Chapitre 1 - Maîtresse de nos peurs

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« Ô doux enfant, bel enfant,
Toi que je convoitise tant,
Prends le chemin sur lequel te mène le destin
Et accepte enfin ma main. »

La nuit est tombée depuis quelques heures maintenant, laissant place à la vie nocturne. Elle s'est vêtue de son manteau de noir, elle a englouti le paysage et l'a saupoudré de poussière de charbon. Elle a tenté de noyer la ville dans ce tourbillon incolore, avec succès.

La pénombre se fait oppressante. Plus rien n'est blanc, plus rien n'est bleu. Les magasins nocturnes ouvrent grand leurs portes. C'est à ce moment-là que la face cachée dans cet endroit urbain se dévoile. Les bars, les discothèques, ainsi que les endroits destinés aux mal-aimés s'en donnent à cœur joie.

Les volets des bâtisses sont clos, de rares voitures roulent sur les plus petits chemins. La nuit respire, elle fait craquer son corset de suie, dévoilant ainsi chacun de ses défauts. Elle se sent libre, elle l'est, elle respire, elle prend possession de son aire de jeux. Elle rappelle aux gens le côté sombre de leur vie, à quel point ils sont minuscules face à elle. Ce soir, c'est elle qui décide. Car c'est elle, la maîtresse de nos peurs.

Des étoiles rebelles scintillent de milles feux, et pourtant aucune d'entre elles ne veille sur lui. Il marche doucement, la main gauche frigorifiée enfouie dans la poche de son manteau et le menton caché dans le col. La lune a un teint pâle, elle est légèrement camouflée par des nuages noirs anthracites. Il porte la cigarette entamée qu'il tient entre les doigts à sa bouche et aspire une bouffée de nicotine dans ses poumons. Un petit nuage de fumée gris s'étale dans l'air sur quelques centimètres puis disparaît dans l'obscurité. Il lève ses yeux au ciel afin de mieux observer les milliers de petites lumières. Il a beau les observer chaque jour pendant des heures, il ne s'en lasse pas.

Car chaque jour, une nouvelle étoile apparaît, elle trouve une personne sur qui veiller, et s'occupe de son heureux élu jusqu'à la fin de ses jours. Mais, chaque jour, des étoiles disparaissent aussi, ainsi que leur élu.

La sienne s'est éteinte depuis bien longtemps.

Des phares de voiture l'éblouissent. Un véhicule freine à sa droite et descend la vitre du passager avant. Il arrête de marcher et sort la main gauche de sa poche. Il soupire fortement et laisse tomber sa cigarette au sol. Il l'écrase avec le bout de sa chaussure avant de poser son regard sur le conducteur de la voiture. Celui-ci laisse apparaître un léger rictus et regarde autour de lui avant de débloquer la portière du passager avant.

- Monte, lui ordonne-t-il froidement.

Sa main se pose sur la poignée et il ouvre la portière pour s'assoir sur le siège avant. L'intérieur sent fortement l'alcool.

Il scrute le tableau de bord en cuir brun et frotte le bout de ses doigts. Le conducteur mâche bruyamment son chewing-gum et le scrute avant de poser sa paume sur sa jambe.

- On va chez moi, dit l'homme la voix grave.

Il pose son regard sur l'horizon et hoche doucement la tête. Qu'il aille où il veut.

Il enlève son manteau de laine feutrée et le dépose sur son côté droit. Il entend l'homme verrouiller les portes du véhicule. Sa main vient s'installer sur le volant en cuir de luxe. Il clôt ses paupières.

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Son regard est captivé par la route. Le silence s'est installé. Il ne fait rien pour le briser. Il trouve cela inutile. Il ne sait pas quoi lui dire, il ne veut pas lui parler. L'homme semble le remarquer.

- Tu es fort silencieux aujourd'hui. Enfin... tu n'es pas de nature bavarde en temps normal, mais tu es particulièrement calme en ce moment. Ça ne va pas fort ?

Journal d'un papillon de nuit [TOME 1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant