Let me in

Encuentro

= Rencontre

L'ambiance au sein de ces couloirs est horrible.  Les murs craquelés, les ampoules diffusant une insupportable lumière jaune, les tintements des menottes et tous les autres bruits environnants me donnent des frissons.  Être capable de séjourner dans ces lieux est surhumain.  La simple vision d'une prison devrait dissuader des personnes de passer à l'acte.  Et pourtant beaucoup n'y pensent pas.  Certes, je trouve l'endroit repoussant, j'ai du mal à chaque fois que je m'y aventure mais une grande partie de mon boulot se trouve ici.  L'habitation de centaines de résidents n'abrite pas que des criminels.  La justice a elle aussi des failles.  On sait tous que certaines personnes sont victimes de coups montés, ce qui leur vaut un petit séjour en enfer avec un sentiment extrême d'injustice.  Je suis apparemment là pour l'un d'entre eux.  J'ai hâte de me faire mon propre avis sur le sujet, desceller le vrai du faux est un de mes jeux préféré.

Après les différents points de contrôle, j'arrive enfin à la salle de rencontres.  C'est ici que les avocats rencontrent leurs clients.  Ça me fait un drôle d'effet de me retrouver ici sans mon ancienne maître de stage.  Mais il faut passer par toutes les « premières fois » pour être une bonne avocate si pas la meilleure.  J'avoue, j'ai un faible pour viser l'excellence car au pire, j'atteindrai les étoiles*.

Plus les minutes passent et plus mon appréhension augmente.  Le stress se fixe à mes globules rouges pour arpenter chacun des vaisseaux traversant mon corps.  La peur de ne pas être à la hauteur s'invite à ce beau mélange et je commence à me poser toutes les questions existentielles de ma vie. 

Heureusement ma raison revient à la charge, je me remémore les raisons de ma présence ici.  J'inspire un bon coup et comme pour contrer mon propre cerveau, je pense à toutes les choses positives de ma vie, famille, amis, travail, ...  Après un long souffle d'expiration je pose mes mains sur la table en m'adressant à voix haute à mon corps que je suis prête.  Plus rien ne me fera peur dorénavant, je ne serai plus tétanisée à l'idée d'expérimenter de nouvelles choses.  Au pire des cas, mon interlocuteur me prendra pour une débutante et le sujet sera clos.  Il n'y a pas d'échec, que des tremplins vers une meilleure réussite.  J'ai enfin réussi à convaincre mes méninges que les choses ne sont pas si dramatiques qu'elles pourraient paraître, mes mains ne tremblent plus tant, ma vision s'éclaircit et j'ai moins la nausée qu'il y a quelques minutes.

Je n'ai de toute façon plus l'occasion de m'enfuir, les bruits de serrures m'indiquent que mon client est là.  Je me lève, essaie d'arranger mon apparence et espère intérieurement que tout se passe bien.  Quelques instants plus tard mon client entre en scène.  Le voilà.  Pedro Sanchez.  Nonchalant à souhait et dépité à en mourir.  Il entre tel un bon maître des lieux.  Intriguée, j'essaie d'épier chacun de ses faits qui pourrait m'aider à me construire un avis sur la personne qu'il incarne.  Le reste de mes pensées négatives ont été réduites à néant dès l'instant où je l'ai vu.  Je le regarde et pourtant je ne le vois pas, comme un voile qui vient de se poser sur mes yeux.  Ma volonté à faire de mon mieux m'emmène à des kilomètres de l'endroit dans lequel je suis.  Mon cerveau, lui, est entièrement dirigé vers l'accusé, du moins sur les dizaines de questions le concernant.  Je commence à me perdre dans ma cogitation espérant pouvoir y desceller des réponses, j'en oublie le principal concerné.

Il avance sa main vers mon visage, frictionne son pouce et son majeur créant ainsi le son qui me ramène sur place.  Il enchaîne avec beaucoup d'assurance mais surtout énormément de dédain et une pointe d'arrogance.

-        Vous êtes sûre que c'est votre métier ? 

Je le vois en train de me regarder avec jugement.  Mon silence a eu un effet sur ce Pedro, mais pas un bon.  A en croire mes cours de psychologie, je pencherai sur de l'exaspération.  Le brouillard qui était sur mes yeux se dissipe peu à peu et j'arrive enfin à dessiner un portrait à cet homme.