces habilement déguisées. Mais ce chef italien éveille en elle une curiosité froide et stratégique : un étranger qui pourrait devenir un allié, une menace, ou les deux.

Dans cette guerre silencieuse, les coups se jouent dans l’ombre. Donatello surveille les réactions de la jeune femme, observant chaque mouvement, chaque faiblesse apparente, mais il sait qu'il n'a pas affaire à une cible ordinaire. De son côté, Natsuki prépare ses propres pièges, anticipant le moment où le mafieux italien sortira de l’ombre. Car elle sait qu’une confrontation est inévitable – et elle est prête à jouer, que cela mène à une alliance de fer ou à une guerre sans fin.

Les semaines passent, et l'équilibre fragile entre les clans commence à basculer. Chaque tentative de saper le pouvoir de Natsuki se retourne contre ses ennemis, leurs attaques systématiquement déjouées, parfois même retournées contre eux. Son frère adoptif perd des alliés, des hommes qui se rangent, un par un, du côté de celle qu'ils surnomment désormais "la Reine Noire". Les murmures se propagent : elle est intouchable, imprévisible, et sa vengeance est aussi subtile qu’impitoyable.

Donatello, lui, surveille tout depuis l’Italie. Les rapports de ses hommes deviennent de plus en plus précis, décrivant les mouvements de Natsuki, ses alliances silencieuses, ses méthodes brutales mais calculées. Elle n’hésite pas à imposer sa marque, à écraser ceux qui se mettent en travers de son chemin avec une précision froide qui, il le reconnaît, rappelle sa propre manière de faire. Ce jeu de force et d’équilibre, où chaque mouvement de l’un incite l’autre à répliquer, l’obsède peu à peu. Il ne s'agit plus seulement d'un contrat ou d'un territoire, mais d’un défi, une danse mortelle qu'il entend bien maîtriser.

Finalement, l'occasion qu’il attendait se présente : une réception organisée par un haut dignitaire des affaires, un homme qui tient des alliances autant avec la mafia italienne qu’avec les yakuzas. Une invitation lui parvient, sans surprise, mais ce qui le surprend est d’apprendre que Natsuki sera également présente. Les regards des deux rivaux se croiseront enfin, sans intermédiaire, sous le couvert d’une neutralité fragile.

À Tokyo, Natsuki prépare soigneusement son entrée. Elle connaît l’invitation pour ce qu’elle est – un test de sa force, un piège peut-être, mais aussi une chance de rencontrer Donatello, cet homme qui la défie depuis l’ombre. Pour elle, cette rencontre sera décisive. Elle observe son reflet dans le miroir, impassible, chaque détail de son apparence soigneusement calculé pour rappeler à tous qu’elle est la dirigeante des Shiratori. Mais derrière ses yeux sombres, une lueur de défi brille. Elle ne se rend pas là-bas pour négocier ou pour céder du terrain. Elle va imposer sa présence et s’assurer que même le fantôme de Castellano ne l’oubliera pas.

Le soir du rendez-vous, les deux figures s’observent de part et d'autre de la pièce, entourés d’hommes de pouvoir et d’influence, mais la tension est palpable, comme une tempête prête à éclater. Entre eux, un simple regard suffit pour reconnaître la même ambition, la même implacabilité. Pour la première fois, ils se retrouvent face à face – non plus comme des inconnus, mais comme deux forces inarrêtables sur le point de se heurter.