Partie 2 *** L'ÉCOLE ÉLÉMENTAIRE - ◔5mn

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D'un pas frêle, elle se déplace dans ces couloirs, observant les esquisses accrochées, les ustensiles étranges qui s'échappent des trousses d'écoliers : des feutres desséchés, des compas qui n'ont plus de centre, des crayons qui ne tracent plus rien. Tous ces objets semblent avoir perdu leur raison d'être.

D'instinct, elle se dirige vers une table où repose une feuille sur laquelle est dessinée une scène : une petite fille avec une barrette en papillon dans les cheveux, qui salue de la main depuis l'oculus d'une maison bleue. Au pied de la maison, un petit garçon lui rend son salut. Au bas du papier, on peut lire une inscription au feutre de couleur : "de Tom pour Anna".

C'est une nouvelle émotion, ou peut-être une émotion oubliée, qui passe dans le cœur de la biche. Un sentiment lui faisant frémir l'échine un instant.

Parmi les objets délaissés, une poupée de chiffon attire son attention. Bien que légèrement abîmée, elle lui paraît étonnamment familière. Elle la renifle, puis la ramasse délicatement avec sa gueule.

Quel est ce sentiment particulier qui la traverse ? De la nostalgie ? Il est semblable à l'évocation d'un passé désormais perdu.

Dans un courant d'air, la biche pressent encore cette ombre qui parcourt les couloirs. La silhouette vaporeuse semble la guider sur un chemin tout tracé.

Curieuse, elle talonne cette forme éthérée jusqu'à ce qu'elle s'arrête un instant et lui fasse face. C'est un petit garçon à l'air amical et souriant.

***

Reprenant sa course folle, il file en pas chassés comme aiment le faire les enfants. S'obstinant à le suivre, la biche en oublierait presque sa situation. Loin de sa harde, Il y a tant de dangers qui guettent une créature insouciante.

Puis ils quittent le bâtiment, la cour, la rue... Le garçonnet vole d'un trottoir à l'autre tel un danseur, entraînant la biche plus loin sur les boulevards. Il valse et bondit sur les murs, les carcasses, libre comme l'air. Son rire espiègle en échos est hypnotisant.

Le cervidé est d'un naturel craintif, pourtant, les éclats de voix semblent la rassurer. Alors, elle s'enfonce plus encore dans la ville perdue. Elle raffermit sa prise sur la poupée pour éviter qu'elle ne lui échappe pendant qu'elle franchit les obstacles. Ça ressemble de plus en plus à une partie de cache-cache, mais il ne faut pas oublier le chat perché...

Soudain, le garçon s'arrête et virevolte, pour se placer juste devant la biche. D'un doigt sur la bouche, il lui fait signe de garder le silence.

***

Surprise, elle ne recule que d'un pas et observe ce qu'il lui cache. Là, plus loin entre les bâtiments, une lynx et ses petits progressent lentement dans le brouillard. Peut-être sont-ils à l'affût ? Non, ils se promènent simplement... pourtant, il vaut mieux être prudente.

Le garçon s'en va dans leur direction, et se met à courir avec eux. Joueurs, les plus jeunes fauves poursuivent cette silhouette qui les attire à distance. Ils ne semblent pas remarquer la présence de la biche, qui tremble un peu, même une fois rassurée.

Le danger écarté, le garçon revient. Il recommence à avancer et l'invite à le suivre de nouveau ; la biche poursuit en demeurant sur ses gardes.

En le poursuivant, elle se rapproche inexorablement de ce tintement qui la tient captive depuis le matin.

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L'aurore illuminait doucement le ciel et la forêt reprenait doucement vie. La biche broutait simplement sur une colline surplombant la ville abandonnée, quand elle aperçut un jeune cerf qui jouait par là. D'abord craintifs puis curieux, se taquinant de longues minutes, avant de se lier d'amitié. Désormais plus proches, ils couraient de partout et s'amusaient comme des fous. Mais dans leur insouciance prolongée, le temps les rappela à l'ordre.

La pluie commençant à tomber à verse et l'orage à gronder, ils s'étaient séparés pour rejoindre leurs hardes respectives. Le daguet aux jeunes bois était reparti dans son coin, tandis que la biche, à peine effarouchée, avait encore envie d'herbe fraîche. Quand soudain, des notes lointaines parvinrent à ses oreilles. La musique semblait provenir de quelque part de l'autre côté des ruines. Celles-ci lui apparaissaient comme un enchevêtrement hirsute et insolite, dénaturant le paysage.

Auparavant, jamais elle n'aurait osé s'y aventurer, pourtant ces sonorités particulières l'intriguaient suffisamment pour dépasser la crainte que lui inspirait cette vision.

Et tandis que le jour se levait sur la brume éternelle, elle explorait inlassablement ce nouveau territoire.

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La biche et le garçonnet quittent le centre-ville pour se diriger vers la périphérie, là où l'espace est plus dégagé et les constructions moins envahissantes.

Bientôt, les boulevards deviennent des rues, les rues des ruelles, les bâtiments des maisons, les cours des jardins. L'espace se mue en un compromis entre l'urbain formaté et le naturel épris de liberté.

Si, au début, les boulevards étaient envahis de ronces, en progressant, les ruelles se sont couvertes de fleurs sauvages et d'arbres fruitiers croulant sous leur propre poids.

Le petit garçon danse autour des arbustes, joue avec les fleurs et l'entraîne plus loin en suivant un certain chemin.

Au bout d'une impasse, une maison aux murs azurés apparaît. Pour la jeune biche surprise, c'est comme un lieu retrouvé.

Le garçon se volatilise juste au moment où elle franchit le seuil d'un portail tombé au sol. Au-delà s'étend un jardinet d'inspiration japonaise qui n'inspire plus que l'abandon. La petite mare où s'ébattaient des carpes autrefois n'abrite plus que des têtards rampant dans le limon boueux.

La biche se hasarde dans l'allée où une épave à quatre roues attend encore... les quelques bagages entassés là annoncent un voyage avorté.

***

Elle fait un pas en arrière, surprise par un gisant.

Il n'y a là qu'un squelette et quelques oripeaux ébroués par le vent. Il semblait ramper vers le véhicule dont la portière demeure éternellement ouverte.

Une dépouille d'allure féminine repose sur le siège passager, elle tient entre ses bras un couffin, dans lequel se trouvent les restes d'un petit être ayant à peine vu le jour ; fragile esquisse d'une étoile éteinte avant même d'avoir eu l'occasion de briller.

La biche renifle ces créatures désuètes qui ne paraissent plus hostiles. Un objet curieux au poignet de l'homme attise son étonnement. Pourtant inerte, celui-ci laisse résonner un son régulier qui se répète sans fin...

[Tic, tac, tic, tac, tic, tac...] Pourtant, les aiguilles ne bougent pas.

C'est alors qu'une chose étrange se produit : le temps s'inverse...

La montre que l'homme arbore à son poignet reprend vie. Mais curieusement, elle tourne à l'envers, tout comme le ciel et la terre emportés dans un tourbillon de verre.

La scène qui se déroule est étonnante, comme si on avait inversé le cours des choses et que l'histoire se rembobinait.

C'est d'abord le fil des saisons qui reculent, l'érosion des façades. La neige, la pluie remontent au firmament. Les fruits négligents aux pieds des arbres se soulèvent puis se rattachent à leurs branches, murs et appétissants.

GA - Un xylophone sous la pluie - ◔25mnWhere stories live. Discover now