Chapitre 41

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my eternal sunlight

Nelson

"Hostage - Billie Eilish"

Les néons des urgences diffusaient une lumière crue et impitoyable, rendant l'attente encore plus insupportable. Je suis assis sur l'un des bancs en plastique, le regard rivé sur le sol, mes jambes tremblantes et mes mains moites serrées autour d'un gobelet de café tiède que je n'ai pas touché. Mon père est à côté de moi, son visage fermé, tendu. À sa droite, Fiona fait les cent pas. Ses talons résonnent faiblement sur le carrelage, chaque pas un écho de l'angoisse qui pèse sur nous.


Cela fait des heures que Finn est au bloc opératoire. Des heures à attendre des nouvelles, à retenir mon souffle à chaque fois qu'un médecin passe dans le couloir. Le silence est lourd, ponctué seulement par le bourdonnement des machines et les murmures des autres patients et familles.Personne n'ose dire un mot. À un moment, Fiona s'est arrêtée devant moi, ses yeux rougis par les larmes.


— Il est fort, Nelson. Il s'accrochera, a-t-elle dit d'une voix rauque.


Je n'ai pas su quoi répondre. Mon esprit est encore coincé sur cette dernière image de Finn, étendu, inconscient, son visage aussi pâle que les draps sur lesquels il reposait.
Puis, enfin, le chirurgien est apparu. Un homme d'une cinquantaine d'années, portant une blouse immaculée. Ses traits sont marqués par la fatigue, mais son regard reste calme, professionnel. Il s'est avancé vers nous, et nous nous sommes tous levés d'un bond, le cœur battant à tout rompre.


— Monsieur et Madame, dit-il en inclinant légèrement la tête. Vous êtes la famille de Finn ?
— Oui, c'est mon fils, répondit Fiona d'une voix tremblante. Est-ce qu'il va... ?
Elle n'a pas pu finir sa phrase. Le chirurgien a pris une inspiration mesurée avant de parler.
— Finn est stable pour le moment. Nous avons réussi à contenir la crise immédiate, mais il était dans un état critique. Nous l'avons littéralement sauvé sur le fil.
Un soulagement temporaire m'a envahi, mais il s'est dissipé presque aussitôt lorsqu'il a continué.


— Cependant, nous avons découvert une situation plus grave. Finn a des métastases dans le cerveau. Elles sont nombreuses et étendues.


Le mot métastases s'est abattu sur nous comme une sentence. Fiona porta une main tremblante à sa bouche, étouffant un sanglot. Mon père, habituellement impassible, a baissé la tête, son regard fixé sur le sol.


— Quelles sont les conséquences ? ai-je demandé d'une voix faible, redoutant la réponse.
Le chirurgien a croisé mes yeux, un mélange de compassion et de gravité dans son regard.
— Les métastases cérébrales peuvent causer une série de symptômes graves : des pertes de connaissance, des amnésies temporaires ou permanentes, des troubles de la motricité, voire des convulsions. Cela dépendra de leur évolution et des zones du cerveau qu'elles affecteront. Pour le moment, nous avons stabilisé son état, mais...
Il marqua une pause, laissant le poids de ses mots se poser.
— Les métastases ne se limitent pas au cerveau. Elles se répandent dans d'autres parties de son corps. Nous voulons essayer une chimiothérapie dite "de la dernière chance". Elle est agressive, mais c'est peut-être notre seul espoir de ralentir la progression.
Un silence accablant s'installa, brisé seulement par les sanglots de Fiona. Je me suis senti envahi par une douleur sourde, une impuissance écrasante. Mon père posa une main sur mon épaule, un geste rare de réconfort.


— Quels sont les risques ? demanda-t-il, sa voix grave et posée.

Le chirurgien soupira doucement.
— La chimio de ce type est éprouvante. Finn sera très affaibli, et les effets secondaires peuvent être nombreux : nausées, perte de cheveux, fatigue extrême. Mais sans cela, les métastases continueront à progresser, et... il ne lui restera pas beaucoup de temps.
Je me suis senti vaciller. Tout semblait flou, comme si le sol se dérobait sous mes pieds. Finn avait frôlé la mort aujourd'hui, et même si on venait de le ramener à la vie, le chemin qui nous attendait semblait être une lutte constante contre une ombre grandissante.


— Faites ce qu'il faut, ai-je murmuré, les poings serrés. On fera tout ce qu'il faut.
Le silence qui suivit les paroles du chirurgien semblait interminable. Fiona, les yeux baignés de larmes, se tourna vers lui, sa voix tremblante mais empreinte de détermination.
— Est-ce qu'on peut le voir ? demanda-t-elle doucement.
Le chirurgien réfléchit un instant, puis hocha la tête.
— Oui, mais seulement pour quelques minutes. Finn est encore très faible. Il a besoin de repos pour se stabiliser davantage avant de commencer tout traitement.


