Là où les Ombres Dansent

Chapitre 3

Je ne pouvais pas détourner les yeux de Gabriel. Sous le soleil de Rivemer, ses cheveux bruns bouclés avaient une teinte presque dorée, et ses mains, calleuses et brunes, parlaient de jours passés à travailler la terre et à s’occuper de ses abeilles. Il dégageait une sorte de force tranquille, mais quelque chose dans son expression me fit hésiter. Une ombre, fugace, mais bien réelle.

Je pris une profonde inspiration avant de m'avancer, essayant de cacher le rouge qui me montait aux joues. Gabriel, lui, s’essuya les mains sur son jean déjà taché de terre et me regarda avec un sourire légèrement amusé.

— Tu viens d'arriver, mais tu t’aventures déjà jusqu’ici ? demanda-t-il. C’est courageux.

— Je voulais explorer un peu, répondis-je en haussant les épaules, comme si les battements rapides de mon cœur ne trahissaient pas ma nervosité. On m’a dit que tu fais du miel ?

Il hocha la tête, et pour la première fois, son sourire se fit sincère, presque tendre. Je remarquai que ses yeux, verts comme une forêt profonde, étaient pourtant marqués de cernes, comme si les nuits à Rivemer ne lui laissaient jamais de repos.

— Oui. Mes abeilles travaillent dur, fit-il, jetant un regard vers les ruches, des caisses en bois peintes qui bourdonnaient de vie. Ici, tout est question d’équilibre. Si quelque chose perturbe l’ordre des choses, tout peut s’effondrer.

Je fronçai les sourcils, intriguée par cette philosophie que je ne comprenais pas encore. Mais avant que je ne puisse lui demander ce qu’il voulait dire, une bourrasque soudaine s’éleva, faisant danser les hautes herbes autour de nous. Gabriel se tendit, comme si le vent portait avec lui un danger invisible, mais il ne dit rien. À la place, il me fixa, comme s’il attendait quelque chose de moi.

— Tu devrais rentrer avant la tombée de la nuit, ajouta-t-il. Les bois ne sont pas toujours sûrs.

Un avertissement, ou une simple prévenance ? Je ne savais pas comment l’interpréter. Pourtant, j’acquiesçai, sentant un poids invisible sur mes épaules. Ce village, avec ses beautés sauvages et ses murmures secrets, me faisait déjà perdre mes repères.

Mais je ne pouvais m’empêcher de vouloir en savoir plus sur lui.