Chapitre 3 : Le port

3 0 0
                                    

Caterina - Miami

Assise à l'arrière de la voiture, je tapote nerveusement du bout des doigts le cuir noir, le regard fixé sur les palmiers qui défilent à l'extérieur. La lumière crue des lampadaires éclaire fugitivement la rue, rendant l'atmosphère presque irréelle. Pourtant, mon esprit est à mille lieux de Miami. Une seule image me hante depuis que j'ai quitté Bulk : lui, Dean. Ou plutôt, Voldemort, comme je m'efforce de l'appeler dans ma tête. Chaque fois que je pense à lui, un frisson me parcourt, mélange de peur, de colère, et de quelque chose que je refuse d'analyser.

Ricardo conduit en silence, mais je sens son regard furtif sur moi dans le rétroviseur. Il n'a rien dit depuis notre départ, mais je sais qu'il ne tardera pas à poser la question qui flotte dans l'air. Ce silence est familier pour lui, celui que je garde quand je suis sur le point de me briser. Finalement, il rompt le calme, d'une voix douce mais ferme.

— Caterina, tu veux me dire ce qui s'est passé à la salle ? Ce Conrad t'a mis hors de toi, j'ai compris, mais il n'y a pas que ça, n'est-ce pas ? Je peux le tuer d'ailleurs lui, si tu veux.

Je détourne les yeux de la fenêtre, m'efforçant de ne pas croiser son regard. Je me connais trop bien. Si je commence à parler de lui, si je mets des mots sur ce que je ressens, tout va déraper. Mais je ne peux pas cacher ce qu'il a vu dans mes yeux. Je finis par céder, ma voix à peine plus forte qu'un murmure.

— Je l'ai vu, Ric. Il était là, bien vivant. 

Le silence retombe lourdement. Je ne le regarde pas, mais je sais ce que ces mots provoquent chez lui. Je devine la tension dans ses épaules, ses doigts crispés sur le volant. Ricardo sait ce qu'il signifie pour moi. Il comprend pourquoi le simple fait de le voir a fait remonter des souvenirs que j'ai enterrés depuis des années.

— Dean ? finit-il par demander, sa voix tendue comme une corde sur le point de céder.

Je hoche la tête, incapable de prononcer son véritable nom.

— Oui. Il était là, dans cette foutue salle. Je ne comprends pas ce qu'il faisait là, mais ça ne présage rien de bon.

Ricardo reste silencieux un instant, son regard fixé sur la route comme s'il cherchait des réponses à m'apporter. Je sens qu'il pèse ses mots, toujours calculateur, toujours en train de réfléchir à la meilleure façon de gérer la situation. Il finit par soupirer lourdement.

— Tu savais que ce jour viendrait. Tu ne peux pas le fuir éternellement. Il est ici depuis longtemps, mais ce n'est pas un hasard si tu tombes nez à nez avec lui, effectivement.

Son ton est implacable, mais je détecte une pointe de réticence dans sa voix. Il sait que Dean est une menace. Ce n'est pas un ennemi, pas seulement un obstacle à éliminer. C'est un secret qui, s'il venait à être révélé, pourrait tout détruire. Tout ce que j'ai construit, toute la protection que j'ai érigée autour de mon identité, volerait en éclats.

— Je sais, Ric, je sais... Mais pas maintenant. Je ne peux pas me concentrer sur lui tant que La Rocca est dans les parages. Si Dean découvre qui je suis réellement et ce que je fais ici, ce sera la fin. Pas seulement pour moi, mais pour tout ce que nous avons bâti.

Je tourne enfin la tête vers lui, espérant qu'il comprenne. Il me lance un regard furtif, puis acquiesce lentement. Il sait que j'ai raison. Nous avons un empire à défendre, et pour l'instant, Dean doit rester un problème en suspens.

Et puis mon père me tuerait probablement, pour trahison.

Nous continuons le trajet en silence, laissant la tension s'épaissir comme un nuage orageux prêt à éclater. Une confrontation que je redoute mais que je ne peux plus repousser. Le simple fait qu'il soit là, désormais devant moi, change tout. Le passé que j'ai essayé de fuir est sur le point de me rattraper.

EspositoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant