Tw : transphobie, drogue, alcool, péd*philie.
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Je n'avais plus personne à qui dire "je t'aime".
Ma relation avec mon frère était devenue trop tendue pour ce genre de marques d'affection, surtout depuis qu'il avait rencontré ses nouveaux amis.
Quand nous étions plus jeunes, c'était possible de s'entendre malgré nos différends. On se disputait parce qu'il y en avait un qui avait, à vue d'œil, un millilitre de jus de pomme en plus ou parce que l'un voulait jouer aux petits soldats tandis que l'autre préférait les Bratz, rien de très grave. Mais au lycée, faire abstraction de nos divergences était devenue trop compliqué.
Mon frère a traversé une période compliquée et sa première rupture amoureuse n'a pas aidé . Il s'est réfugié dans le sport. Ce n'était pas une mauvaise chose en soi, mais il disait être motivé par l'idée de perdre du poids pour reconquérir celle qui lui avait brisé le cœur.
Finalement, ils ne se sont jamais remis ensembles. Et temps mieux, d'ailleurs !
Avec le temps, mon frère s'est pris de passion pour la musculation. Progressivement, il ne jurait que par ça et se montrait même insultant envers ceux qui n'en faisaient pas. Il insistait pour que je me mette au sport aussi, convaincu qu'il savait que c'était le mieux pour moi. Sauf que le sport, je déteste ça. À part le basket au collège, parce que j'étais un des plus grands et qu'il me suffisait de lever le bras pour intercepter la balle.
Cette période coïncidait avec l'arrivé de deux nouveaux amis fraîchement débarqués au lycée. Leur mentalité ne collait pas du tout avec la mienne, et j'ai vu celle de mon frère changer aussi, alors que notre relation était déjà fragile. Il a développé une vision toxique de la virilité, bien différente de la mienne, disant que les hommes ne pouvaient pas pleurer et que ce monde se divisait entre les forts et les faibles.
Ses discours sont devenus très problématiques et conservateurs. Il rejetait, par exemple, la gestation pour autrui ( GPA ) et qualifiait la transidentité de maladie mentale. Selon lui, la prise d'hormones était malsaine et il définissait les opérations de réassignation de genre comme des "charcuteries" qui ne devraient pas avoir lieu, pensant que c'était le mieux pour ces personnes, ignorant sans doute l'impact de la dysphorie de genre.
Moi, je n'étais pas transgenre, mais je savais ce que c'était, grâce à Click, que j'avais rencontré en seconde. Il avait d'ailleurs quitté le lycée pour poursuivre ses cours en Allemagne. Entre temps, j'avais pu en apprendre d'avantage et j'étais bien renseigné sur la transidentité. Alors entendre mon frère tenir ce genre de propos me mettait très en colère. Comment pouvait-il détester des gens qui ne lui avaient rien fait, qui voulaient simplement vivre leur vie ? C'était si injuste.
Notre relation s'est dégradée encore davantage, lorsqu'il s'est mit à fumer et à boire entre les cours. Je me souviens du jour où il m'a demandé mon déodorant pour masquer l'odeur de beuh sur son sac, ou de cette fois où quelqu'un m'a dit :
- Ton frère est arrivé bourré en classe et a vomi dans la poubelle.
J'étais inquiet pour lui. Son comportement avait changé, sans que je ne sache pourquoi. Il commençait à devenir agressif avec tout le monde, menaçant même de me frapper.
- Ne me parle pas comme ça.
- Si je te parle mal, c'est parce que tu me parles mal. C'est donnant-donnant.
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Un Journal Intime Pas Très Intime
Non-FictionL'autobiographie d'un petit gars en galère pas si petit que ça. Queer, et autiste, j'ai réuni tous les carnets anecdotiques que j'ai écrit durant mes années de lycée afin de rédiger cette autobiographie. Plusieurs thèmes abordés : multiplicité, dép...