Fiona murmure un remerciement, sa voix à peine audible. Nous avons suivi le médecin dans un couloir, nos pas résonnant faiblement sur le carrelage. L'odeur aseptisée des urgences me donnait la nausée, ou peut-être était-ce simplement la peur qui me tordait l'estomac.


Il nous conduisit à une petite chambre, où Finn reposait, branché à plusieurs machines. Les bips réguliers du moniteur cardiaque résonnaient doucement, une cadence rassurante dans cette atmosphère oppressante. Quand j'ai posé les yeux sur lui, mon cœur s'est serré.
Finn semblait presque méconnaissable. Sa peau, déjà pâle de nature, avait pris une teinte cireuse sous la lumière artificielle. Ses yeux étaient à peine ouverts, et son corps semblait fragile sous la couverture blanche qui le recouvrait. Le pull que je lui avais donné plus tôt avait été retiré, remplacé par la blouse d'hôpital, et ses bras maigres portaient des traces récentes de perfusions.


Fiona s'approcha en premier, s'asseyant doucement à ses côtés. Elle prit sa main dans la sienne, ses doigts caressant doucement sa peau froide.


— Mon chéri, murmura-t-elle, sa voix brisée. On est là, avec toi.
Finn cligna des yeux faiblement, tournant légèrement la tête vers elle. Ses lèvres bougèrent, mais aucun son ne sortit au début. Finalement, dans un souffle à peine audible, il murmura :
— Maman...


C'était un mot si simple, mais qui contenait toute la fragilité du monde. Fiona essuya ses larmes d'un geste rapide, essayant de rester forte.
Je m'approchai à mon tour, m'asseyant de l'autre côté du lit. Finn tourna les yeux vers moi, et un faible sourire effleura ses lèvres.


— Hé... murmurai-je doucement. T'as encore trouvé le moyen de me faire flipper.
Il émit un léger rire qui ressemblait plus à un souffle, mais il y avait une lueur fugace dans ses yeux. Une lueur qui disait qu'il était encore là, malgré tout.
Le chirurgien s'avança alors, son ton professionnel mais teinté de douceur.
— Finn, il faut qu'on discute rapidement de la suite, dit-il en s'accroupissant légèrement pour être à hauteur de son regard.
Finn cligna des yeux lentement, indiquant qu'il l'écoutait.
— Nous avons découvert des métastases dans ton cerveau, expliqua le médecin. C'est sérieux, mais nous avons un plan. Nous voulons commencer une chimiothérapie plus forte dès demain après-midi. Cela pourrait ralentir la progression des métastases et nous donner du temps. C'est un traitement lourd, mais c'est notre meilleure option.
Finn resta silencieux un moment. Ses yeux semblaient chercher un point fixe sur le plafond, comme s'il pesait chaque mot. Puis, finalement, il tourna lentement la tête vers le médecin.
— Faites-le, murmura-t-il, sa voix à peine audible mais déterminée.
Fiona serra un peu plus sa main, et je posai la mienne sur son avant-bras, un geste discret de soutien. Le chirurgien hocha la tête, visiblement satisfait de cette réponse.
— Très bien. Nous allons te préparer demain matin. Ce soir, repose-toi. Tu as besoin de toutes tes forces.
Finn ferma les yeux un instant, ses cils fins tremblant légèrement. Il semblait déjà à bout, comme si chaque mot prononcé drainait un peu plus d'énergie de son corps.
— Merci... d'être là, souffla-t-il finalement, sans rouvrir les yeux.
— Toujours, répondis-je immédiatement, ma gorge serrée.


Nous sommes restés là quelques minutes de plus, chacun essayant de transmettre par sa présence une force silencieuse. Finn semblait dériver entre des éclats de conscience et une somnolence profonde. Puis le chirurgien revint pour nous rappeler doucement qu'il avait besoin de repos.
Fiona embrassa son front avant de se lever, et je lui serrai doucement la main une dernière fois. Avant de poser mes lèvres sur les siennes


— À demain, murmurai-je, même si les mots me brûlaient. C'était comme lui promettre un lendemain incertain, un pari contre l'inconnu. 


— Je t'aime my sunlight.
— Je t'aime mon étoile.


En quittant la chambre, je jette un dernier regard par-dessus mon épaule. Finn est déjà endormi, son souffle léger et fragile comme une feuille battue par le vent.

Fading lights [ TERMINÉ ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant