Les Mange-rêves

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Abeleyn, après être arrivé à la conclusion que les brigands ne reviendront pas, décide d'attendre le levé du jour avant de reprendre sa route.

Toujours dans sa forme immatérielle, il se hisse sans difficulté dans un arbre. Mais alors qu'il compte s'endormir, il se souvient que le sommeil, sous cette forme, lui est refusé. Il reste donc à faire le point sur ces connaissances, perché sur sa branche, voguant d'une pensée à une autre, formulant des hypothèses et d'autres élucubrations, imaginant ce qui se serait produit s'il n'avait pas été une ombre. L'aurait-on tué ? Ou emporté auprès de la fameuse sorcière ? Celle-la même qui l'aurait maudit dans la grotte ?

Après un temps, Abeleyn regrette un peu le repos de la nuit, celui qui ronge le temps de la réflexion et vous laisse ignorant de certaines pensées. Puis, un rêve lui revient en mémoire. Un rêve étrange, tout droit sorti de ces souvenirs perdus ; et pourtant, survivant de l'amnésie, l'étrange songe revient le hanter de nouveau.


Quatre portes devant moi. L'une est couverte de mousse et de lierre, le bois gondole sous le dictat des racines et des feuilles ; une autre est incrustée de pierres translucides rejetant sur le sol des ombres bleutées ; la troisième est métallique : deux torches se consomment lentement de chaque coté ; la dernière est une série de voiles blancs et translucides que le vent fait trembler, tendus sous une arche.

Laquelle m'appelle ? celle-là, que la lumière traverse, où frappent les battements de la mer au rythme des vagues, ces multiples fragments de ciel qui pulsent sur le sol...Je m'approche. Les saphirs  brillent d'un éclat sans égale. En complète admiration, j'oublie ce qui m'entoure. Et lorsque je me retourne enfin, tout à disparu, ne reste que cette porte, unique, seule. Je pose ma main sur la poignet de verre, elle s'abat sans résistance.

Le battant est projeté en arrière par une puissance sans pareil. Une masse bleu me percute. Je suis assailli par l'eau qui prend place dans le décor, qui envahi le vide et le gouverne. Le paysage change. Balloté, tiraillé, je me tiens comme je peux à la surface, mais tout me tire vers le bas. De cet océan déchaîné, piégé entre les vagues je discerne les nouveaux contours d'un désert marin, et le pourtour de quelques îles. Je détaille autour de moi quatre de ces îlots, tous à égale distance.



La première île est un petit pan de terre recouvert de sable, le reste est nu, sans autre attrait que la blancheur de son grain. Les quelques palmiers qui l'occupent sont un maigre réconfort à la solitude.

La deuxième est un volcan dont la cheminée dégage de menaçantes vapeurs. cette terre noire inhospitalière dégage encore cette chaleur et cette lourdeur d'après l'éruption.

La troisième est une forêt dense, dont on ne peut distinguer la fin. Cette inquiétante masse verte et sombre refermée sur elle-même, d'où se dégagent les hurlements de la faune et de la flore.

La dernière est un agglomérat de rocher  qui crève la surface de l'eau. Ces tranchantes pétales minérales formes une fleur aussi intrigante que dangereuse.

Il me faut faire un choix...


C'est à ce moment là qu'Abeleyn se rend compte, que dans cette forêt, il n'est pas seul. Une tension sans pareil emplit l'air alors que le sol vibre presque imperceptiblement ; de ses sens exacérbés, ils ressent la présence de quelques formes qui grouillent sous la surface de la terre. Ces choses percent la croûte sèche du sol pour se matérialiser. Comme en plein jour, Abeleyn voit apparaître les sculptures évanescentes d'un théâtre d'ombres. Des ombres. Mais si différentes de lui. Ces ombres là, personne ne veut les voir, personne ne veut les sentir. Les Mange-rêves.

Abeleyn (une histoire dont vous êtes l'associé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant