Le choix : L'amour ou le devoir

Prologue

Harper

Il est 14 h 30, l'heure où je suis censée le voir. Je ne me serais jamais imaginée ici, allongée dans un lit d'hôpital, priant chaque jour que tout cela ne soit qu'un cauchemar. Mais non, la réalité est implacable. L'homme dont j'étais éperdument amoureuse m'a brisée de toutes les manières possibles, et comme si cela ne suffisait pas, il a tenté de me tuer. Je n'oublierai jamais ce jour au bord de la falaise. Il voulait me rayer de la carte, faire comme si je n'avais jamais existé, alors que, paradoxalement, c'est en partie grâce à moi que les choses sont revenues à la normale. Jamais je n'aurais cru cela possible venant de lui...

- Bonjour Harper et désolé pour le retard. J'espère que tu vas mieux.

Je n'avais même pas senti la présence du médecin, ni entendu la porte s'ouvrir.

- Vous repensez encore à votre accident ? Vous avez eu beaucoup de chance madame. Je ne sais toujours pas ce qui vous est passé par la tête de sauter d'une falaise. J'aimerais bien connaître celui ou celle qui vous a emmené ici.

- Moi aussi.

- Sans doute pour remercier cette personne je suppose.

- Vous rigolez ? Elle m'a fait laisser filer la seule opportunité que j'avais d'oublier tout le chagrin qui me rongeait. Je déteste cette personne de tout mon être. Je lui dirais ma façon de voir les choses pour qu'il comprenne que tout le monde ne veut pas être sauvé.

- Mais qu'est-ce qui vous a poussé à vouloir mettre fin à vos jours ? Et encore plus dans votre état ?

- Quel état ?

Le médecin fut de suite gêné, comme s'il avait commis la plus grosse connerie de sa vie. Il arrangeait le col de sa chemise comme s'il faisait très chaud, pourtant nous sommes à 20 degrés Celsius, d'après la météo. Il y a un truc qui le dérange et curieuse comme je suis, je veux savoir.

- De quoi parlez-vous ?

- Rien ! Vraiment Rien du tout. Revenons à vous. Votre état est certes stable, mais vous ne pourrez pas encore sortir. Et puis ce serait une bonne chose de libérer ce poids qui pèse sur votre conscience depuis peu. J'ai senti votre colère quand j'ai parlé de la falaise. Ce serait un bien d'en parler vous savez ?

Je lève les yeux vers le plafond, fixant les néons blafards de la chambre. Parler ? À quoi bon ? Cela ne changerait rien à ma situation. Ce poids sur ma conscience, comme il dit, est ancré bien plus profondément qu'il ne peut l'imaginer.

- Ce qui pèse sur ma conscience, docteur, ce n'est pas seulement la falaise ou ce qui s'est passé là-bas. C'est bien plus complexe que ça. Vous ne comprendriez pas.

Il soupire légèrement, croisant ses bras, et s'appuie contre le mur, visiblement prêt à insister.

- Vous seriez surprise de ce que je peux comprendre, Harper. Vous savez, j'ai entendu des histoires que vous ne croiriez même pas. Mais je ne peux pas vous forcer. Par contre, si vous ne voulez pas parler, pourquoi ne pas écrire ?

J'éclate d'un rire sec, presque moqueur.
Écrire ? Vous pensez que gribouiller quelques lignes dans un carnet va effacer tout ce qui m'est arrivé ? Ça ne sert à rien.

- Peut-être que ça ne changera rien à ce qui s'est passé, mais ça pourrait vous aider à avancer. Une sorte de catharsis, comme disent les psy. Et puis, qui sait ? Vous pourriez même découvrir des choses sur vous-même.

Je secoue la tête, toujours aussi sceptique, mais ses paroles continuent de résonner dans mon esprit. Écrire... Cela faisait des années que je n'avais pas posé mes pensées sur papier. Avant que tout ne dérape. Avant lui.

- Écoutez, Harper, je ne suis pas là pour vous juger. Je veux juste vous aider. Si vous changez d'avis, je suis là. Mais pour l'instant, reposez-vous. Vous en avez besoin.

Il esquisse un sourire presque compatissant, puis quitte la pièce, me laissant seule avec mes pensées.

Mon regard dérive vers la petite table de chevet où repose un carnet que je n'avais même pas remarqué avant. Peut-être qu'il l'a laissé là exprès. Je tends la main, hésitante, puis m'empare du carnet.

Sur la couverture, une simple inscription attire mon attention :

"Tout commence par une première page."

Je l'ouvre lentement, le stylo tremblant dans ma main. Écrire ? Très bien. Mais pas pour guérir. Je vais tout raconter. Tout ce qui s'est passé. Chaque détail de ce cauchemar. Si je dois porter ce poids, autant qu'il serve à quelque chose.

Et alors, je commence...