Chapitre 2 - Au fer rouge

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« Capricieux, doux enfant,
Viens donc avec moi jusqu'au bout des champs
Ne regarde pas derrière toi
Car la nuit te rattrapera. »

Il a l'impression que la nuit se moque de lui, à l'encercler ainsi. Il marche les yeux fermés, le dos plié par la douleur. Une larme s'échappe du coin de son œil. Sûrement a-t-il l'air d'un fou, à pleurer et à rire en même temps. La lune est désormais bien haute dans le ciel, et comme toujours quand il est triste, il observe les étoiles. Une, dix, vingt, trente, quarante, elles y sont par millier. Baekhyun les admire pour leur courage. Même si elles ont disparu depuis bien longtemps, elles arrivent encore à briller sans se soucier de ce qui les entoure. Peu importe ce qui leur arrive, elles scintillent jusqu'à leur dernier souffle.
Il aimerait tant pouvoir faire de même.

- Jeune homme ? Vous allez bien ? Que vous est-il arrivé ?

Il se tourne vers le jeune couple qui l'observe. Ils se tiennent devant leur voiture et ont la mine extrêmement inquiète. L'homme fronce les sourcils, sa petite amie tient fermement son bras. Ils lui rappellent ses parents quand ils étaient plus jeunes.
Un énorme nœud se forme alors dans sa poitrine, et cette fois-ci, il ne peut retenir ses larmes de couler en abondance.

- Je ne sais pas ! crie-t-il. Je ne le sais pas, je n'en peux plus... Je n'en peux vraiment plus...

Sentant ses dernières forces le quitter, il s'accroupit et cache son visage souillé par les larmes salées entre ses bras. Son corps est secoué par ses sanglots. Il doit sûrement être horrible à voir. Il se répugne.

- Vous voulez de l'aide ? Vous voulez qu'on appelle une ambulance ?

Il ne sait plus quoi penser. Son corps est tellement douloureux, sa vue est brouillée, ses pensées aussi.
Il se lève d'un coup. Hors de question qu'il se retrouve à l'hôpital, les frais sont beaucoup trop chers pour lui et il ne peut pas se permettre de ne pas travailler le temps qu'il se repose.

- Laissez-moi, je vous en prie, ce n'est rien... murmure-t-il pratiquement avant de s'en aller en courant, les pans de son manteau flottant dans le rythme saccadé du vent.

Il s'en remettra, tôt ou tard, quand tout cela s'arrêtera. Oui, c'est cela, quand tout s'arrêtera.
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Lorsqu'il arrive enfin chez lui, un appartement d'une pièce qui ne lui appartient même pas, il se débarrasse immédiatement de son manteau et jette ses vêtements tachés de sang dans un panier à linge. Son corps ainsi dénudé, il se dirige vers la petite salle de bain.

Le néon s'allume, illuminant la pièce d'une teinte grisâtre, rendant sa peau encore plus pâle et accentuant par la même occasion toutes ses blessures. Il s'observe dans le miroir, la critique ayant envahi son regard. Plus rien sur lui ne lui plaît. D'énormes tâches mauves et bleues inondent son torse, ainsi que des traces de suçons rouges dans son cou. Des cernes ornent ses yeux dont le maquillage noir a coulé. Ses cheveux lui collent au front et son arcade sourcilière est fendue.
Il est horrible à voir.

Il laisse ses bras pendre le long de ses flancs amaigris. Ses côtes saillent et des marques rouges garnissent ses hanches.
Toutes ces blessures ne sont que témoins de la violence que lui réserve Minseok et tous ces autres clients. Car il ne fait qu'accumuler. Comme une charge que l'on ajoute à chaque occasion sur le dos d'une mule jusqu'à l'instant où elle ne pourra plus rien porter. Il n'a aucune idée du poids qu'il peut encore porter.

Cependant, ce ne sont que les cicatrices et plaies visibles, car celles qu'il porte profondément en lui, elles, sont invisibles et ineffaçables. Elles marqueront son âme à tout jamais comme un fer rouge que l'on a violemment heurté en elle.

Journal d'un papillon de nuit [TOME 1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant