𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟑

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Je crois bien qu'un rouleau compresseur m'a roulé dessus. Ou peut-être une horde d'hippopotames sur-vitaminés. Ou les deux.

— C'était l'acte le plus stupide auquel j'ai assisté de ma vie, grogne quelqu'un à ma droite.

Je n'arrive pas à bien le voir – la seule chose qui prédomine, là, sont seulement des flashs blanchâtres qui m'aveuglent à chaque battement de cil. Ma tête me lance et, dans mon éclair de lucidité, je remue mes doigts et orteils.

Bien, ils ne m'ont pas amputés.

Une violente douleur explose dans mon corps. Mes membres me brûlent soudainement comme le ferait un millier de brasiers. Putain, j'ai littéralement l'impression de prendre feu. Ma peau est si sensible que le drap posé sur moi m'écorche comme des lames aiguisées.

— Tu m'entends ?

Mes oreilles bourdonnent. Ma peau brûle ; elle n'arrête pas. Je suis dans cette spirale infinie où j'essaie de garder en tête le peu de raison que j'ai en moi, mais mon corps se révolte.

En un coup de pied, je fais dégringoler ma couverture et, alors que mes ongles s'apprêtent à m gratter jusqu'au sang, une fraicheur soudaine s'enroule autour de mon biceps.

Je tourne la tête.

Deux prunelles marrons me scrutent, une rage à peine contenue au fond d'elles. Une petite et fine lame de doré parcourt son regard. Je n'ai jamais vu ça autre-part, et les images que j'ai examiné deux jours auparavant ne lui rendent pas hommage.

Ces yeux.
Bon sang, ces yeux.

J'ai l'impression d'être pris entre tempête et calme plat, comme si deux pôles s'affrontaient sans relâche, se mutilaient jour et nuit, la seule trêve établie étant la nuit, lorsque le noir étouffe tout.

— Tu t'es calmé ? me demande sa voix monotone, d'où l'amertume semble s'être évaporé.

Il porte toujours cette espèce de cagoule. La tête de mort, ce symbole si équivoque de la mort, semble presque flirter avec ses yeux ravagés de vie.

Je ne suis pas poète, pourtant je crois bien que je pourrais écrire mille versets rien que pour décrire ces couleurs.

— Je n'avais pas vent que mes soldats recrutaient des foutus kamikazes, grommelle-t-il en se laissant aller sur chaise.

Il écarte ses jambes. Rien qu'avec ce geste, je peux affirmer que cet homme sait jouer de son autorité. Les bras croisés, la mine sévère et sa voix rauque, le packaging total pour faire assoir sa volonté avec la seule aide de son charisme. Dommage que je n'y sois pas si réceptif.

D'un mouvement qui se veut contrôlé mais finit en queue de boudin, je me rattrape au matelas et m'assois difficilement face à lui.

Mon t-shirt en lambeaux a été remplacé par un sous-pull gris et de chaudes chaussettes m'ont été enfilés. J'essaie de ne pas lorgner sur mon cargo, qui lui aussi a été remplacé par un treillis grisé inconfortable.

— C'est toi qui m'as changé ? je réplique avec un air de défi. Le spectacle a été à ton goût ?

V ne bronche pas.

— Je n'ai pas l'habitude de désaper des hommes. Et ça n'a pas commencé avec toi, finit-il par me répondre en s'éclairant la gorge.

D'un œil désintéressé, il fixe mon corps tremblotant.

— Où suis-je ? je lui demande finalement.

— Dans l'infirmerie, évidemment.

— Comment je suis arrivé là ?

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