Lettre 8

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Théo,

Je n'ai jamais eu le goût de dessiner, enfin plus que les gribouillages ordinaires disons. Baptiste disait que ce n'était pas vrai et que je m'en étais seulement convaincue, car je ne savais pas dessiner. J'envisage toujours l'un comme l'autre.

Le fait est que cet après midi j'ai été attirée par la blancheur des feuilles sur mon bureau. J'ai donc pris mon crayon et ... je suis tombée en arrêt devant la surface sans défaut. Je ne sais pas combien de temps je suis restée immobile simplement à regarder ce morceau de papier, j'ai l'impression de ne plus supporter les surfaces uniformément blanches. La pureté immaculée n'existe pas. Il m'est impossible de croire qu'elle puisse naturellement exister quand tout ce que j'aurais pu croire pur m'apparaît comme ne pas l'être un instant plus tard. La neige peut sembler pure mais en se penchant un peu, on remarque des impuretés et elle ne tarde pas à devenir une boue sale. On dit aussi les âmes des enfants sont pures, tout comme les sentiments tels que l'amour ou l'amitié. Cela aussi est erroné. Les enfants sont touchés par notre société qui laisse son empreinte crasseuse sur leur innocence et, oh, les sentiments, parlons-en ! Je ne connais nulle amitié ou relation qui ne soit pas entachée par un mensonge, une tromperie, une trahison ou que sais-je encore. Notre amitié n'est pas différente non plus. Je t'ai déjà menti, et toi aussi tu m'as menti. Notre amitié a été entachée, peu importe que nous nous soyons pardonnés ou que notre amitié ait été plus forte que jamais. Tu n'étais pas parfait non plus et tu l'acceptais, le montrais et le revendiquais même. Mais tu es de loin la personne la plus pure que j'ai jamais rencontrée, et cette pureté, cette âme rayonnante, a été ternie par la mort.

J'ai froissé les feuilles, serré le crayon tellement fort dans ma main que je m'en suis fait mal. Et j'ai pleuré. Je me suis effondrée. Penser à toi, à ton âme, si lumineuse, qu'elle éclairait ceux qui étaient près de toi comme un soleil. Penser au bonheur que c'était, d'être simplement près de toi, de voir ton petit sourire en coin quand tu me taquinais. Tant de choses. J'en dis si peu. Mais tu sais. Toi tu sais. Je pense que je pleure encore, mais je ne le sens plus.

Pardon, Théo, mon soleil.

Céline

Quand j'irai sur ta tombeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant