04 | volutes grises

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une heure passée

Taehyung regagna son salon d'un pas précipité, où son paquet de cigarettes l'attendait depuis, posé sur le bord du canapé cuivré. Elles l'appelaient, prêtes à envahir ses poumons, à supprimer toutes traces de cette altercation qui continuait d'échoir dans un coin de son esprit.

Sans y penser, il en attrapa une, glissant la tige entre ses croissants de chaire gercées. L'étincelle de son briquet jaillit.
La flamme se dressa, embrasa le bout du cylindre.

Et la fumée monta.

Il tira une longue bouffée, l'air ailleurs. Il cherchait sans cesse l'apaisement dans la brûlure.

Des volutes grises s'échappèrent par degrés
de sa bouche, serpentant haut dans la pièce, tandis qu'il se laissait consumer par
l'illusion d'un soulagement. Ses poumons se tordaient à sa place, compressés par le
poids qu'il refusait de porter.

Le silence s'alourdit un instant avant qu'il
ne ferme les paupières, laissant ses
pensées vagabonder là où elles n'auraient
pas dû.

Sur ce livreur, sur ce regard éteint, ce
cette peau de soie, ce sourire vide de joie.

Un réflexe, se disant instinctif, l'avait poussé à lire les mots inscrits sur la boîte à pizza plutôt. Gogi's Pizza, gravé en lettres dactylographiques penchées, ce détail était empli d'insignifiance. L'était-il ? Pourtant, son esprit s'y agrippait. Il cherchait un sens là où il n'y en avait pas. Pourquoi avait-il choisi de capturer ce détail ?

Le souffle court, il porta la cigarette à lui, les yeux rivés sur le vide. Le poids qu'il portait n'était pas lourd, pas vraiment, mais l'espace qu'il lui laissait pour respirer semblait si mince qu'il en avait l'impression.

Il ne savait pas pourquoi l'envie de pleurer montait. Il le voulait simplement. Mais il
savait qu'il ne pouvait pas.

Parce que pleurer, c'était céder. C'était admettre que la marée montait, que ses
jambes s'affaiblissaient, que le rivage s'éloignait un peu plus après chaque
battement de paupières.

Alors il tirait encore. Encore. Jusqu'à ce que
le goût de cendre lui brûle la gorge. Le
vertige le saisit doucement. Sa tête tournait, ses oreilles bourdonnaient, et ce froid, omniprésent, semblait tout avaler, lui y compris. Il était submergé par la sensation
de quelque chose qui s'effrite à l'intérieur. Il
se voyait là-bas, loin,
pris par des vagues.

Le rivage était loin.

Non. Pas un rivage. Juste le carrelage
froid sous ses genoux, avant qu'il ne
s'effondre d'un coup.

La réalité, après tout, était
juste ce sol glacé.

**

« Tae ! Merde... tu m'entends ? S'il te plaît, bouge un doigt, fais quelque chose ! implora Jimin, sa voix brisée, tandis que ses mains tapotaient le corps de Taehyung pour
trouver le moindre signe de vie. »

Livré sans réponse, le blond se précipita vers la petite cuisine, où régnait la noirceur. Tout l'appartement de Taehyung semblait
englué dans cette sorte de semi-obscurité,
à peine effleuré par la lumière orangée des lampadaires filtrant à travers les volets
mal fermés.

le livreur | tkOù les histoires vivent. Découvrez maintenant